Matricule « 45 664 » à Auschwitz
Marcel Hodiesne : né en 1898 à Flers (Orne) ; domicilié à Cherbourg (Manche) ; agent des lignes PTT ; communiste ; candidat aux cantonales ; arrêté le 18 septembre 1941 ; interné à Gaillon, Compiègne ; déporté à Auschwitz où il meurt le 2 septembre 1942.
Marcel Hodiesne est né le 15 avril 1898 à Flers (Orne). Il habite rue de la Liberté à Avranches (Manche) puis au 21, rue Delaville à Cherbourg (Manche) au moment de son arrestation.
Marcel Hodiesne est le fils de Marie, Rosalie Raimbault, 32 ans, dévideuse, et de Constant, Ferdinand Hodiesne, 34 ans, charpentier, son époux. Ses parents habitent un village près de Flers. Il a trois frères, Constant, Emile et Fernand. Il est d’abord manœuvre aux PTT.
De la classe 1918, conscrit matricule 1221, Marcel Hodiesne travaille, au moment de sa mobilisation, comme soutier à bord du « Malte », à la Compagnie des Chargeurs Réunis. Son livret militaire nous apprend qu’il mesure 1m 64, qu’il a les cheveux châtain et les yeux marrons, le front moyen. Il a niveau d’instruction n° 3 (possède une instruction primaire développée).
Il est mobilisé par anticipation le 16 avril 1917 au 103ème RI. Sur le front depuis le 20 octobre 1917, il est blessé par un éclat d’obus lors d’une contre attaque au Mont Kemmel (Belgique). Il est cité à l’ordre du Régiment : « soldat dévoué et courageux, particulièrement distingué dans une contre-attaque au cours de laquelle il a été blessé« . Evacué, il rejoint le régiment le 20 août 1918. Malade, il est évacué le 20 octobre 1918. Après l’armistice, il change de régiment (dépôt du 84ème RI le 13 janvier 1919) puis est affecté en Orient le 23 juin 1919 au 18ème Régiment de Tirailleurs Algériens) en Cilicie (Anatolie du sud) sous protectorat français. Il est nommé caporal le 24 octobre 1919, sergent en 1920. Il est fait prisonnier par les forces kémalistes (Turquie) le 28 mai 1920 à Chaïr-Guediek. Interné avec 585 autres soldats à Césarée (Anatolie), il est rapatrié le 19 octobre 1921 lors du retrait français de Cilicie (accords d’Angora).
Marcel Hodiesne est cité à l’ordre du jour général « jeune sous-officier d’un courage remarquable, toujours volontaire pour les missions périlleuses, énergique, audacieux... ». Il reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze.
En 1923, il est domicilié au 11, rue Nationale à Flers.
Il épouse Julienne, Clémentine, Célestine Pian le 25 septembre 1923 à Cuves (Manche). Elle est née à Cuves le 6 avril 1905.
Le couple a trois enfants : Maurice qui naît le 11 novembre 1925, Gérard, le 10 mai 1930, et Michel, le 9 juillet 1935.
Le 23 décembre de la même année le couple a emménagé à La Laude, village de La Fontaine. Ils déménagent à La Bauche le 5 octobre 1925, puis à Cuves, le 16 avril 1927.
La famille Hodiesne emménage rue de Paris à Avranches le premier janvier 1928. Marcel Hodiesne est soudeur aux PTT. Agent des lignes à partir du 31 janvier 1930 (candidature au J.O. à partir de 1928).
Ils emménagent rue des Ponts à Avranches le 15 mars 1936, jusqu’en 1938. Ils déménagent ensuite pour la rue de la Liberté à Avranches.
Membre du Parti communiste et militant reconnu, Marcel Hodiesne est présenté par le Parti communiste aux élections cantonales du 10 octobre 1937, pour le canton d’Avranches.
Il obtient 99 voix sur 2543 votants.
Selon les documents préfectoraux, il ne semble pas cautionner la signature du pacte germano-soviétique.
Il habite au 74, ou 76, rue de la Liberté à Avranches (Manche).
Marcel Hodiesne est mobilisé le 2 septembre 1939. Il est affecté au Dépôt du corps spécial de la télégraphie le 8 septembre 1939.
Du 7 au 19 juin 1940 la Normandie est envahie par les chars de Rommel. Le 15e corps d’armée, commandé par le général Hotz investit Saint-Lô le 18 juin et Cherbourg le 19. Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.
La moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Marcel Hodiesne est démobilisé à Sumène (Gard) le 20 juillet 1940.
Selon les archives de la Préfecture de la Manche, il est suspendu de ses fonctions aux PTT le 29 juin 1941 à la suite d’une arrestation à Cherbourg. Il y a deux versions selon les archives préfectorales : « Ivresse, rébellion et injures à magistrat » ou le 31 juin 1941 pour « Provocation à l’égard de l’occupant, rébellion et outrages« . Libéré le 21 juillet après une condamnation à 18 mois de prison avec sursis, il fait l’objet d’une d’une enquête commandée par le Préfet. Celle-ci conclut que son attitude est « suspecte sur le plan national ». Dans les deux versions il est libéré le 21 juillet 1941 à la suite d’un jugement le condamnant avec sursis.
Il n’a pas été réintégré dans les cadres PTT au moment de sa nouvelle arrestation le 19 septembre 1941 (ministère de l’Intérieur enquête du 08/12/1951).
En vertu d’un arrêté du Préfet de la Manche en date du 18 septembre 1941, il est arrêté le 19 septembre 1941 à Cherbourg, comme « agent communiste », le même jour que Léon Lecrées, Louis Hamel, Auguste Marie et Charles Mauger.
Il est alors domicilié au 21, rue Delaville à Cherbourg.
Marcel Hodiesne est amené à la prison d’Avranches.
Puis il est transféré au camp de Gaillon le 20 septembre 1941 (n°25590). « La Maison centrale de Gaillon, transformée en caserne aux débuts du XXème siècle, retrouve sa fonction carcérale durant l’Occupation (…) : un camp d’internement administratif y est organisé. Pendant l’Occupation, plusieurs catégories « d’indésirables » furent acheminées par les gouvernements du maréchal Pétain à Gaillon » (1).
Il est ensuite remis le 4 mai 1942 aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122). Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Marcel Hodiesne est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf l’article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Marcel Hodiesne est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule «45 664» (2). Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Marcel Hodiesne meurt à Birkenau le 2 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Sterbebücher von Auschwitz Tome 2 page 60 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Un arrêté ministériel du 20 avril 1993 paru au Journal Officiel du 3 juillet 1993porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Cet arrêté porte une date erronée :« mort le 6 juillet 1942 »à Auschwitz », soit le jour du départ du convoi. Il serait logique que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (in Sterbebücher von Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau) et sur le site internet du Musée d’Auschwitz, qui apporte la preuve de son décès à Auschwitz !
Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Sterbebücher von Auschwitz» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué. Il a été déclaré « Mort pour la France ».
Son nom est inscrit sur le monument aux morts d’Avranches.
- Note 1 : La Maison centrale de Gaillon, transformée en caserne aux débuts du XXème siècle, retrouve sa fonction carcérale durant l’Occupation (…) : un camp d’internement administratif y est organisé. Pendant l’Occupation, plusieurs catégories « d’indésirables » furent acheminées par les gouvernements du maréchal Pétain à Gaillon (…) Deux groupes importants constituèrent la population de ce camp : des politiques (130 hommes et 129 femmes) et des trafiquants de marché noir (272 hommes et 14 femmes). Extraits du mémoire de Maitrise d’Hervé Bertonchini «Le camp d’internement administratif de Gaillon», dirigé par Olivier Dumoulin, Université de Rouen, 1993.
- Note 2 : Ce numéro est validé par la comparaison de la photo d’immatriculation du déporté (3) portant le numéro matricule « 45 664 » avec le portrait de Marcel Hodiesne publié sur le site Mémorial GenWeb et ses photos d’immatriculation au camp de Gaillon. Celle-ci vient confirmer le numéro que je lui avais attribué comme « probable » lors de ma tentative de reconstitution des 4 listes alphabétiques successives composant la liste d’immatriculation des déportés du convoi à Auschwitz.
- Note 3 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Les recherches de Madame R. Siouville (veuve de Lucien Siouville (46106), rencontrée par Roger Arnould au pèlerinage d’Auschwitz de 1971) effectuées auprès des Associations locales et des archives municipales et départementales ont permis de dresser une première liste et éléments biographiques de 17 des 18 « 45000 » de la Manche.
- » La Résistance dans la Manche » (M. Leclerc) Page 41.
- Archives municipales ( août 1991).
- Archives en ligne de l’Orne : état civil et registre matricule militaire.
- Photo Genweb © CC BY-NC-SA 2.0
- Archives du camp de Gaillon / Archives de l’Eure. Internés politiques, 1941-1942 (89 W 14). Surveillance et internements administratifs des communistes, 1941-1944 (1290 W 134).
- ACVG décembre 1992, Caen (DAVCC).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
- Site internet Légifrance.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Notice biographique (compléments 2015, 2018, 2021 et 2024) rédigée en avril 2001 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005), pour le livre « De Caen à Auschwitz » (Collège Paul Verlaine d’Evrecy, Lycée Malherbe de Caen et association « Mémoire vive ») juin 2001, Ed. Cahiers du temps. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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