Georges Thorez © collection Jeanne Peinoit, sa fille
Georges Thorez : né en 1905 à Les Attaques (Pas-de Calais) ; batelier à bord de la péniche Montcalm à l’écluse de Varangéville (Dombasle / Meurthe-et-Moselle ;  arrêté comme passeur le 28 décembre 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt

Georges Thorez est né le 18 novembre 1905 à Les Attaques (Pas-de Calais).
Il est batelier à la Société Saint-Gobain à bord de la péniche Montcalm à l’écluse de Varangéville en amont de la passerelle de Dombasle, au moment de son arrestation.

L’écluse de Varangéville

Il est le fils de Marie, Eléonore, Alixe Triquet, 25 ans (1872-1951, née le 13 octobre 1872 aux Attaques et d’Edgard, Auguste, Désiré Thorez, 33 ans, batelier, son époux. ses parents se sont mariés aux Attaques le premier octobre 1898.

Georges Thorez vit maritalement avec Josephana Vlemincks, née le 8 mars 1910 à Termonde (en néerlandais : Dendermonde /  Belgique). Le couple a cinq filles : Muguette, née le 14 juillet 1932 à Vieux-Condé (Nord), Marcelle, née le 16 mars 1934 à Denain (Nord), Jeanne, née le 5 octobre 1935 Maizières-le-Vic (Moselle), Astrid, née le 8 février 1938 à Crèvecœur-sur-Escaut (Nord), et Georgette, née le 22 août 1942 à Varangeville (Meurthe-et-Moselle).

Par décision de l’Occupant la Meurthe-et-Moselle se trouve dans la « zone fermée » ou « zone réservée », destinée au futur «peuplement allemand ».

Le 17 juin 1940 l’armée allemande occupe Auboué et le 18, Nancy. Des Kreiskommandantur sont installées à Briey et Nancy.
Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée. Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).

Autour du 20 décembre 1941 à l’écluse de Remefling, près de Sarguemines en Lorraine occupée, il prend à son bord cinq prisonniers français évadés pour leur faire passer la frontière clandestinement.

Témoignage de Muguette Bodren

Muguette alors âgée de 11 ans se souvient : « Mon père a chargé ces gens en pleine campagne (…) c’était vers le 20 décembre, à l’arrêt du soir.(…) on les a gardé plusieurs jours, la navigation était lente, le canal était couvert de glace qu’il fallait briser avec les péniches. Ils étaient cinq, un de Frouard, quatre de la région parisienne.(…) ils ont mangé avec nous (…) mis dans la double cloison où ils restaient debout la journée entière. (…) nous avons navigué plusieurs jours en territoire allemand frontalier. Le bateau était visité aux écluses par les Allemands. A celle de Lagarde, à la frontière, ils ont sondé le chargement de charbon avec des piques en fer. Je me souviens que nous avons passé la nuit de Noël à Einville en France occupée et les soldats nous ont quitté (…)».

Georges Thorez, « d’opinions communistes », est arrêté à Dombasle le 28 décembre 1941 par deux gendarmes français.
Son bateau est perquisitionné par les Allemands le 30 décembre après son déchargement.
La raison  de son arrestation, comme passeur de prisonniers évadés, est déclarée en 1955 par les services de gendarmerie.
Quoique les archives de la gendarmerie aient 
été détruites à la Libération, l’opinion générale des mariniers en 1947 est qu’il a été l’objet d’une dénonciation. C’est d’ailleurs ce qu’affirme sa fille Muguette, qui désigne le patron du café.
 Arthur Reignier, marinier, collègue de Georges Thorez se souvient : 

Témoignage d’Arthur Reigner

« En décembre 1941 Georges Thorez a recueilli en Moselle cinq prisonniers de guerre français évadés, les a cachés sur son bateau, le Saint-Gobain N°2, entre les cloisons séparant le logement et la cale de chargement de charbon, ceci à Remefling et leur a fait passer clandestinement la frontière à l’écluse N° 12 de Lagarde. Il a parlé de ce passage au café du port à Dombasle, où il a été arrêté, probablement sur dénonciation et transféré à Charles III, pour n’avoir pas parlé, m’a-t-on dit à l’époque» (témoignage recueilli par Jeanne Peinot née Thorez en 1993).
Au sortir de cet interrogatoire, Georges Thorez a des dents cassées et des doigts écrasés.
Il est écroué à la prison Charles III de Nancy, où il reçoit la visite de son père. Celui-ci à force de harceler les gendarmes avait appris où son fils a été emmené.
Georges Thorez a été remis aux autorités d’occupation à leur demande et interné en février 1942 au camp allemand de Royallieu à Compiègne où il reçoit le matricule N° 2444.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation :
La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Georges Thorez est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
On ignore dans quel camp il est affecté à cette date.
Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date précise de son décès à Auschwitz, et on ignore sur quelle base elle a été fixée au 21 octobre 1942 par le tribunal de Première instance de Nancy. Clément Coudert, rescapé du convoi, interrogé à cet effet la situant à la « fin septembre 1942 ».
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué en 1950. Il a été déclaré « Mort pour la France » le 22 mars 1956.
Il a reçu à titre posthume la Croix de guerre et la Médaille militaire.

L’Est Républicain des 3 et 4 juin 1945

Le 3 juin 1945, son père, comme des dizaines de membres de familles de déportés, fait paraître une demande d’informations dans « L’Est Républicain », à la rubrique « Recherche de déportés » destinée à recueillir des informations auprès des déportés rescapés.

Pendant 42 ans, sa fille Jeanne Peinoit, née Thorez, a recherché les causes de l’arrestation de son père, la date et les circonstances de sa mort.
A partir du 20 février 1957 elle s’adresse à tous les services compétents (ODAC, ACVG).
Dans les années d’après-guerre, le ministère des ACVG avait fixé la date de son décès à celle, fictive  du 15 septembre 1942 (à la Libération, l’état civil français a fixé des dates de décès fictives à partir de témoignages de rescapés, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés).
Alors même que le titre de « Déporté politique » a été attribué à Georges Thorez en 1950, les réponses successives des services ne lui apportent aucune certitude. En 1964 le Ministère des anciens combattants (ACVG) l’informe que Georges Thorez a été « arrêté le 28 décembre 1941, interné à Nancy puis à Compiègne d’où il aurait été déporté vers Auschwitz », Il lui a fallu attendre le 23 mai 2002,  pour avoir la confirmation, à la suite de mes propres recherches dans les archives, que son père était bien mort en déportation à Auschwitz.
En août 2002, Jeanne Peinoit peut prendre connaissance du dossier de son père au Archives du ministère des Anciens combattants, où elle y lit le témoignage de Clément Coudert, rescapé du convoi : « Lors de mon, internement à Auschwitz, j’ai connu Thorez Georges qui était originaire de Dombasle. Il est décédé des mauvais traitements que lui ont fait subir les Allemands. D‘après mes souvenirs… fin septembre 1942 ».
Elle découvre avec tristesse que Clément Coudert habitait Neuves-Maisons jusque à son décès en 1973, tandis qu’elle-même habitait depuis 1944 dans une rue voisine.
Le 26 février 2004, la Fondation pour la Mémoire de la Déportation l’informait que la mémoire de son père était reconnue, et que son nom figurait dans la nouvelle édition du livre Mémorial des Déportés partis de France.

Sources

  • Lettres de la fille de Georges Thorez, Jeanne épouse Peinoit née Thorez (25 avril 2001 et 12 juin 2002).
  • Dossier et témoignage élaborés par Madame Jeanne Peinoit (26 juin 2004).
  • © Photos de Georges Thorez, collection Jeanne Peinoit.
  • Témoignage d’Arthur Reignier, né en 1923 (5 mars 1993).
  • Témoignage la fille de Georges Thorez, Muguette épouse Bodren, née en 1932 (le 9 septembre 2003)
  • Dossier individuel de Georges Thorez au Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Val de Fontenay et Caen.
  • L’Est Républicain des 3 et 4 juin 1945, © montage Pierre Cardon
Le Républicain Lorrain 28 juillet 1997
Affiche de la conférence du 5 juillet 1997 salle Pablo Picasso à Homécourt

Notice biographique rédigée en 1997, pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942″ Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000.
Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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