Matricule « 45 481 » à Auschwitz

Alexandre Douchet © Mme Lelorrain-Douchet
Alexandre Douchet : né le 23 octobre 1896 à Bar-le-Duc (Meuse) ; domicilié à Esbly (Seine-et-Marne) ; cantonnier SNCF ; militant CGT, communiste ; arrêté le 20 octobre 1941; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 17 août 1942.

Modeste, Alexandre (1) Douchet est né le 23 octobre 1896 à Bar-le-Duc (Meuse).
Il habite 9, bis place de la mairie à Esbly (Seine-et-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Maria Tritz, 26 ans, sans profession et de Victor Douchet, 27 ans, manœuvre, son époux.  Ses parents sont alors domiciliés au 19, rue de Saint-Mihiel à Bar-le-Duc.
Il a une sœur et un frère cadets (Marie, Catherine 1900-1987 et Victor, André 1902-1958).
Cheminot, il est cantonnier, puis cantonnier principal.
Conscrit de la classe 1915, il est appelé le 10 avril 1915 au 154è régiment d’infanterie.
Alexandre Douchet qui ne s’est pas présenté à la caserne est classé « insoumis » quinze jours après (il ne sera« rayé » des rôles de l’insoumission qu’en 1924).
En fait la famille Douchet a quitté la Meuse et habite à Caudry, canton de Clary (Nord). La ville est occupée par les Allemands pendant presque toute la durée de la guerre, ce qui sera considéré « cause de force majeure » pour l’armée.
Alexandre Douchet ne sera recensé qu’en 1919, dans la subdivision d’Avesnes (Nord) où ses parents sont alors domiciliés.
Lors du conseil de révision de la classe 1919, son registre matricule militaire indique qu’il mesure 1m 75, a les cheveux châtain, les yeux marron clair, le menton rond et le nez rectiligne, les lèvres minces et la bouche petite, le visage rond et osseux, la corpulence moyenne.
Le 6 février 1919, le conseil de révision du Nord le déclare « maintenu service armé ».
Mais Alexandre Douchet habite alors Mareuil-les-Meaux en Seine-et-Marne. Il est donc « introuvable dans les délais de libération de sa classe » et sera de ce fait directement placé dans la réserve de l’armée active ! Le 12 juin 1921, il habite Mareuil-les-Meaux.

Il épouse Marcelle
, Désirée, Alphonsine Martin, à Quincy-Sejy (qui deviendra Quincy-Voisins – Seine-et-Marne), le 17 décembre 1921. Elle est née le 23 mai 1897 à Quincy-Séjy. Les jeunes mariés y habitent en février 1922.
Le 6 août 1923, Alexandre Bouchet a été embauché aux chemins de fer du Nord et se trouve de ce fait « affecté spécial » pour la réserve de l’armée en 1925. Le couple a une fille qu’il prénomme Régine : elle naît le 29 août 1925 à Quincy-Voisins.
La famille vient habiter Esbly en 1927. Alexandre Douchet y est cantonnier principal aux Chemins de fer du Nord en 1936.

Le 17 octobre 1939, sollicité par la direction de la Sureté nationale, le Préfet de Seine-et-Marne, Pierre Jean Paul Voizard qui a été nommé en juin, fournit une liste de « fonctionnaires et agents des services publics mobilisables appartenant au parti communiste et maintenus à leur poste », dont celui d’Alexandre Douchet

Il est vraisemblable qu’à l’instar de la quasi totalité des « affectés spéciaux » considérés comme communistes ou syndicalistes (en particulier les cheminots), il ait été rayé de l’affectation spéciale fin 1939 ou début 1940 et réaffecté dans la réserve, donc mobilisable.

Le 14 juin, les troupes allemandes sont à Meaux ; le 15 juin à Brie-Comte-Robert et à Melun. Le dimanche 16 juin 1940, des éléments motorisés de la Werhmacht franchissent la Seine à Valvins sur un pont de bateaux. Ils traversent Avon avant d’entrer dans Fontainebleau, précédant le gros des troupes. .Le 14 juin, l’armée allemande était entrée par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cessant d’être la capitale du pays et devenant le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Pendant l’Occupation, Alexandre Douchet est arrêté le 20 octobre 1941, avec 5 autres militants, dont André Bichot, cheminot comme lui, André Touret et Marcel Vincent, qui seront comme lui déportés à Auschwitz.
Leurs quatre noms figuraient sur la liste d’otages préparée le 25 août 1941 : cette liste datée du 25 août 1941 émane du RSHA (Reichssicherheitshauptamt, « Office central de la sécurité du Reich », In document XLIV- 59-60, Saint Germain 24 décembre 1941).

Les renseignements généraux, dans une note blanche concernant le cheminot Bichot d’Esbly ( note blanche : non signée et non datée) et rapportant son appartenance présumée au Parti communiste fait état d’une liste conservée à la brigade de gendarmerie d’Esbly « communiquée d’ailleurs à monsieur le commissaire de police spécial à Melun, quelques jours avant les propositions d’internement. Il en a été de même pour les trois autres militants sur le compte desquels sont établis les mêmes rapports ».
De nombreux élus ou militants communistes du département sont arrêtés les 19 et 20 octobre. Parmi eux, 42 seront déportés à Auschwitz.
Lire dans le site : la rafle des communistes en Seine-et-Marne, octobre 1941.

Alexandre Douchet et ses camarades de Seine-et-Marne sont transférés par autocar au camp de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le 20 octobre 1941.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne Alexandre Douchet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

L’entrée d’Auschwitz 1

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 481 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi.
Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Alexandre Douchet meurt à Auschwitz le17 août 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 2, page 235).
Lire dans le site Les dates de décès à AuschwitzL’année erronée du 17 août 1943 a été rectifiée en 1942 sur son acte de naissance, le 31 mars 1952.
Il a été déclaré « Mort pour la France« . <
Le titre de «Déporté politique» lui a été attribué en 1953.

  • Note 1 : Il a été enregistré à Auschwitz sous le prénom d’Alexandre.

Sources

  • Division des Archives des Victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en 1991 et juillet 1992).
  • « La Résistance en Seine et Marne« , Claude Cherrier et René Roy, (Presses du Village).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consultée en 1992).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Photo : Mail de sa petite fille, Mme Renée Lelorrain-Douchet (juin et septembre 2014).
  • © Etat civil et Registres matricules militaires de la Meuse et du Nord.

Notice biographique installée en 2011, complétée en 2015 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005).  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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