Matricule « 45 387 » à Auschwitz
Georges Collin : né en 1894 à Poissons (Haute-Marne) ; domicilié à Thonnance-les-Joinville ; ouvrier mécanicien ; communiste ; arrêté comme otage communiste le 23 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 26 août 1942
Georges Collin est né le 4 avril 1894 à Poissons au domicile de sa mère et déclaré à Sémoutiers (Haute-Marne).
Il habite au 203, rue du Maréchal Pétain (1) à Thonnance-les-Joinville, (Haute-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Louise Collin, 29 ans, sans profession, célibataire.
Lors du conseil de révision, Georges Collin habite à Poissons. Il y travaille comme domestique. Son registre matricule militaire indique qu’il mesure 1m 73, pèse 63 kg, a les cheveux châtain, les yeux bleus, le front et le nez moyen et le visage ovale. « sait monter à cheval, conduire et soigner les chevaux, conduire une voiture » selon les items militaires remplis au moment de son conseil de révision.
Conscrit de la classe 1914, Georges Collin est mobilisé à la déclaration de guerre. Il est affecté dans les équipages de la Flotte. Embarqué, il survit au naufrage de son navire, coulé par les Allemands.
Le 21 juillet 1919, à Thonnance-les-Joinville, il épouse Germaine, Gabrielle Tharrasse. Elle est née le 23 août 1900 à Noncourt (Haute-Marne). Le couple aura deux filles : Éva née en 1921, et Marcelle, née en 1923, toutes deux à Thonnance.
Georges Collin est démobilisé le 5 septembre 1919. En 1931, il habite avec son épouse et leur deux filles au n° 101, Grande-rue « côté droit en montant ». Il est alors conducteur d’auto. Son épouse décède après cette date.
Le 6 août 1932 à Fontaines-sur-Marne, Georges Collin épouse en secondes noces Marie, Eugénie, Anna Bédet. Elle est née en 1905 à Fontaines. Le couple a deux filles : Georgette (1934) et Ninon.
Georges Collin travaille comme mécanicien à la fonderie Ferry-Capitain de Bussy Saint-Georges (commune de Vecqueville). Dans cette même usine travaillent également Louis Bedet, Edmond Gentil, Bernard Hacquin et Louis Thiéry, qui seront eux aussi arrêtés et déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Légende photo de la grève. Georges Collin y figure vraisemblablement. Numéro 1 : Louis Bedet, né à Bettaincourt-sur-Rognon en 1895, domicilié à Vecqueville, mort à Auschwitz le 30 décembre 1942. Numéro 2 : Alfred Dufays, né à Wassy en 1900, domicilié à Vecqueville, décédé à Auschwitz le 16 août 1942. Numéro 3 : Gabriel Martini, né à Joinville en 1907, domicilié à Suzannecourt, rescapé de Buchenwald. Numéro 4 : Marcel Raspado, né à Dieue en 1906, domicilié à Thonnance-lès-Joinville, rescapé de Mauthausen. (Photo © Maurice Leneveux, fils d’un des grévistes, Louis-Ernest Leneveux). Publié In © Facebook Club Mémoire 52
En 1936, la famille (Georges Collin, son épouse Marie, et ses filles Eva, Marcelle et Georgette) habite au 98, grande rue (« côté droit en montant ») à Thonnance.
Le 10 mai 1940, la Luftwaffe bombarde le terrain d’aviation de Saint-Dizier et la ville de Joinville. Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Saint-Dizier. Le 14 juin, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 15 tout le département de la Haute-Marne est occupé. Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. La Haute-Marne est coupée en deux : l’est devient « zone interdite », destinée au repeuplement allemand comme le veulent les nazis, ou à la création d’un Pays Thiois ou Grande Flamande (comme le revendiquait le mouvement irrédentiste flamand), l’ouest se transforme en territoire de stationnement des troupes de la Wehrmacht. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Le 28 août 1941 René Bousquet, Préfet de la Marne nommé par Pétain en 1940, est nommé Préfet régional de la région de Châlons-sur-Marne (Marne, Haute-Marne et Aube). Il donne des instructions très précises pour la surveillance des « menées communistes ». En septembre 1941, avec l’institution de la « politique des otages », les autorités allemandes se font remettre les notices individuelles des communistes arrêtés et incarcérés par la police française. On lira sur le net les articles consacrés à Bouquet par Jean-Pierre et Jocelyne Husson : « René Bousquet et la politique vichyste d’exclusion et de répression ».
Ancien membre du Parti communiste, Georges Collin est arrêté le 23 juin 1941 par les polices allemande et française, en même temps que Louis Bedet (45 220), Albert Bernardin, Joseph Lapoire (2) et quatre autres militants (témoignage de Jean Bedet, fils de Louis Bedet) : à partir du 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom « d’Aktion Theoderich », les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. Une soixantaine de Hauts-Marnais, syndicalistes et/ou communistes connus sont arrêtés dans cette opération. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy ( La maison d’arrêt de Chaumont, 27, rue Val Barizien pour les Haut-Marnais), ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.
A Compiègne, il reçoit le matricule « 601 », est affecté au Bâtiment 17.
Depuis le camp de Compiègne, Georges Collin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45387 ».
Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date. Toutefois, compte tenu de son métier de mécanicien, il a vraisemblablement été ramené au camp principal.
Georges Collin meurt à Auschwitz le 26 août 1942 d’après la liste établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Son acte état civil établi dans les années d’après guerre (jugement déclaratif de décès enregistré le 25 mai 1946) porte la date « décédé le 15 septembre 1942 à Auschwitz (Pologne) ».
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Le titre de « Déporté politique» lui a été attribué le 26 novembre 1952, carte N° 1119 03164 délivrée à Madame Marie Eugénie Collin.
Son nom est honoré sur les monuments aux morts de Thonnance-les-Joinville et de Joinville.
- Note 1 : La rue Maréchal Pétain a été débaptisée : elle est redevenue « Grande rue ». Marie Collin y habitait toujours en 1946.
- Note 2 : Albert Bernardin, né le 27 juillet 19014 à Eurville (52), interné à Compiègne, est déporté le 16 avril 1943 à Mauthausen, où il meurt le 24 février 1944. Joseph Lapoire, né le 14 novembre 1913 à Hayange (54) est déporté le 23 janvier 1943 à Sachsenhausen. Il est libéré à Dachau le 19 avril 1945.
- Note 3 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Lettre de M. Jean Bedet qui le cite comme arrêté en même temps que son père (1992).
- Blog du club Mémoires 52, association de recherches historiques consacrées au département de la Haute-Marne, créée, en 1991, par Jean-Marie Chirol (1929-2002).
- Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en décembre 1992).
- © Archives en ligne : Etat civil et Registres matricules militaires de Haute-Marne.
Notice biographique rédigée en novembre 2010, complétée en 2015, 2018, 2021 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com