Charles Burton © collection Sébastien Buré

Matricule « 45 316 » à Auschwitz

 

Charles Burton :  né en 1890 à Château-Regnault-Bogny (Ardennes) ; domicilié à Bologne (Haute-Marne) au moment de son arrestation ; ajusteur-matriceur ; arrêté le 7 juillet 1941 comme otage communiste ; interné à Chaumont et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 22 septembre 1942.

Charles Burton est né le 24 janvier 1890 à Château-Regnault-Bogny (Ardennes).
Il habite à Bologne (Haute-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Justine Laurens, 43 ans,  née le 30 décembre 1847 à Lustin (province de Namur- Belgique), sans profession et de Jean, Joseph Burton, 56 ans, journalier, son époux, né également à Lustin le 9 novembre 1833.
Il a huit sœurs et frères : Victor, né en 1869, Ernest 1871-1874, Georges 1873-1904, Marie Flore 1875-1877 ; Marie-Rose née en 1878, Flore 1878-1962, Rosalie 1882-1883, Ernest 1882.
Leur mère décède le 8 mai 1905 à Bogny et leur père le 22 février 1912 à Namur. Son frère aîné, Victor est forgeron.
Au moment du conseil de révision, Charles Burton, qui habite Braux, commune voisine sur la Meuse, travaille comme ajusteur-matriceur (1).
Son registre matricule militaire indique qu’il mesure 1m 67, a les cheveux châtain, les yeux marron clair, le front et le nez moyens, le visage osseux. Il a un niveau d’instruction « n°3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).

Le 20 juillet 1911 à Braux (Ardennes) il épouse Marie, Désirée Hourlier, née à Guignicourt-sur-Vence (Ardennes) le 1er janvier 1892. Le couple aura trois enfants : Yvan, Jean (1911-1966), Jean, Alfred (1922-2008) et Serge, Edouard (1929-1995).
Conscrit de la classe 1910, Charles Burton est incorporé au 91è régiment d’infanterie le 10 octobre 1911. Il intègre la clique (musique) du régiment en octobre 1912. Il est proposé et classé « service auxiliaire » par la commission de réforme de Mézières pour « perte de la vision de l’œil droit », mais maintenu au corps par décision du général commandant la 6è région, le 6 juin 1913.
« Renvoyé dans ses foyers » le 8 novembre 1913, « certificat de bonne conduite » accordé. Il est mobilisé le 2 août 1914 à la déclaration de guerre et rejoint le 4è bataillon du 145è régiment d’infanterie caserné à Montmédy.
Charles Burton est fait prisonnier le 29 août 1914 lors d’une reconnaissance. Il est emprisonné au fort de Montmédy jusqu’au 13 décembre 1918, date à laquelle il est rapatrié sur le Centre de rapatriement de Bellay. Après une permission de 30 jours, il passe au 91è RI le 22 février 1919. Du 7 juillet au 31 octobre 1919, il est placé en « sursis d’appel » à la Compagnie des Forges de Phade à Monthermé. Il est officiellement démobilisé le 17 juillet 1919.

Marie et Charles Burton

Le 29 juillet 1919, le couple Burton habite Château-Regnault au 29, rue de l’échelle.
En 1926 Charles Burton habite Bologne et travaille à la compagnie des Forges de Bologne à Bologne (Haute-Marne). A ce titre il sera classé en 1935 comme « affecté spécial tableau III » pour l’armée de réserve en cas de mobilisation générale.
Il est dégagé de toute obligation militaire le 25 juin 1940.

Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Saint-Dizier. Le 14 juin, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 15 tout le département de la Haute-Marne est occupé.  Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. La Haute-Marne est coupée en deux : l’est devient « zone interdite », destinée au repeuplement allemand comme le veulent les nazis, ou à la création d’un Pays Thiois ou Grande Flamande (comme le revendiquait le mouvement irrédentiste flamand), l’ouest se transforme en territoire de stationnement des troupes de la Wehrmacht. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Charles Burton est arrêté le 7 juillet 1941, comme otage communiste.
D’abord détenu à la prison de Chaumont, il est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstallag 122).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Charles Burton est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

A son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942, Charles Burton reçoit le numéro matricule « 45 316 » (identification en 2008, in site internet « Ardennes, tiens ferme ») et par comparaison avec la photo de famille.
La photo du déporté portant ce numéro montre clairement une anomalie à l’œil droit : or nous savons par son registre militaire qu’il a perdu la vue de cet œil (commission de réforme de Mézières en 1913).
Cette photo d’immatriculation (3) à Auschwitz a été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Charles Burton meurt à Auschwitz le 22 septembre 1942 d’après les registres du camp.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

Sa famille a effectué des démarches auprès des autorités françaises – dossier De Brinon (2) – pour obtenir de ses nouvelles.
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué en 1954.

  • Note 1 : Le matriçage est un procédé de transformation par lequel des pièces de métal sont découpées, pliées ou embouties au moyen d’un outil de matriçage monté sur une presse. L’exercice de ce métier exige une formation scolaire de type professionnel en techniques d’usinage et une spécialisation en matriçage.
  • Note 2 : Fernand Brinon (dit marquis de Brinon) représente le gouvernement français auprès du Haut-Commandement allemand dans le Paris de l’Occupation. Il est nommé le 5 novembre 1940 ambassadeur de France auprès des Allemands, puis le 17 novembre suivant «délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés». Il a été le destinataire des démarches des familles de « 45000 » qui cherchent à obtenir des informations sur le sort de leur déporté.
  • Note 3 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Réponse de M. Paruteaux, maire de Château-Regnault à ma demande d’informations (1er juin 1992).
  • Conversation téléphonique avec Madame Gisèle Begué, parente de Jean Burton.
  • Dossier de Brinon.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en octobre 1993).
  • « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948« , établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz (N° 32332).
  • Registres matricules militaires, archives des Ardennes.
  • Courriels de son arrière petit-fils, M. Sébastien Buré (juillet 2016).

Notice biographique rédigée en novembre 2010 (complétée en 2016, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942″ Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45 000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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