Maurice Raux : né en 1897 à Lisieux (Calvados) ; domicilié à Percy-en-Auge (Calvados) ; cheminot cégétiste et communiste ; arrêté comme otage communiste le 4 mai 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 18 septembre 1942.
Maurice Raux est né le 13 mars 1897 à Lisieux (Calvados). Il habite à Percy-en-Auge (Calvados) au moment de son arrestation.
Maurice Raux est le fils de Berthe Lecointe, 34 ans, journalière et de Charles Raux, 36 ans, journalier, son époux.
Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1 m 65, a les cheveux châtain clair et les yeux bleus, le nez cave.
Conscrit de la classe 1917, Maurice Raux est mobilisé par anticipation, comme tous les jeunes hommes de sa classe. Il arrive au 24è Régiment d’infanterie le 10 janvier 1916. Il y reste jusqu’au 1er février 1917. Il passe au 9è bataillon du 24è et Il a été classé « service
auxiliaire » le 2 janvier 1917 par la commission de réforme de Bernay (pour un raccourcissement de la jambe gauche et atrophie, suite à une paralysie infantile, qui le handicape pour la marche). En ce temps de guerre Maurice Raux est néanmoins déclaré « apte au service armé » par la commission de réforme de Bernay le 11 mai 1916. Il est proposé pour changer d’arme (l’artillerie montée est proposée) par la commission spéciale d’Amiens (15 décembre 1916). Il passe alors au 43è Régiment d’Artillerie : il est « aux armées » du 10 février 1917 au 8 novembre 1917.
Revenu au dépôt, il part en Italie le 15 novembre 1917 avec le 219è RA. On peut lire sur son registre matricule qu’il est autorisé à porter le ruban distinctif des « fatigues de guerre », décerné par le gouvernement italien en vertu du décret royal du 21 mai 1916. En fait il s’agit d’une mauvaise traduction de « Fatiche di guerra » qu’il signifie « efforts de guerre ». Cette distinction ne semble pas avoir été attribuée automatiquement à tous les Français ayant servi en Italie. Il rentre en France le 1er mars 1918. Il est « aux armées » avec le 48è d’Artillerie de campagne le 25 juillet 1918. Il passe ensuite au 224è RA le 30 août 1918. Il passe au dépôt du 4è RA de campagne le 9 mai 1919. Il est classé service auxiliaire le 9 août 1919 par la commission de réforme de Besançon. Maurice Raux est démobilisé le 24 septembre 1919, avec un certificat de « bonne conduite ».
En décembre 1919, il est logé chez madame Ivray à Percy-en-Auge.
Maurice Raux épouse Augustine, Félicité Lemière à Percy-sur-Auge le 11 octobre 1919. Elle est née à Vassy (Calvados) le 24 mai 1896 (elle décèdera en 1987 à Lisieux).
Au moment de leur mariage, il est employé de fromagerie et elle est servante.
En 1921, ils habitent à Percy-en-Auge au 16, Percy-le-bourg. Il est alors ouvrier agricole, et elle sans profession.
Maurice Raux est embauché comme cantonnier des chemins de fer à Mezidon. En 1926, ils habitent au n° 2, grande rue à Percy.
En octobre 1927, ils habitent à Mézidon (c.f. registre matricule militaire).
Maurice Raux est classé en 1927 au titre de la réserve militaire comme « Affecté spécial » aux Chemins de fer de l’Etat comme cantonnier à Mézidon. Il est cheminot.
En 1931, ils sont revenus habiter à Percy, au 2, grande rue. Son épouse travaille comme journalière. Ils ont une pensionnaire, Edith Gilbert née en 1926 à Percy. Elle sera domiciliée encore avec eux à la même adresse en 1936.
En 1936, il est nommé cantonnier principal (Bureau central de la Seine). Par décision du ministère des transports en date du 3 mars 1938, il est nommé « garde-voies ».
Il est gardien du passage à niveau du Mesnil-Mauger (matricule SNCF 40.369) en 1938.
Maurice Raux est militant cégétiste et membre du Parti communiste. Sportif, avec son camarade Marcel Nonnet (qui sera déporté avec lui), il participe à l’entraînement de l’équipe de football de Percy-en-Auge (témoignage de Marcel Robine alors âgé de 17 ans).
Son registre matricule militaire ne donne aucune indication concernant la mobilisation générale de 1939. Mais on sait que pratiquement tous les «Affectés spéciaux» considérés comme communistes – en particulier les cheminots – ont été radiés de l’affectation spéciale et donc mobilisés.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la Basse Normandie est occupée le 19 juin. Les troupes de la Wehrmacht arrivant de Falaise occupent Caen le mardi 20 juin 1940. La Feldkommandantur 723 s’installe à l’hôtel Malherbe, place Foch. En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.
Selon l’attestation de Michel de Bouard (ancien responsable régional du Front National) : il « appartenait en 1942 au Front National, groupe SNCF de Mézidon, a pris part aux diverses activités de ce groupe (propagande, renseignements, sabotages)« .
Militant cégétiste et communiste, il est connu des services de police, et signalé comme «suspect», en date du 5 avril 1942, référence en juin 1942 par la Place Bauveau).
Maurice Raux arrêté comme otage communiste le 4 mai 1942. Son arrestation est ordonnée en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Airan-Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants. 24 otages sont fusillés le 30 avril à la caserne du 43ème régiment d’artillerie de Caen occupé par la Werhmarcht. 28 communistes sont fusillés en deux groupes les 9 et 12 mai, au Mont Valérien et à Caen. Le 9 mai trois détenus de la maison centrale et des hommes condamnés le 1er mai pour « propagande gaulliste » sont passés par les armes à la caserne du 43ème RI. Le 14 mai, 11 nouveaux communistes sont fusillés à Caen.
Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos des deux sabotages de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard).
Amené à la prison de Caen, Maurice Raux est remis aux autorités allemandes (Feldkommandantur 723) à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne, début mai, en vue de sa déportation comme otage.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à leur déportation, lire dans le blog «une déportation d’otages ».
A la suite de l’arrestation de 27 cheminots du Calvados du 1erau 4 mai 1942 (dont 8 par tirage au sort), la Direction de la SNCF a sollicité l’intervention de l’ambassadeur de France, De Brinon, qui écrit le 15 mai 1942 au Général commandant les forces militaires allemandes en France, soulignant l’impact de ces mesures sur le personnel cheminot très sollicité et en sous effectifs, et demandant leur révision (en vain). Maurice Raux fait partie de la liste mentionnée.
Une démarche particulière en sa faveur est effectuée par le Chef de service de la SNCF à Percy en Auge auprès de De Brinon.
Depuis le camp de Compiègne administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Maurice Raux et est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 n’est pas connu. Le numéro « 46 039 (?) » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
De plus, la photo du déporté portant ce numéro matricule prise à Auschwitz lors de la séance d’immatriculation le 8 juillet 1942, n’a pas été retrouvée, aucune comparaison avec sa photo d’avant-guerre n’est possible.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Maurice Raux meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 988). Ignorant cette date, l’état civil français a établit sa date de décès à Birkenau en octobre 1942 (arrêté du 17 juillet 1947).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Il a été déclaré « Mort pour la France » le 25 février 1949.
Le titre de «Déporté politique» lui a été attribué en 1953.
La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès (arrêté du 31 janvier 1997 paru au Journal Officiel du 8 mars 1997). Mais cet arrêté porte toujours la même date fictive «décédé en octobre 1942 à Birkenau (Pologne)» : il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil de la municipalité d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau).
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Percy-en-Auge.
Il est honoré en gare SNCF de Lisieux.
Son nom est également honoré sur la plaque à la mémoire des déportés Calvadosiens de 1942, esplanade Jean-Marie Louvel sur la façade du centre des Finances
Sources
- Fiche de renseignements de la Fédération nationale des Centres d’entraide des internés et déportés politiques.
- Registre matricule militaire in archives en ligne du Calvados.
- Fiche établie par Jean Quellien, historien.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen, consulté en octobre 1993.
- © Archives en ligne du Calvados.
- Liste d’otages du Calvados (archives du Calvados).
- © Site Genweb. Relevé Philippe Frilley.
- Photo de Maurice Raux communiquée par ses tantes, Christiane et Danielle Robine à Madame Valérie Lecroq pour l’Association « nos communes : terres d’Histoire » à Percy-en-Auge.
- Formulaire « Mort pour la France » adressé à sa veuve : Archives départementales du Calvados.
- Recherches généalogiques (état civil, recensements 1921 à 1936 à Percy, registre matricule militaire) effectuées par Pierre Cardon
Notice biographique rédigée en janvier 2001 (complétée en 2015, 2016, 2017 et 2020) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive« . Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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