Roger Sommer : né en 1922 à Herrlisheim (Bas-Rhin) ; domicilié à Azay-le-Rideau (Indre-et-Loire) ; arrêté dans la nuit du 9 au 10 février 1942 comme otage Juif ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 31 octobre 1942.

Roger, Adolphe Sommer est né le 15 mai 1922 à Herrlisheim (Bas-Rhin).
Il habite à Azay-le-Rideau (Indre-et-Loire) au moment de son arrestation.
Il est possible qu’il soit le fils de Paul Sommer né en 1881 à Herrlisheim et Andrée Sommer née Levy en 1892 (déportés à Auschwitz dont les noms sont inscrits sur le monument aux morts de la commune).
L’examen des 63 pages du recensement de 1936 permet d’affirmer qu’il n’arrive qu’après cette date à Azay-le-Rideau, et donc qu’il fait peut-être partie des alsaciens évacués à partir du premier septembre 1939 vers les régions du Centre.

Entre le 10 et le 13 juin 1940, Tours est la capitale provisoire de la République. Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Une partie du centre de la Tours est totalement détruite par des obus incendiaires allemands les 20 et 22 juin. La Wehrmacht entre dans Tours le 21 juin 1940. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Indre-et-Loire fait partie des 13 départements dont le territoire est partagé par une « ligne de démarcation », en deux zones : une zone occupée par les Allemands et une zone « non occupée » dite libre, sous l’autorité du régime de Vichy. Dès juillet 1940, un commandement militaire est installé en Indre-et-Loire.
A la suite de la première ordonnance allemande prescrivant le recensement des Juifs en zone occupée, un fichier des Juifs est établi dans chaque préfecture et un premier « Statut des Juifs » est édicté le 3 octobre 1940 par gouvernement de Vichy. Il est beaucoup plus draconien que l’ordonnance allemande (pour les Allemands, le Juif est défini par son appartenance à une religion, pour Vichy par son appartenance à une race). Les Juifs de nationalité française perdent, par ce décret du gouvernement de Vichy, leur statut de citoyens à part entière : à partir du 3 octobre 1940, la police française fait appliquer les ordonnances allemandes concernant l’obligation pour les Juifs de zone occupée d’avoir une carte d’identité portant la mention « Juif » : ils doivent se faire recenser dans les commissariats proches de leur domicile.

Roger Sommer est arrêté comme otage Juif dans la nuit du 9 au 10 février 1942 à son domicile par la police allemande, en représailles à la mort d’une sentinelle allemande, rue du Hallebardier à Tours (en cliquant sur ce lien, lire l’article du site). Son nom est mentionné dans les recherches de Robert Vivier à la date du 10 février.
Il est transféré à la prison de Tours le 20 février avec d’autres prisonniers.

La liste des otages Juifs

Des otages sont fusillés le 21 février 1942.
50 otages sont désignés (40 Juifs et 10 communistes). Ils sont dirigés le 17 ou le 18 avril 1942 vers le camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de leur déportation comme otages.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, Roger Sommer va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Lire l’article : Les déportés juifs du convoi du 6 juillet 1942 

Depuis le camp de Compiègne, Roger Sommer est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, dont tous les otages Juifs  du convoi, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

« Les victimes les plus menacées par [les] actions criminelles [des SS et des Kapos] sont en premier lieu les Juifs. Sur les cinquante et un « 45 000 » morts au cours du premier mois (entre le 8 juillet et le 8 août), 21 étaient des Juifs. Le 18 août au matin, 40 jours après l’arrivée, 34 d’entre eux avaient perdu la vie (soit 68 % de leur nombre total) ; dans le même temps, cent quarante deux « 45 000 », appartenant aux autres catégories d’otages, avaient disparu, soit 13 % d’entre eux. La froide éloquence de ces statistiques est confirmée par les récits des «45 000» rescapés ». (in « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942″, pages 145-146).
Lire l’article : Les déportés juifs du convoi du 6 juillet 1942 

Roger Sommer meurt à Auschwitz le 31 octobre 1942 d’après les registres d’état civil établis au camp d’Auschwitz (Death Books from Auschwitz).

dessin de Franz Reisz, 1946

A Herrlisheim sa commune de naissance, trois autres personnes (deux adultes et une enfant) portant le même nom que lui, ont été déportées dans le convoi N° 68. Il s’agit de Paul Sommer né en 1881, Andrée Sommer née Levy en 1892 et Simone Sommer née en 1937 (in site internet judaisme.sdv.fr/histoire/shh/…/brhin3.htm.). Ce convoi était un convoi composé exclusivement de Juifs destinés à être exterminés dans le cadre de la « Solution finale ».

Le nom de Roger Sommer est honoré sur le monument aux morts d’Azay-le-Rideau, situé dans le cimetière, sur lequel figurent également les noms d’Andrée et Paul Sommer.
Il est inscrit sur le mur des noms au Mémorial de la Shoah : dalle n° 102, colonne n° 34, rangée n° 3

  • Note 1 : La présence de Roger Sommer dans le convoi du 6 juillet 1942 n’est pas complètement attestée. Je n’ai trouvé aucune archive le concernant à la division des archives des victimes de conflits contemporains (DAVCC) mais il ne s’agit pas d’un cas unique s’agissant d’un « 45 000 ». Son nom m’a été indiqué dans les années 1990 comme ayant été arrêté avec d’autres otages juifs et communistes d’Indre et Loire et comme ayant été vraisemblablement déporté le 6 juillet 1942 (lettre de Roger Prévot). Son arrestation comme otage juif à la suite d’un attentat, son transfert à Compiègne avec des otages juifs et communistes conduisent naturellement à penser qu’il a été déporté dans un convoi de représailles.  Son nom ne figure dans aucun autre convoi parti de France vers Auschwitz. On peut donc en déduire que sa déportation dans le convoi du 6 juillet est l’hypothèse la plus plausible. D’autant qu’une note  trouvée dans les  archives de la section de Tours de la FNDIRP semble confirmer cette hypothèse. Son nom est mentionné avec celui de sept autres « 45 000 » d’Indre et Loire comme « internés au camp de Birkenau à Auschwitz ». Par ailleurs le Mémorial de la Shoah l’indique bien comme étant déporté à Auschwitz par le convoi n° « 451 », qui est pour le Mémorial le numéro attribué au convoi du 6 juillet 1942 (il est en fait le 3ème convoi parti de Compiègne pour Auschwitz, et le 6ème des convois partis de France pour Auschwitz).

Sources

  • Journaux locaux 1942 et 1945 (sources Robert Guérineau)
  • Guérineau-Guillon, La Touraine sous le règne
    des Feldkommandants. Dans la lutte pour la Libération, les patriotes
    communistes face à l’occupant nazi
    .
  • Robert Vivier, correspondant du Comité d’Histoire de la deuxième guerre mondiale : Loir et Cher, l’Occupation allemande.
  • Enquêtes de Robert Guerineau (1980) et Jean-Claude Guillon (1980), (bibliothécaire retraité, membre de l’Institut CGT d’histoire sociale en région centre, collaborateur du Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et du mouvement social).
  • Roger Prévost, (résistant déporté à Sachsenhausen, secrétaire de l’ADIRP d’Indre-et-Loire (courriers de1981 et 1991, 1993).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).

Notice biographique rédigée en 2010 (complétée en 2016, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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