Eugène Leduc : né en 1899 à Reims (Marne) ; domicilié à Bologne (Haute-Marne) au moment de son arrestation ; ouvrier aux Pyroligneux ; communiste ; arrêté le 18 décembre 1941, puis le 26 février 1942 comme otage communiste ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 7 octobre 1942.
Eugène Leduc est né à Reims (Marne), le 14 mai 1899 au domicile de ses parents, 31, rue des Trois Fontaines.
Il habite Bologne (Haute-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Henriette, Adèle Lombard, 36 ans, journalière née le 18 novembre 1862 à Reims et de Louis Leduc son époux, 37 ans, journalier, né le 22 août 1861 à Saint-Quentin (Aisne).
Ses parents se sont mariés à Reims le 11 novembre 1882.
Il est le cadet d’une fratrie de neuf enfants dont quatre meurent très jeunes : Emilie née en 1881, Charles (1883-1884), Marie (1884-1960), Juliette (1886-1955), Louis (1889-1954), Charles (1890-1892), Léon (1891-1893), Victor (1896).Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m 61, a les cheveux châtains, les yeux bleus, le front et le nez moyens, le visage ovale. Au moment de l’établissement de sa fiche, il est mentionné qu’il travaille comme ouvrier agricole, puis manœuvre.
Eugène Leduc habite à Pogny (Marne), à 15 km au sud de Châlons-en-Champagne. Il a un niveau d’instruction n° 3 pour l’armée (sait lire écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1919, il est recensé dans le département de la Marne. Il est mobilisé par anticipation (en vertu du décret de mobilisation générale) en avril 1918, comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre. Il est affecté le 17 avril 1918 au 168è Régiment d’infanterie. Après l’instruction militaire, il est envoyé au 36è Régiment d’infanterie le 15 juillet 1918, qui combat sur le front de l’Oise (ferme des Loges), puis dans le secteur du Chemin des Dames avant l’Armistice.
Le 26 février 1919 il réaffecté au 168è Régiment d’infanterie. Le 17 juillet il est transféré au 20è Escadron du Train, puis au 21è Escadron du Train le 1er janvier 1920. Il est démobilisé le 23 mars 1921 « certificat de bonne conduite accordé ».
Il va alors habiter au 54, rue Belin à Reims.
En juillet 1925, il vient habiter Aubervilliers (Seine / Seine-Saint-Denis) au 87 rue de la Motte.
En janvier 1926, il est revenu au 54, rue Belin à Reims. En février 1937, il habite Riaucourt (canton de Chaumont), en mai 1937 à Chanteraines (canton d’Andelot), canton de Chaumont).
1938, il habite Bologne (Haute-Marne), au café Lapérouse.
Eugène Leduc est un « travailleur », selon la terminologie des ACVG : il est manœuvre.
Il travaille aux Pyroligneux (affinerie, haut fourneau dit Forge Basse, puis scierie, puis usine de noir pour fonderie, puis usine de produits pyroligneux dite S.A. des Produits Pyroligneux de Bologne).
Il est membre du Parti communiste.
En juillet 1939, il habite toujours Bologne.
Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Saint-Dizier.
Le 14 juin, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 15 tout le département de la Haute-Marne est occupé. Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. La Haute-Marne est coupée en deux : l’est devient « zone interdite », destinée au repeuplement allemand comme le veulent les nazis, ou à la création d’un Pays Thiois ou Grande Flamande (comme le revendiquait le mouvement irrédentiste flamand), l’ouest se transforme en territoire de stationnement des troupes de la Wehrmacht. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Le 28 août 1941 René Bousquet, Préfet de la Marne nommé par Pétain en 1940, est nommé Préfet régional de la région de Châlons-sur-Marne (Marne, Haute-Marne et Aube). Il donne des instructions très précises pour la surveillance des « menées communistes ». En septembre 1941, avec l’institution de la « politique des otages », les autorités allemandes se font remettre les notices individuelles des communistes arrêtés et incarcérés par la police française. On lira sur le net les articles consacrés à Bouquet par Jean-Pierre et Jocelyne Husson : « René Bousquet et la politique vichyste d’exclusion et de répression ».
Eugène Leduc, communiste connu des services de Police, est arrêté le 18 décembre 1941, puis est relâché, semble-t-il sans condamnation.
Mais il est arrêté une deuxième fois le 26 février 1942 à Bologne (Haute-Marne).
Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstallag 122).
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Eugène Leduc est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942
Cf l’article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Le numéro d’immatriculation d’Eugène Leduc à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro « 45 758 ? » figurant avec un point d’interrogation dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules, qui n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il était donc hasardeux de maintenir ce numéro en l’absence de nouvelles preuves. Il ne figure plus dans « Triangles rouges ».
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date
Eugène Leduc meurt à Auschwitz le 7 octobre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 703).
Lire dans le présent site l’article : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Son nom est honoré sur le monument aux morts de la commune de Bologne.
Sources
- Correspondances avec Jean-Marie Chirol, animateur du « Club Mémoires 52 » : communication de ses recherches aux archives départementales et auprès de l’état civil des mairies (1992-1994).
- Death Books from Auschwitz / Sterbebücher von Auschwitz (registre des morts) : Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en 1993).
- Photo des Pyroligneux © danielrenécanalblog.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
- Registres matricules militaires de la Marne.
Notice biographique rédigée en novembre 2010, complétée en 2015, 2018, 2019, 2021 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942« Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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