Matricule « 45 244″à Auchwitz
André Bichot : né en 1905 à Maisoncelles-en-Brie (Seine-et-Marne) ; domicilié à Esbly (Seine-et-Marne) ; cheminot ; présumé communiste ; arrêté le 19 octobre 1941; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 2 août 1942.
André Bichot est né le 9 novembre 1905 à Maisoncelles-en-Brie (Seine-et-Marne).
Il habite au 86, rue Victor Hugo à Esbly (Seine-et-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Lucie Marie Poplet, née le 15 septembre 1885 à Montbénard- Maisoncelles (Seine-et-Marne), sans profession et de Ernest Bichot, né le 17 octobre 1881 à Quincy-Ségy, charretier, son époux.
Il est l’aîné d’une fratrie de 10 enfants (Maurice, Robert, Madeleine, Simone, Marie-Thérèse, Marie, Roger, Renée, Gisèle) nés entre 1905 et 1921. Leurs parents se sont mariés le 13 octobre 1904 à Maisoncelles-en-Brie.
La famille habite en 1905 à Maisoncelles, en 1914 à Quincy-Ségy, en 1918 à Vaires, puis à nouveau à Quincy-Sguy en 1920.
Conscrit de la classe 1925, il effectue son service militaire au 146ème Régiment d’Infanterie qui participe à la construction de la ligne Maginot.
Il est cheminot, employé au service de la voie (cantonnier n°40067). « Il était bien noté au point de vue travail » (note des Renseignements généraux ».
Il se marie le 7 novembre 1931 à Madré (Mayenne) avec Augustine Victorine Françoise Lemeunier, née le 5 juin 1905 à Madré (elle est décédée le 22 mars 1987 à Alençon). Le ménage n’a pas d’enfant (note des Renseignements généraux). En 1932, à Esbly, il a un accident de bicyclette, et il est blessé aux bras et aux jambes (in le Petit Parisien du 25 août 1932).
Le 14 juin, les troupes allemandes sont à Meaux ; le 15 juin à Brie-Comte-Robert et à Melun. Le dimanche 16 juin 1940, des éléments motorisés de la Werhmacht franchissent la Seine à Valvins sur un pont de bateaux. Ils traversent Avon avant d’entrer dans Fontainebleau, précédant le gros des troupes.
Le 14 juin, l’armée allemande était entrée par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cessant d’être la capitale du pays et devenant le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
André Bichot est arrêté le 20 octobre 1941, avec 5 autres militants, dont Modeste Douchet, également cheminot, André Touret et Marcel Vincent qui seront comme lui déportés à Auschwitz. Leurs quatre noms figuraient sur la liste d’otages préparée le 25 août 1941. Cette liste émane du RSHA (Reichssicherheitshauptamt, « Office central de la sécurité du Reich », In document XLIV- 59-60, Saint Germain 24 décembre 1941).
Pour les renseignements généraux (« note blanche » non signée, non datée) « le prénommé était connu à Esbly pour avoir des idées très avancées et avoir adhéré au Parti communiste, sans que l’on ait pu en faire effectivement la preuve. Il était du moins noté comme tel sur la liste conservée à la brigade de gendarmerie d’Esbly, communiquée d’ailleurs à monsieur le commissaire de police spécial à Melun, quelques jours avant les propositions d’internement. Il en a été de même pour les trois autres militants sur le compte desquels sont établis les mêmes rapports ».
La même note rapporte les propos d’un compagnon d’internement, René A. qui est libéré au bout de 4 mois de Compiègne « libéré comme ayant pu faire la preuve de son adhésion au Parti socialiste » et qui considère Brichot comme « un personnage très renfermé, d’humeur sombre, ne se confiant que très difficilement. Cependant le pré nommé aurait certifié à plusieurs reprises ne pas avoir adhéré au parti communiste, mais seulement en avoir été sympathisant. La note conclut : parmi les internés administratifs d’Esbly, il semble que Brichot puisse être considéré comme l’un des moins dangereux au point de vue de la sécurité publique ».
De nombreux élus ou militants communistes du département sont arrêtés les 19 et 20 octobre. Parmi eux, 42 seront déportés à Auschwitz.
Lire dans le site : la rafle des communistes en Seine-et-Marne, octobre 1941.
Une enquête des services de la préfecture a été faite en 1942 à la suite de la demande de libération effectuée par l’épouse d’André Bichot. Le rapport indique « le prénommé était connu pour avoir des idées très avancées et avoir adhéré au parti communiste (…) il était noté comme tel sur la liste conservée à la Brigade de Gendarmerie d’Esbly, communiquée d’ailleurs à monsieur le commissaire de police spéciale à Melun avant les propositions d’internement. Il en a été de même pour les trois autres militants sur le compte desquels sont établis les présents rapports ».
Le Préfet de Seine et Marne écrivant à la suite de ces rapports à Brinon, le 20 juin 1942 (même texte le 2 juin 1943) : « J’ai l’honneur de vous faire connaître que Bichot André était connu comme militer au sein du parti communiste. Quoique bon ouvrier, il est représenté toutefois comme peu intéressant et très mauvais esprit. En raison de ces renseignements, il me paraît difficile d’intervenir auprès des autorités allemandes en vue de sa libération).
Les cheminots communistes (ou sympathisants) de Seine-et-Marne semblent avoir été particulièrement visés : 9 d’entre eux sont arrêtés en ce mois d’octobre et sont déportés à Auschwitz.
André Bichot et ses camarades d’Esbly sont transférés par car au camp de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le 20 octobre 1941.
A Compiègne il reçoit le matricule « 1790 » et est affecté à la baraque A3.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, André Bichot est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 244 ».
Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
André Bichot meurt à Auschwitz le 2 août 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz, in Death Books from Auschwitz, Tome 2, page 86).
Sa fiche d’état civil établie en France à la Libération porte toujours la mention « décédé le 15 septembre 1942, à Auschwitz-Birkenau (Pologne)». Il serait souhaitable que le ministère corrige ces dates fictives qui furent apposées dans les années d’après guerre sur les état civils, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés. Cette démarche est rendue possible depuis la parution de l’ouvrage « Death Books from Auschwitz » publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz.
Par un arrêté de 1949 paru au Journal Officiel du 19 janvier 1949, André Bichot est homologué comme « Sergent-chef » à titre posthume au titre de la Résistance intérieure française, avec prise de rang au 1er octobre 1941.
Il a été déclaré « Mort pour la France« .
Le titre de «Déporté politique» lui a été attribué le 20 décembre 1954.
- Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Division des archives des Victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en 1991 et juillet 1992 au Val de Fontenay).
- « La Résistance en Seine et Marne« , Claude Cherrier et René Roy, (Presses du Village).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Arbre généalogique Michced
Notice biographique installée en 2011, complétée en 2017 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) . Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com