Matricule « 45 178 » à Auschwitz
Pierre Arnould : né en 1921 à Paris 14è ; domicilié à Troyes (Aube) ; étudiant ; arrêté le 31 janvier 1941, le 26 février 1942 ; interné à Clairvaux, Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 18 septembre 1942
Pierre Arnould est né le 6 septembre 1921 à Paris 14è.
Il habite à Troyes (Aube), au 13, rue Pierre Gillon au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Andrée Dupuis, née le 7 septembre 1888 à Troyes (décédée en 1984), sans profession et de Raoul Arnould, né en 1891 à Troyes, électricien, puis directeur commercial, son époux.
Trois mois après sa naissance, le couple habite au 13 bis, rue du Pont des Champs à Troyes. Puis, ils déménagent en 1923 au 2, rue de la Mission. Ils se marient le 17 janvier 1925 à Paris (acte de naissance d’Andrée Dupuis). Pierre Arnould a une sœur cadette, Huguette, qui naît en 1926 à Troyes.
En 1931, son père est directeur commercial aux établissements Morin.
La famille déménage en avril 1936 au 13, rue Pierre Gillon à Troyes.
Pierre Arnould est étudiant, célibataire. En 1938, son père travaille chez Schneider au Creusot.
Après la percée allemande de mai 1940, Troyes n’est pas déclarée « ville ouverte », à l’instar de Paris où de Dijon. C’est l’endroit où une contre-offensive française est possible. Le général Requin installe le 12 juin à Troyes le poste de commandement de la 4èArmée.
Le 13 juin, les Allemands entrent dans l’Aube, à Romilly, après avoir franchi la Seine. Arcis tombe le 15 juin. Le 15 juin, les Allemands entrent à Troyes par les routes de Sens et de Paris. Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville
cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes défilent sur les Champs-Élysées. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus, candidats ou militants communistes « notoires », procédé à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.
Pierre Arnould est « un des premiers résistants aubois » (étude de Rémi Dauphinot et Sébastien Touffu).
Il est arrêté le 31 janvier 1941, et condamné le 8 juillet 1941 pour « appartenance à un mouvement de Résistance, association interdite, détention d’armes, passage de ligne de démarcation, constitution de corps franc, rassemblement d’armes ». Il est alors interné à la centrale de Clairvaux (étude de Rémi Dauphinot et Sébastien Touffu).
Lire dans le site : La Maison centrale de Clairvaux .
Dès le début de l’occupation, il constitue et dirige un groupe de résistance sous le pseudonyme de « Jean Clair » dont l’activité principale est la récupération d’armes. À Saint-Julien-les-Villas notamment, il organise une cache contenant des mousquetons, des fusils, des révolvers, des grenades et des munitions, le tout en parfait état. Le 31 janvier 1941, Pierre Arnould est arrêté à son domicile. Il est conduit avec d’autres jeunes dans une cellule de commissariat de Troyes. « Le commissaire leur fait couper les cheveux à ras et les soumet à des travaux pénibles. Cependant, faute de preuves, le préfet de l’Aube intervient pour qu’ils ne soient pas remis à la police allemande. Le 15 février suivant, à la suite d’une nouvelle intervention du préfet, ils sont libérés. Quelques jours plus tard, le commissaire convoque Pierre Arnould pour l’envoyer travailler sur un chantier à Rumilly-les-Vaudes (Aube). Non seulement, Pierre Arnould ne s’y rend pas, mais il quitte Troyes, franchit clandestinement la ligne de démarcation et se rend à Marseille, où il retrouve Henri Broniarczyk, 27 ans, Polonais naturalisé français, camarade ayant échappé aux arrestations et qui s’est mis en rapport avec les services du 2eme bureau. Début avril, ils reviennent tous deux clandestinement à Troyes… Il existe ensuite deux versions du motif de leur arrestation. Selon l’une d’elle Pierre Arnould apprend que ses camarades ont rejoint le chantier de Rumilly, où ils sont placés en liberté surveillée. Il s’y rend dans le but de les faire évader, prenant contact avec l’un d’entre eux. Un rendez-vous est pris pour le soir du 5 avril, mais quand il arrive à proximité du village, Pierre Arnould est arrêté par le commissaire Brunet, qui le trouve porteur d’un revolver. Selon Henri Broniarczyk, tous deux ont pour mission de soustraire aux autorités allemandes des documents importants dans des bureaux de la caserne Bournonville. Mais, trahis par le jeune Robert T., qui devait les aider, et le père de celui-ci, plutôt collaborationniste, ils sont arrêtés par le commissaire Brunet. Après quelques jours au « violon » municipal de Troyes, où ils sont interrogés, Arnould et Broniarczyk sont conduits à la Maison centrale de Clairvaux. En mai 1941, les autorités allemandes viennent les y chercher pour instruire leur procès. Le 10 septembre 1941, à Troyes, le tribunal militaire de la Feldkommandantur 533 condamne Pierre Arnould à 21 mois de prison pour « constitution de « corps francs », rassemblement et constitution de dépôt d’armes, et franchissement clandestin aller et retour de la ligne de démarcation avec argent ». Reconduit à la centrale de Clairvaux, il en est libéré avec Henri Broniarczyk le 1er février 1942 après avoir bénéficié d’une mesure de libération conditionnelle. Le jour de leur sortie, tous deux s’enfuient à Paris, dans l’espoir d’y trouver une liaison avec un réseau de renseignements des Forces françaises libres, puis se rendent dans l’Yonne, en Côte-d’Or et en Saône-et-Loire, utilisant des contacts pris à Clairvaux. Ils reviennent à Troyes dans la soirée du 25 février. Dès le lendemain, 26 février, à 5 h 20, les Allemands font irruption chez les parents de Pierre Arnould en escaladant le mur de clôture et l’arrêtent à nouveau. Son père réussit à prévenir Henri Broniarczyk, qui repart aussitôt à Paris où il parviendra finalement à rejoindre le réseau Confrérie Notre-Dame (CND-Castille) ». Récit in site « Mémoire vive », sans référence de sources.
Depuis Clairvaux, Pierre Arnould est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au début mars 1942 au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122). Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Pierre Arnould est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Pierre Arnould est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 178 ».
S
Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Pierre Arnould meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, Tome 2, page 38), dans les jours qui suivent une importante « sélection » des «inaptes au travail» destinés à être éliminés dans les chambres à gaz de Birkenau.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Le certificat d’état-civil, daté du 16 décembre 1947 précise « à 13 h 45 » (l’heure des centaines de décès inscrite sur les registres de la municipalité d’Auschwitz est fictive).
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Le 22 mars 1948, Marius Zanzi, rescapé du convoi, témoigne par écrit : « Pierre Arnould bon camarade, dévoué, rendant service à tous le plus qu’il pouvait, courageux jusqu’à ses derniers jours » a été conduit à la chambre à gaz en septembre 1942.
Pierre Arnould est homologué comme Résistant (au titre de la Résistance intérieure française, RIF) et comme Déporté Résistant (DIR), comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. Service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 18092.
La mention « Mort pour la France » a été ajoutée à son état civil le 28 avril 1948.
- Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- La déportation de répression dans l’Aube par Rémi Dauphinot et Sébastien Touffu document PDF (AFMD Aube).
- Sa photo d’immatriculation à Auschwitz a été identifiée par des rescapés en 1948.
- Acte de décès, Mairie de Troyes (21 juin 91).
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère de la Défense). « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948« , établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz. Listes V (N° 31583) et S (N°10).
- Recherches généalogiques (état civil, recensement de 1931, presse locale) : Pierre Cardon
Notice biographique rédigée en 2010, complétée en 2012, 2016, 2021 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 »« , éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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Pierre ARNOULD, était mon oncle.
Je garde la mémoire de ce temps pour lui, avec lui.
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Jeanpierre ARNOULD