Matricule « 46 063″ à Auschwitz
Albert-Léon Robert : né en 1900 à Saint-Bonnet-de-Condat (Cantal) ; domicilié à Selles-sur-Cher (Loir-et-Cher) ; chaudronnier SNCF ; arrêté le 2 mai 1942 comme otage communiste ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 11 août 1942.
Albert-Léon, Alfred (1) Robert est né le 28 septembre 1900 à Régheat, commune de Saint-Bonnet-de-Condat (Cantal).
Il habite rue du Château à Selles-sur-Cher (Loir-et-Cher) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Victorine Anne Vigouroux, 36 ans, ménagère et de Guillaume Robert, menuisier, 37 ans, son époux.
Il est le cadet d’une famille nombreuse (15 enfants dont 8 au recensement de 1901).
Son registre matricule militaire (sous le prénom d’Albert-Léon) indique qu’il habite à Saint-Bonnet au moment du conseil de révision et y travaille comme cultivateur.
Albert Robert mesure 1m 68, a les cheveux châtain foncé, les yeux marron, le front moyen, le nez droit, le visage ovale. Il a un niveau d’instruction « n° 2 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter).
Conscrit de la classe 1920, matricule 1370, il est ajourné pour « faiblesse » (commission de réforme de Troyes novembre 1913). Le 18 octobre 1920, il arrive au 6è Régiment de chasseurs d’Afrique, pour y effectuer son service militaire. Il est en Algérie jusqu’au 21 juin 1922. Du 16 au 26 janvier 1921, il y est soigné dans un hôpital. Du 22 juin 1922 au 3 octobre 1922, il est considéré comme étant en territoire civil, en Algérie.
A la date normale de sa libération de l’armée, le 22 juin 1922, il est maintenu 40 jours supplémentaires au corps en vertu de l’article 33 de la Loi du 21 mars 1905 (« dans le cas où les circonstances paraîtront l’exiger, le Ministre de la Guerre et le Ministre de la Marine sont autorisés à conserver temporairement sous les drapeaux la classe qui a terminé sa troisième année de service »).
Le 4 novembre 1922, il est renvoyé dans ses foyers et « se retire » à Saint-Bonnet.
En février 1926 il habite à Valençay (Indre) rue Pinard-Pinon. En janvier 1929, il a déménagé pour le quartier du Grand Cimetière à Valençay.
Il est ferblantier, puis cheminot auxiliaire (chaudronnier) à Selles-sur-Cher.
Albert Robert épouse Marie Chaput le 13 août 1938 à la mairie de Selles-sur-Cher (Loir-et-Cher). Le couple a un enfant, ce qui placera Albert Robert dans la classe de mobilisation 1918 (article 28 de la loi du 1er avril 1923) au moment de la mobilisation générale du 1er septembre 1939. Il est alors affecté à l’Ecole de cavalerie de Saumur le 8 mai 1940.
Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Les 15 et 16 juin 1940, bombardements allemands sur Montrichard, Blois et Vendôme. Le 22 juin, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 1er juillet, elle passe par le département du Loir-et-Cher en suivant le cours du Cher, de Châtres jusqu’à Chissay (à l’exception de Selles-sur-Cher qui demeure en zone occupée). Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Alfred Robert est arrêté à Selles-sur-Cher par la Feldgendarmerie et la police française le 2 mai 1942, en même temps que les deux Matrisciano (père et fils) et Prosper Gillis dans dans le cadre de la rafle des 1er et 2 mai 1942 qui concerne 140 communistes ou présumés tels (dont certains avaient déjà été arrêtés lui en 1940 ou 1941) dans 3 départements (Cher, Loir-et-Cher, Loiret). Elle est opérée en représailles à la mort d’un Feldgendarme à Romorantin la nuit du 30 avril 1942. Lire : Romorantin le 1er mai 1942 : un Feldgendarme est tué, un autre blessé. Arrestations, exécutions et déportations . 13 romorantinais sont arrêtés. Six d’entre eux seront déportés à Auschwitz : Moïse Bodin, Victor Budin, Gustave Crochet, Octave Hervaux, Edouard Roguet, Daniel Pesson.
Alfred Robert est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), en vue de sa déportation comme otage.
A Compiègne il reçoit le numéro matricule « 5329 ».
Une de ses sœurs, Marie-Lucie épose Cloysil, s’est rendue au camp pour lui apporter quelques affaires avant son départ (témoignage de sa petite fille, Françoise Cloysil, juillet 2012).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Alfred Robert est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf l’article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 46 063 ».
Sa photo d’immatriculation (3) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks. Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Alfred Robert meurt à Auschwitz le 11 août 1942 (certificat de décès établi au camp d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 3, page 1008).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Son acte de naissance porte la mention « décédé le 6 juillet 1942 à selles sur Cher ». Sa fiche d’état civil établie en France à la Libération porte toujours la mention « décédé le 6 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne)« , date erronée, qui est celle du départ du convoi. Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (Journal officiel d’août 2002), ceci étant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. Ceci est d’autant plus regrettable que la date exacte du 11 août 1942 figure sur sa fiche au DAVCC.
Lire dans le site : Les dates de décès à Auschwitz.
Albert Robert a été homologué « Déporté Politique».
Son nom et celui de deux autres déportés (dont Jean Mastriciano déporté avec lui à Auschwitz), ainsi que deux fusillés sont honorés sur le monument aux morts de Selles-sur-Cher.
- Note 1 : A la Division des archives des victimes des conflits contemporains DAVCC (SHD Caen), son premier prénom est inscrit : Albert. C’est pourquoi, avant d’avoir eu accès à l’état civil en ligne du Cantal où celui ci est certes bien inscrit Albert, mais où l’on lit que son père a voulu lui donner les prénoms d’Albert-Léon et que l’inscription sur le registre résulte manifestement d’une erreur du secrétaire de mairie, je l’avais retenu dans mes 3 ouvrages.
- Note 2 : Le président de l’ADIRP du Loir et Cher, Georges Larcade, a communiqué en 1977 à la commission d’histoire de la FNDIRP le résultat de son enquête auprès des familles de résistants et déportés à propos des causes de l’arrestation des Loir et Chériens le 1er mai 1942. « Dans la nuit du 31 avril au 1er mai 1942, deux jeunes FTP distribuaient des tracts et collaient des affiches à Romorantin. Surpris par deux Feldgendarmen, ils n’eurent que la ressource d’ouvrir le feu. Un Feldgendarme aurait été tué, l’autre grièvement blessé. Dès le lendemain, une vague de répression s’abattit dans la circonscription de la Kreiskommandantur de Romorantin. Cinq jeunes communistes du Loir et Cher, déjà arrêtés soit par les Allemands, soit par la police françaies, certains même incarcérés depuis plusieurs mois, furent fusillés le 5 mai, et cinq autres selon les documents allemands). Des dizaines de militants furent arrêtés les 1er et 2 mai. Certains ont été relâchés par la suite, les autres, après avoir été transférés à Compiègne, ont fait partie, avec d’autres Loir et Chériens déjà à Compiègne depuis plusieurs mois, du fameux convoi du 6 juillet 1942 pour Auschwitz». Dans «Combattants de la Liberté – La Résistance dans le Cher» Marcel Cherrier relatant le 1erMai 1942 évoque cet évènement «le hasard veut qu’au même moment, à Romorantin, une équipe de jeunes conduite par Max Tenon exécute deux Feldgendarmen» et cite le nom des huit militants fusillés parmi les quarante otages arrêtés dans le Cher à cette occasion (c’est la même région militaire).
- Note 3 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLIV-67. Chartres 23-10-1941.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Division ou pôle des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consultée en juin 1993).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau indiquant généralement la date de décès au camp.
- © Site Site Internet Mémorial-GenWeb
- © Site Site Internet « Rail et mémoire ».
- © Site www.lesmortsdanslescamps.com
- Archives en ligne du Cantal : état civil et registres matricules militaires
Notice biographique rédigée en janvier 2011 (complétée en 2016, 2017, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 » », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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