Matricule « 45 317 » à Auschwitz
Louis Burtin : né en 1900 à Mouacourt (Meurthe-et-Moselle) ; domicilié à Dombasle-sur-Meurthe (Meurthe-et-Moselle) ; peintre-vitrier ; responsable communiste et cégétiste ; arrêté comme otage communiste le 21 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 14 novembre 1942
Louis Burtin est né le 7 novembre 1900 à Mouacourt (Meurthe-et-Moselle). Il habite 23, rue des Champs Fleury à Dombasle-sur-Meurthe (Meurthe-et-Moselle) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Amélie Lambert, 31 ans et de Jules Burtin, 41 ans, propriétaire
exploitant, puis ouvrier agricole, conseiller municipal, son époux.
A sa naissance, Louis Burtin a une sœur de 4 ans, Amélina et un frère de 3 ans, Lucien.
Louis Burtin exerce le métier de peintre-vitrier et habite à Dombasle au moment du Conseil de révision. Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m 62, a les cheveux blonds, les yeux gris, le front large,
le nez rectiligne, le visage rond. Il a un niveau d’instruction n° 3 (possède une instruction primaire supérieure).
Après l’armistice de 1918, il travaille à Dombasle comme peintre-vitrier aux établissements Solvay (multinationale de produits chimiques).
Le 23 avril 1924 il épouse à Dombasle Lucienne, Marcelle Lacroix (1), née en 1902 à Dombasle. Elle travaille comme lingère chez Dreyfus.
Le couple habite en 1936 au 23, rue des Champs Fleuris à Dombasle. Au même numéro habite sa mère, devenue veuve, son frère Lucien, avec sa femme Georgette et leur fille Odette.
En 1937 Louis Burtin était secrétaire du syndicat unitaire des Produits chimiques, ainsi que de la section communiste de Dombasle. Il est délégué au congrès du PCF à Arles, en décembre de cette même année.
Louis Burtin est l’un des 28 délégués de la Fédération de la Chimie (FNIC) au 25ème Congrès confédéral de la CGT à Nantes, les 14-17 novembre 1938.
Il est le 3ème en haut en partant de la gauche sur la photo ci-contre de la délégation, où figurent plusieurs responsables syndicaux fusillés par les nazis : Jean Poulmarch, Jean Carasso, Louis Canton, Henri Messager (document et recherches de Jean-Paul Nicolas, syndicaliste, collaborateur du Maitron, dictionnaire du mouvement ouvrier).
Robert Letellier, du Calvados, sera déporté avec lui à Auschwitz. « Il fut aussi en responsabilité à l’échelon national en tant que membre du bureau fédéral de la Fédération CGT des Industries chimiques » (André Osvald, FNDIRP de Dombasle).
En 1939, il faisait partie du bureau régional du PCF.
Louis Burtin est mobilisé en 1940 : « En avril 1940 ses opinions politiques lui valent d’être interné trois mois à la prison militaire de Toul. Il est fait prisonnier de guerre en juin 1940 et interné au Stalag 12 D de Trèves, puis libéré comme affecté spécial (2) à l’usine Solvay-Dombasle. Les responsables de cette société refusent de le reprendre étant donné ses responsabilités syndicales. Il se voit obligé d’aller travailler en Moselle, près de la frontière allemande ». (André Osvald).
Le 17 juin 1940 l’armée allemande occupe Auboué et le 18, Nancy. Les Kreiskommandanturen sont installées à Briey et Nancy.
Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». alors qu’il est déjà arrêtéPlus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).
Louis Burtin est arrêté le 21 juin 1941, lors d’une visite à sa famille à Dombasle, « après une distribution de tracts » (rapport du Préfet en août 1941). Mais cette arrestation s’inscrit plus vraisemblablement dans le cadre d’une vaste rafle opérée dans la zone occupée : le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom « d’Aktion Theoderich », les Allemands arrêtent en France occupée – avec l’aide de la police française – plus de mille communistes. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”).Louis Burtin est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent avant le 5 juillet 1942 (3) au camp allemand de Royallieu à Compiègne.
A Compiègne, il reçoit le matricule « 1072 », et il est affecté à la baraque A4.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Louis Burtin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45317 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz (3) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Louis Burtin meurt à Auschwitz le 14 novembre 1942 d’après la liste par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau
Louis Burtin est homologué « Déporté politique » au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un desmouvements de Résistance .
La ville de Dombasle par décision du conseil Municipal du 17 mai 1946, donne son nom à l’ancienne rue des Ecoles.
La section locale CGT lui éleva une tombe symbolique au cimetière, avec sa photo, et y dépose chaque année une gerbe, à la date de la journée de la Déportation. En épitaphe on peut lire : « mort pour avoir défendu la cause ouvrière ».
Une salle de réunion dans les locaux de la Fédération CGT de la Chimie (FNIC) porte son nom au Centre Confédéral de Montreuil (Communication et photo : groupe IHS de la FNIC-CGT).
- Note 1 : Lucienne Burtin « Pour d’autres faits militants« , écrit M. Oswald, est arrêtée le 22 octobre 1942 et incarcérée à la prison Charles III de Nancy. Elle est libérée en janvier 1943.
- Note 2 : Il s’agit plus vraisemblablement d’un « congé de captivité » : « Au début de l’année 1941, des accords interviennent entre l’État Français et les autorités d’occupation pour permettre la libération d’une partie des prisonniers de guerre français en
Allemagne. Il s’agit des pères de famille de quatre enfants mineurs, des frères aînés de quatre enfants, de certaines catégories de fonctionnaires, d’agriculteurs et d’artisans (menuisiers, charpentiers, cimentiers, ferrailleurs) nécessaires au redémarrage de l’économie. Bien que de retour dans leur famille, ces hommes en « Congé de captivité » gardent le statut de prisonniers de guerre et doivent régulièrement venir se faire enregistrer auprès de la Kommandantur la plus proche ». In :http://delamarejean.free.fr/Service_Militaire_Obligatroire/html/la_deuxieme_guerre_mondiale07.html. - Note 3 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Renseignements communiqués par M. Robert Blaise, Maire de Dombasle-sur-Meurthe (8 avril 1991).
- Renseignements communiqués par M. André Oswald, président de la section FNDIRP de Dombasle-sur-Meurthe (10 avril 1991).
- « Antifascisme et Parti communiste en Meurthe-et-Moselle » (Jean Claude et Yves Magrinelli) pages 100, 229, 347, 359.
- Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BACC), Ministère de la Défense, Caen.
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom et Tome 20 page 419.
- Communication des documents de la FNIC-CGT par Jean-Paul Nicolas.
Notice biographique rédigée en 1997, pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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