Gabriel Rey à Auschwitz le 8 juillet 1942

Matricule « 46 052 » à Auschwitz

Gabriel Rey : né en 1891 à Paris XVIIIème ; domicilié à Villeparisis (Seine-et-Marne) ;  comptable, enquêteur commercial ; arrêté comme otage communiste le 20 octobre 1941; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 6 octobre 1942.

Gabriel Rey est né le 22 mars 1891 au domicile de ses parents 66, rue Myrha à Paris XVIIIè. Il habite à Villeparisis (Seine-et-Marne), au moment de son arrestation (en 1934 il habite Villeparisis au 31, rue de la République).
Il est le fils d’Aline, Marie Dupon, 43 ans et de Jean Rey, 53 ans, compositeur typographe, son époux.
Son registre militaire nous apprend qu’il mesure 1m 67, a les cheveux châtains foncés et les yeux marron foncés, le front moyen et fuyant, le nez à la base relevée et petit, le visage ovale et le menton vertical. Au moment de l’établissement de sa fiche matricule (1921) son père est décédé. Pour le conseil de révision, il habite alors chez sa mère au 6, cité de la Chapelle à Paris 20è.
Il est comptable, puis sera enquêteur commercial. Il a un niveau d’instruction n° 2 pour l’armée (sait lire et écrire). Il a le « permis pour véhicules autos ».
Lorsque Gabriel Rey, conscrit de la classe 1911, est appelé au service militaire, il est alors détenu à la maison centrale de Poissy (condamnation amnistiée en 1919). Par décision du gouverneur militaire de Paris, il est dirigé, à l’expiration de sa peine (le 17 septembre 1915) sur le 4ème bataillon d’Infanterie légère Afrique (4ème BILA), où il arrive le 7 octobre 1915. Il est au 4ème BILA – en Tunisie – du 7 octobre 1915 au 7 juin 1916. Il est nommé première classe le 23 mars 1916 et caporal le 3 juin 1916. Le 8 juin 1916, il est transféré au 3ème BILA, qui vient combattre en France.

Gabriel Rey épouse Yvonne, Emilie, Céline Beaumain le 10 février 1917 à Thiais
(Val de Marne). Employée de commerce, elle est née le 27 mai 1895 à Paris 19è (elle est décédée le11 janvier 1991 à Meaux).
Elle est domiciliée au 1, rue des Aubépines à Thiais. Gabriel Rey est alors caporal au 3ème bataillon de marche (Chasseurs à pieds), domicilié au 21, rue Raspail à Gentilly. Ses parents sont tous deux décédés au moment du mariage.
Gabriel Rey est blessé par un éclat d’obus le 17 avril 1917 (plaie en séton à l’épaule droite, entrée au dessus de la clavicule). Evacué sur l’hôpital n°1, il est hospitalisé à Révigny le 23 avril, puis à l’hôtel Dieu de Lyon le 4 mai. En convalescence du 27 août au 30 septembre.

Croix de guerre Etoile de bronze

Il est cité à l’ordre du jour du 3è Bataillon de marche (17 août 1917) « Caporal énergique et brave, a été blessé en se portant à l’assaut des lignes allemandes ». Il est décoré de la Croix de guerre avec étoile de bronze.  En Tunisie à partir du 9 octobre 1917. Il est transféré au 5è BILA le 31 janvier 1918. Le 17 avril 1918, à Gabès, il est classé « service auxiliaire pour blessure de guerre » (fracture omoplate, fracture clavicule, par blessure de guerre). Il sert en Tunisie jusqu’à sa démobilisation le 18 mars 1919, « Certificat de bonne conduite accordé ».
En mars 1919, il habite Gentilly (Seine / Val-de-Marne) au 21 avenue Raspail.
En mai 1921 il déménage au 17, rue de Courtry à Villeparisis (Seine-et-Marne). En 1924 il est enquêteur commercial pour plusieurs établissements bancaires (Crédit du commerce et Maison Piquet, boulevard de Sébastopol).
En mai 1927 le couple habite 8, rue de Cernay à Sannois (Seine-et-Oise / Val d’Oise), puis en juillet 1928 dans la même ville, au 21, avenue de Mauvoisis.
En septembre 1934, ils reviennent habiter Villeparisis au 31, rue de la République. Et le couple habite au n° 246 rue de la République en 1936.
Gabriel Rey y est toujours indiqué comme « enquêteur commercial ».
Selon les services de police, qui le considèrent comme un militant, Gabriel Rey adhère au Parti communiste en janvier 1937.
Si son registre matricule militaire indique « sans affectation » en 1928, Gabriel Rey a dû néanmoins être mobilisé lors de la déclaration de guerre, compte tenu de sa classe de mobilisation, la 1911. Cette classe est démobilisée fin 1939.
Peu avant l’invasion allemande, au début juin 1940, il est convoqué par le commissaire de police de Villeparisis et déclare ne se livrer à aucune propagande politique, tout en ayant conservé « ses anciennes idées ».

Le 13 juin 1940, des éléments de l’armée allemande atteignent le canal de l’Ourcq au sud de Mitry-Mory. Ils sont surpris par des nids de résistance militaire. Jusqu’à 19 heures, l’entrée de Villeparisis est le théâtre d’âpres combats. Rendues furieuses par cette résistance de militaires français, les troupes allemandes s’en prennent à la population civile. 15 otages, habitants de Villepinte, Mitry-Mory et Villeparisis sont fusillés. Fontainebleau est occupé le 16 juin 1940. Une Kreiskommandantur, située boulevard Jean Rose à Meaux, va exercer son autorité sur l’arrondissement de 1940 à 1943. Le 14 juin, l’armée allemande était entrée par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cessant d’être la capitale du pays et devenant le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Il est sans travail pendant six mois au lendemain de l’occupation allemande et ne trouve que du travail à mi-temps.
Gabriel Rey est arrêté le 20 octobre 1941 à son domicile par la police française et la Felgendarmerie en même temps qu’Albert Bonvalet et Antoine Carrier, qui seront également déportés à Auschwitz.
Les 19 et 20 octobre 1941, de nombreux élus ou militants communistes du département sont arrêtés. Parmi eux, 44 seront déportés à Auschwitz. Lire dans le site la rafle des communistes en Seine-et-Marne, octobre 1941.

A la demande des autorités allemandes, Gabriel Rey et ses camarades de Seine-et-Marne sont transférés par car au camp de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le 20 octobre 1941. A Compiègne, il reçoit le numéro matricule 1808.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Gabriel Rey est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Gabriel Rey le 8 juillet 1942 à Auschwitz

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 46052 » (1).
Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Gabriel Rey meurt à Auschwitz le 6 octobre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 3, page 1004).

Plaque commémorative inaugurée en 2003

Il a été déclaré « Mort pour la France« . Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué en 1954. Son nom figure sur la plaque commémorative inaugurée en 2003 par José Hennequin, maire communiste de Villeparisis, devant le Musée d’Histoire Locale pour honorer trois résistants de Villeparisis. 

Cette plaque remplace celle installée initialement place Henri Barbusse sur un arbre ramené du camp de Mauthausen par le fils de Julien Delespinay (son nom figure sur la plaque avec celui de Gabriel Rey et René Spartaco). L’arbre a été endommagé par la tempête du 26 décembre 1999.

  • Note 1 : Le fils d’Antoine Carrier qui avait 9 ans au moment de l’arrestation de son père (il a 79 ans en 2022 ), après qu’il ait vu la photo d’immatriculation à Auschwitz de Gabriel Rey et la demande d’authentification sur le présent site, « pense qu’il s’agit bien de lui sans pour autant l’affirmer, et Monsieur Rey avait certainement déjà beaucoup changé au moment où cette photo a été prise. Cependant, c’était un copain de son père et dans ses souvenirs de gamin ce visage lui était familier. Il connaissait très bien Madame Rey, puisque les Rey étaient des voisins de mes grands parents, et madame Rey gardait mon père chez elle lorsque ma grand-mère se rendait au camp de Royallieu à Compiègne pour voir mon grand-père » (courriel de Mme Josette Besson, née Carrier, en date du 15 juillet 2011). Dans la mesure où le numéro matricule correspondant au visage qui a paru familier à M. Carrier « cadre » avec la tentative de reconstitution des listes que j’avais opérée en 1997, il m’a semblé raisonnable de le considérer comme valide.

Sources

  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • « La Résistance en Seine et Marne« , Claude Cherrier et René Roy, (Presses du Village).
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consultée en juin 1992). Cite dossier Brinon.
  • Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys, cabinet du préfet et dossier individuel.
  • Registres matricules militaires.
  • Recensement Villeparisis 1936.

Notice biographique installée en 2011, complétée en 2017 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) .  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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