Matricule « 45 563 » à Auschwitz
Henri Gaget : né en 1912 à Dadonville près de Pithiviers (Loiret) ; domicilié à Dadonville au moment de son arrestation ; cultivateur ; célibataire ; secrétaire de la section du PC de Pithiviers ; arrêté le 22 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté à Auschwitz, où il meurt le 20 septembre 1942.
Henri Gaget est né le 21 janvier 1912 à Dadonville près de Pithiviers (Loiret). Il habite à Bourgneuf, commune de Dadonville au moment de son arrestation.
Henri Gaget est cultivateur, célibataire.
Il est le fils de Clémence, Marie, Thérèse Giry 30 ans, et de Paul, Georges, Gaget, 39 ans son époux. Ses parents sont tous deux cultivateurs. Il a 9 frères et sœurs.
Il est titulaire du Certificat d’Etudes Primaires.
Il mesure 1 m 70, a les yeux noirs et les cheveux châtain foncé (livret militaire).
Sa nièce, madame Muriel Ugon, nous a communiqué de nombreux renseignements concernant son oncle et cette fratrie durement touchée par la guerre et la déportation (1).
« Il a fréquenté l’école de ce village jusqu’à l’obtention de son certificat d’études primaires. Puis il a travaillé auprès de ses parents ; mais au cours de l’été 1931, en pleine moisson, son père meurt brutalement. Alors âgé de 19 ans, Henri doit prendre la responsabilité de la ferme, pour aider sa maman, sa plus jeune sœur n’ayant que huit ans ».
(Extraits de l’hommage à Henri Gaget le 8 mai 2016 (texte de Mme Dany Percheron – AFMD 45).
En 1931, au décès de leur père, son frère Georges interrompt ses études à l’école supérieure de la rue Beaurieux à Pithiviers pour l’aider à la ferme.
« Avant-guerre, Henri Gaget était secrétaire de la section du Parti communiste de Pithiviers. En 1932, l’année de ses 20 ans, il passe le conseil de révision où il est ajourné, mais en 1933 l’armée le rattrape. Cette fois-ci, il est déclaré « bon pour le service », malgré la nécessité de sa présence en tant que soutien de famille et malgré ses problèmes de vue (comme en témoigne son livret militaire à la visite médicale du 21 avril 1934 où il est mentionné avoir une acuité visuelle de 5/10 à chaque œil). A cette date, en 1934, il est soldat en Algérie, à Sétif, où il a été incorporé dans le 11ème Régiment de Tirailleurs Algériens, matricule 18759. Il est libéré le 16 mars 1935 avec le grade de caporal » (Mme Dany Percheron). Pendant son service en Algérie il écrit à sa mère et à ses sœurs et frères depuis Sétif (plusieurs lettres sont conservées par sa famille.
« il n’en a pas terminé pour autant avec les obligations militaires, puisqu’il repart faire une période de 15 jours en France au camp de la Courtine (dans la Creuse), durant le mois de juillet 1937, alors que les travaux agricoles battent leur plein ». En 1937, il est aussi secrétaire du syndicat des ouvriers agricoles de la région de Pithiviers. (Mme Dany Percheron).
Le 4 septembre 1938, il envoie une carte depuis la fête de « l’Humanité » à son frère Georges.
A la déclaration de guerre, il est affecté à Bourges au 4è Régiment de Tirailleurs Marocains. Puis il est transféré à la 26è Compagnie du dépôt 52, à la Pyrotechnie, avec le grade de caporal. Parti en permission de 24 heures le 20 janvier 1940, il est hospitalisé à Pithiviers puis à Orléans (lettre au capitaine de la compagnie).
Il est « réformé temporaire » le 1er mars 1940 par la commission de réforme d’Orléans.
Il retourne à la ferme après sa sortie de l’hôpital et sa démobilisation.
« Henri, revenu à la ferme, ne ménage pas ses efforts, mais en même temps il ne se résout pas à demeurer indifférent devant cette situation. Dès octobre 1940, son beau-frère, Robert Painchault, le mari de sa sœur Cécile, participait à Orléans à la distribution de tracts, d’ailleurs entreposés chez le couple. Cette activité est étendue à d’autres communes du Loiret.
A ce sujet, le déporté rescapé, Louis Breton écrit : « Painchault et sa femme reprennent la liaison avec des camarades de Pithiviers dont l’un des responsables devait être de leur famille ». Il s’agit donc d’Henri, le propre frère de Cécile » (Madame Dany Percheron).
Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées.
La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.
Le 16 juin 1940 Orléans est occupé après de violents bombardements.
La moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Henri Gaget est engagé dans l’action clandestine avec son ami Pierre Roux, de Dadonville, 20 ans, boulanger à Pithiviers. Celui-ci est arrêté le 29 mars 1941 pour« distribution de tracts anti-allemands » puis écroué à la Maison d’arrêt d’Orléans. Il y est encore incarcéré en septembre après avoir espéré être libéré en juillet.
Une lettre en date du 7 juin 1941 de Pierre Roux à Henri Gaget, nous apprend que la ferme de celui-ci a été perquisitionnée : « J’ai appris par Raymond (le frère de Pierre Roux) que des inspecteurs d’Orléans avaient été perquisitionner à Bourgneuf, chez toi, chez Octave et chez Baillard, mais que cette perquisition n’avait donné aucun résultat».
Pierre Roux qui a appris qu’il y avait des camps pour les Juifs à Pithiviers et Beaune-la-Rolande écrit le 14 septembre 1941 à son camarade Gaget : « Toutes ces choses là sont des mesures « humanitaires ». Malgré mon espoir, j’ai bien peur d’aller dans un de ces camps destinés à nous (les communistes). Je n’en serais pas du tout étonné ».
Ses neveux Michel et Claude, qui vivent chez leur grand-mère à la ferme, ont assisté à l’arrestation d’Henri Gaget.
Michel se souvient des résistants qui passaient dans la ferme et « dont il ne fallait absolument pas parler« . « Henri est arrêté dans sa ferme, alors qu’il était occupé à porter des ballots de paille, la tête protégée par un sac en jute. Il déposa ses affaires et partit » . (Dany Percheron).
Dans une lettre qu’elle adresse à ses enfants le 26 juin 1941, Thérèse Gaget, leur mère, leur apprend l’arrestation de leur frère. « Je me décide enfin à vous écrire pour vous annoncer une nouvelle bien triste à laquelle nous étions loin de nous attendre. Henri a été emmené par les gendarmes allemands dimanche soir. Ils sont venus le chercher ici, et, après avoir fouillé partout sans rien trouver, lui ont dit d’aller avec eux pour subir un interrogatoire, disant que peut-être dans quelques jours il reviendrait. Mais il n’en est rien. Je suis allée à la Kommandantur de Pithiviers où l’on m’a dit qu’il avait été dirigé sur la prison d’Orléans. Nous en sommes encore tous bouleversés et on se demande d’où cela peut venir. Du reste la police ne lui a pas caché qu’il avait été dénoncé. C’est à se demander pour combien de temps il en a à être là-bas. Pierre Roux doit finir le 12 juillet, mais il craint beaucoup qu’ils l’envoient plus loin après ».
Henri Gaget est arrêté le dimanche 22 juin 1941 vers 17 heures par des gendarmes allemands dans le cadre de la grande rafle commencée ce 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom d’« Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes (connus des services) et/ou syndicalistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française.
Ci-contre le texte allemand relatant son arrestation et les causes de celle-ci
« Führende Kommunisten die am 22.6.41 festgennomen, und in der standort-Arrestanstalt Orleans inhaftiert wurden « Dirigeants communistes arrêtés le 22-6-41 et incarcérés au centre de détention d’Orléans.
Gaget, der nicht in den übersandten, listen aufgeführt ist, vurde, da es sich bei ihm um einen sehr rührigen Kommunieten-führer handelt, der in Verdacht steht, selbst in aller letzter zist in Erscheinung getreten zu sein und komm. Versamsamlungen abgchalten su haben, aufgrund dieser Tatsachen ebenfalls festgenonmen und mit den übrigen Kommunistenführer inhaftiert.
» N° 4 : Gaget, qui ne figure pas sur les listes transmises, s’y trouve parce qu’il est un communiste très actif, soupçonné d’avoir agi très activement même en ces tout derniers temps et d’avoir tenu des réunions communistes. Pour ces raisons, il a été arrêté et emprisonné avec les autres dirigeants communistes ».
Le 24 juin 1941 le commissaire de police de Pithiviers écrit au Préfet à propos de l’arrestation de Jean Gaget.
« VILLE DE PITHIVIERS (Loiret) COMMISSARIAT DE POLICE N-2 065 REPUBLIQUE FRANÇAISE.
Le Commissaire de Police de Pithiviers à Monsieur le Préfet du Loiret
24 Juin 1941
Comme suite à ma communication téléphonique du 23 Juin, j’ai l’honneur de vous rendre compte que les autorités allemandes, la Feldgendarmerie de Pithiviers, ont procédé à l’arrestation du nommé GAGET, demeurant au Bourg-Neuf Commune de Dadonville, le dimanche 22 Juin vers 17 h. Cet individu est ancien militant communiste et chef de la cellule de Dadonville, bien connu de la Brigade Mobile d’Orléans. Les gendarmes allemands ont également perquisitionné à son domicile au Bourg-Neuf. Il ne semble pas que cette perquisition ait été très fructueuse.
Cette arrestation apparaît aux yeux de tous comme le contre-coup des événements actuels de Russie.
Le commissaire de Police.
Dans un courrier en date du 2 juillet 1941 qu’il adresse au Préfet Ingrand, délégué du ministère de l’Intérieur dans les territoires occupés, le Préfet du Loiret accuse réception de la circulaire PN n° 79 en date du 25 juillet 1941 et l’informe que « les autorités allemandes ont arrêté le 22 juin dernier les individus… Il s’agit de Courtat Fernand, né en 1894 à Gien, mécanicien domicilié à Montargis (il a été présenté par le Parti communiste au conseil d’arrondissement de Chatillon en 1937 (notice Maitron), Rebeche Paul, né en 1879, retraité (secrétaire de l’Union régionale CGT, présenté à plusieurs reprises par le Parti communiste aux élections cantonales, tête de liste aux municipales à Orléans (Cf fiche du Maitron), NOURRY Gustave et GAGET Henri, (qui seront tous les deux déportés par la suite à Auschwitz dans le même convoi).
Le Préfet ajoute : « la Feldkommandantur m’a informé qu’elle avait également procédé à l’arrestation du sieur Clément de Dhuision (CLEMENT ROGER, du Loir-et-Cher, il sera lui aussi déporté à Auschwitz).
Le Préfet termine : « tous ces communistes ont été incarcérés à la prison d’Orléans.
D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (ici la prison d’Orléans), ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”. Henri Gaget y est transféré avec 23 autres militants du Loiret.
Il y reçoit le matricule « 1029 » et il est interné à la baraque A 6.
Depuis Compiègne, Henri Gaget adresse plusieurs lettres à sa mère et ses frères et sœurs.
Dans sa lettre du 29 mars 1942, il rappelle que cela fait presque 9 mois qu’il est interné à Compiègne.
Dans sa lettre du 29 mars 1942, il rappelle que cela fait presque 9 mois qu’il est interné à Compiègne. Il réaffirme que sa santé est bonne.
Il explique que le 9 mars tout le camp des politiques a été puni : suppression de courriers et de colis pendant un mois, en réalité jusque au 29 mars, date à laquelle la punition a été levée. Il leur détaille les modalités d’envoi des lettres et colis, mentionne tout ce qu’il a reçu (et donc tout ce qui a été dérobé) et prend des nouvelles de sa nombreuse famille. Il souhaite qu’on lui envoie 15 kg de blé pour en faire de la farine, et des pommes de terre, du dentifrice… et des photos de la famille.
Il leur donne des conseils concernant semis et cultures à leur ferme et commente les nouvelles qu’il a reçues : le mariage de Louise Labbé et celui de Charlotte Roux, la sœur de son copain Pierre. Il a appris par une carte-lettre de sa mère en date du 16 décembre 1941 qu’elle va se marier « avec un gars qui est garde auxiliaire au camp de Pithiviers. Qu’en va penser Pierre ? ». Henri écrit « il n’y a pas dû avoir grande cérémonie, compte tenu des circonstances » et il demande des nouvelles de son copain Pierre dont il espère qu’il va bien « malgré son état de santé il y a un an ». Il s’interroge pour savoir s’ils ont assez de bois pour le chauffage et demande des nouvelles de son oncle Léon et nombreux amis. Le 20 avril 1942, son ami Pierre Roux, arrive à Compiègne dans un transfert d’internés du camp français de Rouillé, où il a avait été très malade. Henri Gaget annonce sa venue à sa propre famille le lendemain.
« J’ai eu la surprise hier de voir arriver Pierre : nous l’avons pris dans notre groupe, ainsi il mange avec nous et couche dans la même que moi. Je ne l’ai pas trouvé changé. Il a plutôt épaissi, il se porte bien et ne se ressens plus de sa maladie« .
Pierre Roux, écrit le 21 avril à sa famille (lettre non censurée) qu’il a changé de camp et se trouve à Compiègne où il a retrouvé Henri Gaget et il recommande à sa famille de demander des informations à la famille de celui-ci concernant l’envoi des colis : « J’ai retrouvé avec joie ce bon camarade Henri, qui lui aussi se porte bien. J’ai retrouvé aussi deux petits camarades de Montargis que j’ai connus à Orléans : si vous répondez, ne faites pas allusion à cette lettre ».
Henri Gaget a reçu de nombreuses lettres de ses sœurs et frères, conservées par la famille. Cécile, François, Georges, Georgette, Lucienne, Suzanne et Yvette donnent à leur frère des nouvelles de leur famille (neveux et nièces), de la ferme (les moissons réussies grâce à l’aide d’un voisin et de la fratrie). La dernière carte-lettre de Georges, prisonnier de guerre au Stalag VI-A de Hemer (Rhénanie) du 3 mai 1942 parle de la « classe » espérée (la libération).
A Compiègne, Henri Gaget figure sur la liste des « Jeunes communistes » (Recensement des jeunes communistes du camp de Compiègne aptes à être déportés « à l’Est » en application de l’Avis du 14 décembre 1941 du Commandant militaire en France, Otto von Stülpnagel (Archives du CDJC).
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles du site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et«une déportation d’otages».
Le 6 juillet 1942 Henri Gaget jette une lettre sur le ballast depuis le train qui les emmène vers l’Est.
« Ce n’est plus de Royallieu que je vous écrit aujourd’hui en espérant que cette lettre vous parvienne bien, mais d’un wagon (40 hommes. Chevaux en long 8, où nous somme 45) qui nous emmène (autre part) nous a-t-on dit, mais officieusement travailler en Allemagne. Nous sommes 1200 dans ce train, avec 4 jours de vivres, et d’autres en réserve en plus dans le train. Pierre est de la partie naturellement, mais pas dans le même wagon. Je ne suis pas fâché, croyez moi bien, de quitter Compiègne. On ne sait naturellement pas ce qu’on va trouver, mais çà ne pourra de toutes façons pas être pire. Si nous n’étions pas mal traités, de temps en temps on venait chercher de nos camarades pour en faire ce que vous pouvez penser.
Nous en avons vu pas mal partir ainsi depuis un an. Depuis une quinzaine tout laissait prévoir qu’il y aurait du changement dans le camp. Cette quinzaine a été mouvementée. Tout d’abord le 22 juin un matin, nos gardiens à l’appel s’aperçoivent qu’il manquait 19 hommes, dont Cogniot, l’ancien doyen du camp qu’ils venaient de remplacer. En cherchant bien, ils découvrirent le moyen des faits : un souterrain d’une cinquantaine de mètres de long qu’ils avaient creusé, qui partait d’un baraquement, traversait la cour, un puisard, les barbelés, le chemin de ronde, le mur extérieur et aboutissait dans un champ de blé voisin. A la suite de cela nous nous demandions ce qui allait nous arriver. Comme sanction, nous eûmes suppression du théâtre, des cours, conférences, jeux, sports, des pelles, réchauds etc… Le courrier fut limité à une lettre et deux cartes par mois. On nous fit déménager à nouveau du bâtiment 6 et loger 52 par chambre où il doit y avoir 16 soldats.
Lire à ce sujet dans le site : 22 juin 1942 : évasion de 19 internés.
Dans la nuit du 23 au 24, nous fûmes réveillés par une explosion formidable après avoir entendu un avion. Celui-ci venait de lâcher 14 bombes sur le camp. Le lendemain matin, c’était beau ! il n’y avait plus une vitre et les bâtiments étaient dans un drôle d’état, surtout le A3 et le A4. Une bombe à retardement avait explosé 1 heure et demie après le bombardement et crevé les canalisations d’eau et le courant. Dans notre camp 13 bombes étaient tombées.
Par une chance inespérée, il n’est tombé qu’une sur le bâtiment A3 et le A4, les autres sur le terrain. Il n’y eut que quelques blessés légers. Il n’en fut pas de même pour le camp américain, voisin du nôtre, où la seule bombe tomba sur un bâtiment et explosa dans une chambre. Il y eut deux morts et des blessés, dont un mourut le lendemain. Ce bombardement aurait pu être terrible et c’est un miracle qu’il n’y ait pas eu plus de morts.
Enfin, vous voyez que nous n’étions pas trop en sécurité dans ce camp, et nous ne peinerons pas à être aussi bien là où nous allons. Vous voudrez bien prévenir chez Pierre et aussi les camarades dont les noms suivent qui sont avec moi :
Clément Roger, à sa femme, Paulette Clément à Dhuizon (Loir-et-Cher). Paul Chenel à son père M. Chenel Charles ( ?), 16 route de Blainville à Dombasle sur Meurthe (Meurthe et Moselle), André Lioret à ses parents M. et Mme Lioret, commerçants à Amilly, route de Viroy (Cher), Nourry à sa femme Mme Nourry à Vesines par Châlette-sur-Loing (Loiret). Inutile de vous dire que le moral est excellent, ainsi que la santé. Je suis en parfait état physique grâce à tous les colis que nous avons reçu. J’espère que nous pourrons nous écrire. J’ai reçu une carte de Georges. Je vous embrasse tous bien fort. Henri ».
Depuis le camp de Compiègne, Henri Gaget est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Henri Gaget est immatriculé sous le numéro matricule « 45 563 » le jour de son arrivée à Auschwitz, le 8 juillet 1942.
Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Henri Gaget meurt à Auschwitz le 20 septembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 328).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Cette date correspond aux jours qui suivent une « sélection » des « inaptes au travail » destinés à être éliminés dans les chambres à gaz de Birkenau.
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Un arrêté paru au J.O. du 6 février 1992 a porté apposition de la mention « Mort en déportation » sur son acte de décès, qui avait la même date « décédé le 20 septembre 1942 à Auschwitz ».
Comme son camarade Pierre Roux, Il a été homologué au titre des Forces Française de l’Intérieur (FFI) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
Un certificat en date du 6 novembre 1951 signé de Maurice Gentil, ex-commandant FTPF du Loiret, homologué capitaine FFI au sein de la Résistance intérieure française (RIF), « atteste sur l’honneur » qu’Henri Gaget était « effectivement membre FTPF », ce qui lui a « valu l’arrestation et la déportation » (cité dans la notice rédigée par l’Association « Mémoire Vive »). Malheureusement les dates ne correspondent pas. L’idée de regrouper les différents mouvements (Bataillons de la Jeunesse, OS et MOI) sous le sigle FTPF date de septembre 1941, et les FTPF sont fondés au plan national en mai et juin 1942. A cette date, Henri Gaget, arrêté le 22 juin 1941, est déjà interné au camp de Compiègne.
Le 15 septembre 1946, une cérémonie à la mémoire des 4 déportés a lieu à Bourgneuf-Dadonville.
De gauche à droite : Georges Gaget (son frère, de profil), Marie-Claude Vaillant-Couturier, résistante, déportée à Auschwitz et Ravensbrück, députée de la Seine, Albert Rigal, résistant, député communiste du Loiret, Robert Pinchault (son beau-frère, déporté), Thérèse Gaget-Giry (sa mère).
Le Musée départemental de la Résistance et de la Déportation de Lorris lui a consacré un panneau (photo ci-contre), ainsi qu’à sa sœur Cécile et à son mari Robert Painchault et à son ami Pierre Roux.
Quatre jeunes de Dadonville ont été déportés (Cécile Painchault, morte à Ravensbruck, Henri Gaget et Pierre Roux, morts à Auschwitz et André Robillard mort à Buchenwald).
La commune leur rend hommage chaque année.
Le 8 mai 2016 était consacré à l’hommage à Henri Gaget.
Le 8 mai 2017 honorait Pierre Roux.
Son nom et celui de Pierre Roux sont gravés sur le monument aux Déportés, rue Serge Degrégny (résistant fusillé en 1944) à Pithiviers.
Musée de Loris, le 28 avril 2024 : une journée très émouvante pour les deux familles Gaget et Painchault (compte rendu de la cérémonie que nous a fait parvenir madame Muriel Hugon).
« Le Président du conseil départemental dont dépend le Musée de Lorris est quasiment du même village que ma famille. Il était voisin d’une de mes tantes et d’un de mes oncles, il a fait toute sa scolarité avec ma
sœur et connait donc bien notre famille Il a donc ajouté à son discours officiel déjà bien construit un message concernant notre famille très émouvant pour lui comme pour nous. C’est assez drôle de l’entendre dire qu’il ne pensait pas être aussi ému La famille était nombreuse et nous avions aussi un public assez nombreux pour nous accompagner. Ce fut plus familial l’après-midi, mais toujours très émouvant, un de mes cousins a assisté à l’arrestation d’Henri (Gaget) et était très bouleversé de se remémorer cette période. Dans le public il y avait la petite fille d’un résistant déporté revenu de Mauthausen qui a beaucoup œuvré avec ma tante et son mari. Dans le livre qu’il a écrit, il dit que c’est mon oncle Robert Painchault qui lui a remis son premier paquet de tracts à distribuer alors qu’ils ne se connaissaient pas encore.
- Note 1 : Cécile, couturière, a été déportée depuis Compiègne vers Ravensbrück dans le convoi du 30 janvier 1944. Elle est portée décédée le 1er mars 1945 à Ravensbrück. Elle était mariée à Robert Painchault lui-même déporté à Mathausen, et rescapé).
Deux sœurs jumelles, Henriette et Françoise (mariée à Etienne), cette dernière mère de Michel et François est décédée de maladie en décembre 1940.
Ils vivaient régulièrement chez leur grand-mère Thérèse, et Michel a assisté à l’arrestation d’Henri Gaget. Il se souvient des résistants qui passaient dans la ferme et dont il ne fallait absolument pas parler. Lucienne (garde barrière SNCF mariée à Eugène) mère de Claude, Jacqueline et Nicole. Georgette, institutrice (mariée à Henri Torte), mère de Philippe et Annick.(le père de Muriel Ugon), prisonnier de guerre en Allemagne. François pâtissier, blessé pendant la campagne de France est hospitalisé à Montluçon au moment de la défaite, Yvette charcutière à Paris, Suzanne, travail administratif. Georges, qui aide à la ferme
- Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- « Ceux du groupe Chanzy« . André Chène (Librairie Nouvelle, Orléans 1964, brochure éditée par la Fédération du Loiret du Parti communiste.
- Renseignements communiqués par son frère Georges en 1972.
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, tome 29, page 23 citant le « Le Travailleur », 1938.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943 le décès des détenus immatriculés).
- Division des archives des victimes des conflits contemporains, DAVCC, (Archives de Caen du ministère de la Défense).
- « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948« , établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz.
- Documents familiaux : photos et lettres d’Henri Gaget et Pierre Roux, envois de madame © Muriel Ugon, sa nièce (juin 2016 et janvier 2017) et mail du 5 mai 2024.
- lettre du Préfet du Loiret au Préfet Ingrand, envois (janvier 2024) de madame Muriel Ugon, nièce de Henri Gaget.
Notice biographique (complétée en juin 2016, 2017, 2021 et 2024) réalisée par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000.
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