Matricule « 45 414 » à Auschwitz

Signature de Gustave Crochet lors de son mariage en 1906
Gustave Crochet : né en 1888 à Châteauroux (Indre) ; domicilié à Romorantin (Loir-et-Cher) ; artisan, plombier-zingueur ; communiste ; arrêté le 18 avril 1941, puis le 1er mai 1942 comme otage ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 27 août 1942.

Gustave Crochet est né le 28 juillet 1888 à Châteauroux (Indre).
Il habite « Haute Hoche », dans le quartier de la Ratière à Romorantin (Loir-et-Cher) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Louise Léonard, 28 ans, ménagère et de Jean Auguste Crochet, 25 ans, couvreur, son époux. 
Ses parents habitent au 40, boulevard Saint Louis à Châteauroux.
Gustave Crochet passe le certificat d’études primaires.

Il épouse Marie
, Louise, Juliette Thoreau le 15 septembre 1906 à la mairie de Châteauroux (âgée de 20 ans, née le 11 décembre 1886 à Châteauroux, fille de vignerons, exerçant la profession de lingère, elle habitait à Châteauroux chez ses parents).

Selon sa fiche matricule militaire, Gustave Crochet mesure 1m 70, ales cheveux et les sourcils bruns, les yeux gris, le front haut, le nez long, la bouche moyenne, le menton rond et le visage ovale. Il a un niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire et écrire et compter, instruction primaire élevée) et le « Brevet de conduite des autos ». Au moment du conseil de révision, il travaille comme chaufournier à Châteauroux (spécialiste en four à chaux).
Conscrit de la classe 1908, Gustave Crochet, soutien de famille, est appelé au service militaire et incorporé au 90è Régiment d’infanterie le 8 octobre 1909. Il est nommé clairon (caporal-clairon) le 23 octobre 1910. Il est « envoyé dans la disponibilité » le 23 septembre 1911, « certificat de bonne conduite accordé ». Il est classé dans la réserve comme auxiliaire.
En septembre 1912, le jeune couple vient habiter en région parisienne, domicilié à Hyères (Seine / Essonne) au 22 rue des Nonnains. En juin 1914, ils ont déménagé au 13 de la même rue.
Il est classé dans la réserve comme « service auxiliaire » pour « arthrite chronique au coude droit et fracture en quinconce de la jambe ».
Le 12 septembre 1914, le couple est revenu boulevard Saint-Louis à Châteauroux.
Le décret de mobilisation générale du 1er août 1914 entraîne sa mobilisation : la commission de réforme le classe alors « service armé » (en vertu des arrêtés du 9 octobre qui rappellent les soldats classés « services auxiliaires ») et il est affecté au 49è Régiment d’artillerie. Le 23 décembre il est transféré au groupe cycliste de la 5è division de cavalerie.
Il est nommé Caporal le 29 avril 1915. Il est transféré au 65è Bataillon de chasseurs à pied le 5 décembre 1915. Il est évacué le 11 décembre pour « adénite cervicale spécifique ». Le 21 janvier 1917, il « passe » au 29è Bataillon de chasseurs à pied. Il est blessé (plaies et fracture aux phalanges de la main droite) le 16 avril 1917 à Moussy-sur-Aisne (2ème bataille du Chemin des Dames, lors de l’offensive Nivelle. Pertes françaises 200.000 hommes !). Le 12 février 1918, il est proposé pour un changement d’arme (l’aviation) par la commission de réforme du Mans pour « séquelles de congestion de la base du poumon droit et poussées rhumatismales subaïgues intermitentes ». Il est « remis clairon » par décision du Lieutenant-colonel du 1er centre d’instruction.
Le 18 février 1918, il « passe » au 2è groupe d’aviation. Le 7 mars, il passe au 1er groupe d’aviation. La 5è commission de Réforme de la Seine du 5 avril 1919 le déclare «  inapte personnel navigant», pour « limitation des mouvements de l’épaule  et du coude droits ». Il sera proposé pour une pension de 10 % en 1921 par la commission de réforme de Tours.
Le 7 mai 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation, « certificat de bonne conduite accordé ».  Il est titulaire de la carte du combattant, n° 26610, qu’il obtient dans le département du Loir-et-cher.

Démobilisé, il est artisan à son compte, fabricant de fours de boulangerie à Haute-Roche (Romorantin). Il travaillera par la suite
comme plombier-zingueur. Il est à nouveau classé dans la réserve comme auxiliaire à la 9è section des infirmiers militaires à Châteauroux (maintien par les commissions de réforme en 1927 et 1928).

« Gustave Crochet était un bon vivant – écrit Georges Larcade – il était à l’origine du comité des «ratons de la Ratière», un des premiers comités de quartier qui connaissait un grand succès». « Les statuts ont été déposés en octobre 1936 – note Christian Boulard, président de l’association des riverains en 2006 -. Gustave Crochet en fut le premier président». « Le 30 septembre 1936, Gustave Crochet, premier président, déposait les statuts. C’est lui qui a monté, animé, celle qui allait devenir l’une des plus importantes associations de quartier à Romorantin », in La Nouvelle République (23/04/2016).

Le 15 octobre 1937, il est « dégagé de toutes obligations militaires ».
Gustave Crochet est membre du Parti communiste.

1940, la Wehrmacht défile à Blois

Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. L’ordre d’évacuation de Blois est lancé le 14 juin. Les 15 et 16 juin 1940, bombardements allemands sur Montrichard, Blois et Vendôme. Le 22 juin, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 1er juillet, elle passe par le département du Loir-et-Cher en suivant le cours du Cher, de Châtres jusqu’à Chissay (à l’exception de Selles-sur-Cher qui demeure en zone occupée). Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».

Pendant l’occupation, c’est en raison de ses opinions politiques qu’il est est arrêté le 18 avril 1941, le même jour que le patron et les ouvriers de l’entreprise Benoist-Bourgeois. Il est libéré sans jugement.
Il est arrêté à nouveau à Romorantin à son domicile et en présence de sa femme, le 1er mai 1942. Cette arrestation s’inscrit dans la rafle des 1eret 2 mai 1942 qui concerne 140 communistes ou présumés tels (dont certains avaient déjà été arrêtés en 1940 ou 1941) dans 3 départements (Cher, Loir-et-Cher, Loiret). Il s’agit d’une opération de représailles à la mort d’un Feldgendarme à Romorantin la nuit du 30 avril 1942.
Lire : Romorantin le 1er mai 1942 : un Feldgendarme est tué, un autre blessé. Arrestations, exécutions et déportations.
13 romorantinais sont arrêtés. Six d’entre eux seront déportés à Auschwitz : Moïse Bodin,  Victor Budin, Gustave Crochet, Octave Hervaux, Edouard Roguet, Daniel Pesson.

Gustave Crochet est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), probablement le 9 mai 1942, en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Gustave Crochet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf l’article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 414″.

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
En raison de sa profession de plombier, il a peut-être été ramené  au camp principal, mais aucun document ou témoignage en atteste.

Gustave Crochet meurt à Auschwitz le 27 août 1942 (date transcrite à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 2, page 187).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

Le registre d’état civil de Chateauroux porte toujours la mention «décédé le 6 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne). Cette date qui est celle du départ du convoi, reproduit l’état civil fictif établi après la Libération. Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte les archives du camp d’Auschwitz emportées par les Soviétiques en 1945. Le Death Books from Auschwitz a été publié en deux gros volumes par le Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau dès 1995.
Lire dans le site :  Les dates de décès à Auschwitz.

In © Mémorial GenWeb

A la Libération, son épouse Marie-Louise sera aidée par le COSOR (comité des œuvres sociales de la Résistance).
Gustave Crochet a été déclaré « Mort pour la France » le 31 octobre 1947.
Son nom est honoré sur les monuments aux morts de de Romorantin-Lantenay (quai de l’île Marin et dans le vieux cimetière).

Sources

  • Mairie de Romorantin (communications de Madame Valin – fiches de dénombrement des Internés et Déportés, service des Statistiques – et Madame Vally, Archiviste (1990).
  • « La Résistance dans le Loir-et-Cher « , Op. Édité par l’ANACR en 1964.
  • Liste établie en 1977 par le président de l’ADIRP du Loir et Cher, Georges Larcade, et communiquée à la commission d’histoire de la FNDIRP.
  • Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLIV-67. Chartres 23-10-1941.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau indiquant généralement la date de décès au camp (Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen).
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb
  • © Site www.mortsdanslescamps.com
  • Registres matricules militaires.

Notice Biographique rédigée en février 2011 (complétée en 2018, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 » », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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