Matricule « 45 388 » à Auschwitz
Pierre Colombier : né en 1891 à Molain (Aisne) ; domicilié à Mitry-Mory (Seine-et-Marne) ; électricien ; conseiller municipal communiste ; arrêté comme otage le 20 octobre 1941; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 12 août 1942.
Pierre Colombier est né le 13 mai 1891 à Molain (Aisne). Il habite au 8, route de la Villette à Mitry-Mory (Seine-et-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Amélie Legrand, tisseuse et de Pierre, Joseph Colombier, 47 ans, couvreur en chaume. Son père décède en 1902.
Pierre Colombier épouse à Molain, le 31 octobre 1910, Aimée, Elizabeth, Eugénie Leblond domiciliée à Molain. Journalière, elle est née le 11 novembre 1889 à Bazuel (Nord). Au moment du mariage, il a 19 ans et travaille comme tisseur, ainsi que sa mère. Le couple a un garçon, Maurice, né le 29 février 1924 à Paris 10ème (il est décédé en 2021).
Le Registre matricule militaire de Pierre Colombier indique que lors du conseil de révision il a été ouvrier agricole, puis qu’il sera électricien. Il mesure 1m 68, a les cheveux châtains et les yeux gris. Il a un niveau d’instruction primaire élevé (niveau n° 3).
Conscrit de la classe 1911, Pierre Colombier est incorporé le 19 octobre 1912 au 87ème Régiment d’infanterie à Saint-Quentin. Le régiment part en campagne en Belgique le 5 août 1914.
Pierre Colombier est blessé le 22 août 1914 près de Virton et évacué. Passé le 1er juillet 1916 à la 10ème compagnie de ce régiment. Il est blessé au visage et dans la région lombaire lors de l’assaut de la tranchée du Vampire. Il est évacué le 7 mai 1917 (il aura une pension d’invalidité de 30%).
Le 18 mai 1917 il est réaffecté à la 10ème compagnie et participe dès le mois de juin aux combats engagés à la cote 304 à Verdun.
Il a été cité deux fois à l’ordre du régiment et reçoit la Croix de guerre et la Médaille militaire (décret 1930). Il rentre au dépôt de Quimper le 15 novembre 1917. Le 12 mars 1918 il passe à la 9ème compagnie.
Le 21 juillet 1919, Pierre Colombier est démobilisé et « se retire » au 1, rue Corbeau à Paris 10è.
A partir de 1930, le couple est domicilié au 8, route de la Villette aux Aulnes à Mitry-Mory. Pierre Colombier est retraité de la CPDE, Compagnie parisienne de distribution d’Electricité (section Saint Ambroise). En 1936, le couple et leur fils habitent au n°41 route de la Villette.
Membre du Parti communiste, Pierre Colombier est élu conseiller municipal de Mitry-Mory.
Le 14 juin 1940, les troupes allemandes sont à Meaux ; le 15 juin à Brie-Comte-Robert et à Melun. Le dimanche 16 juin 1940, des éléments motorisés de la Werhmacht franchissent la Seine à Valvins sur un pont de bateaux. Ils traversent Avon avant d’entrer dans Fontainebleau, précédant le gros des troupes. Le 14 juin, l’armée allemande était entrée par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cessant d’être la capitale du pays et devenant le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
En octobre 1940, les services de police notent une recrudescence de la propagande communiste, mettent en place des filatures et perquisitionnent aux domiciles des communistes connus avant guerre.
Pierre Colombier est arrêté le 20 octobre 1941 à son domicile par la Felgendarmerie. Le même jour trois autres militants de Mitry-Mory sont également arrêtés : Jean Guilbert, André Amiard (tous deux déportés à Auschwitz) et Charles Collet. Les 19 et 20 octobre, de nombreux élus ou militants communistes du département sont arrêtés. Parmi eux, 44 seront déportés à Auschwitz.
Lire dans le Site la rafle des communistes en Seine-et-Marne, octobre 1941.
Pierre Colombier et ses camarades de Seine-et-Marne sont transférés par car au camp de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le 20 octobre 1941.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Pierre Colombier est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 388 ».
Sa photo d’immatriculation (4) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
On ignore dans quel camp il est affecté à cette date.
Pierre Colombier meurt à Auschwitz le 12 août 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 2, page 185). Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz.
Le nom de Pierre Colombier est inscrit sur le monument aux morts de Mitry-Mory.
Le 23 février 1972, son fils Maurice écrit au « Patriote Résistant », journal de la FNDIRP pour répondre aux renseignements demandés par le « PR » sur les déportés du convoi du 6 Juillet 1942.
En 1977, une cellule du PCF de Mitry-Mory portait son nom (la municipalité est à majorité communiste depuis 1925 – hormis la période de la guerre – jusqu’à la date de la mise à jour de cette notice).
En 2016 , dans Mitry ma Ville, un article annonce « que dans le cadre du projet d’aménagement du secteur Corbrion, une nouvelle voie, accessible depuis le chemin des Coches et débouchant rue de Villeparisis, sera créée. Malgré l’abstention de l’opposition municipale, lors du conseil municipal du 11 avril 2016, la proposition de la municipalité a recueilli l’adhésion de la majorité pour rendre hommage à ce militant mitryen, arrêté par les nazis à Mitry-Mory en 1941, et mort à Auschwitz le 12 août 1942« .
Cette rue existe désormais.
- Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis à André Montagne, vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Lettre de son fils au « Patriote Résistant » (23 février 1972).
- Archives en ligne de l’Aisne.
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau indiquant généralement la date de décès au camp.
- « La Résistance en Seine et Marne« , Claude Cherrier et René Roy, (Presses du Village).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau indiquant généralement la date de décès au camp.
- © Site Site Internet mémorial « GenWeb ».
- © Archives en ligne de l’Aisne. Etat civil et Registre matricule militaire.
- © Citations et exploits du 87è Régiment d’Infanterie. Paris, Imprimerie Compiègne, G. Petit, directeur, 1919. Numérisé par Xavier Antoine, 2010.
Notice biographique installée en 2011, complétée en 2015 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) . Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com