Matricule « 45 164 » à Auschwitz

Louis Allaire à Auschwitz le 8 juillet 1942
Louis Allaire : né en 1913 à Paris 20è ; domicilié à Levallois-Perret (Seine ; manœuvre ; présumé communiste ; arrêté le 16 décembre 1940, condamné à 6 mois de prison (Santé) ; arrêté le 28 février 1942 comme otage ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 1942.

Louis Allaire est né à 12 h le 31 juillet 1913 à Paris 20è.
Il habite au 57, rue Raspail à Levallois-Perret (ancien département de la Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Joséphine, Marie Prigent, née à Plounérin (Côtes du Nord / Côtes d’Armor) en 1886 et de Jérôme, Louis Marie Allaire, né à Quintin (Côtes-du-Nord le 17 décembre 1872). Pendant la première guerre mondiale, Son père, canonnier au 157è RI, meurt le 15 mai 1917, à l’âge de 38 ans à Thessalonique (Grèce).
Louis Allaire et sa sœur Jeanne (née en 1916) sont de ce fait « adoptés par la Nation ».
Sa mère se remariera avec François Le Maitre, né en 1899.
Louis Allaire travaille comme manœuvre à l’usine Astra d’Asnières, usine où travaille également Fernand
Bée
, qui sera lui aussi déporté à Auschwitz. Il est certainement membre du Parti communiste.
En 1936 sa mère, son époux François Le Maitre et sa fille Jeanne Allaire, sont domiciliés au 6, Bourg de Plounérin.

Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier  détachement  allemand  occupe  la mairie de Nanterre et l’état-major  s’y  installe. La nuit du 14 au 15 juin, de nombreuses troupes allemandes arrivent à Nanterre et Colombes.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Louis Allaire est arrêté le 16 décembre 1940 en même temps que François Dallet pour distribution de tacts communistes. Cette arrestation est effectuée par la Brigade spéciale des Renseignements généraux en collaboration avec le commissariat de Levallois.

Rapport journalier de la BS

Le rapport journalier de la BS1 fait état de l’arrestation – en collaboration avec le commissariat de Levallois – des deux hommes, et d’un envoi par Louis Allaire de 4 tracts communistes pliés dans le journal « Paris Soir » envoyés en Bretagne au domicile de Monsieur et madame Lemaire .. au bourg de Plounérin (Côtes du Nord)… Rappel : sa mère qui est originaire de ce bourg s’est remariée avec M. Lemaire. Les inspecteurs saisissent 23 tracts au domicile de Louis Allaire, qui a reconnu les faits.
Inculpé d’infraction au décret du 29 septembre 1939, il est écroué et mis à disposition du Procureur.
Condamné à 6 mois de prison, il est
emprisonné à la Santé jusqu’au 1er mai 1941. Libéré, il figure désormais dans les fichiers des RG.


Louis Allaire est arrêté une seconde fois le 28 avril 1942
par les Allemands à son travail, lors d’une rafle organisée par l’occupant dans tout le département de la Seine, en répression l’attentat de Paris du 20 avril. 
Cette rafle vise des militants du Parti communiste clandestin ou considérés comme tels.
Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942).
Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et le 28 juin, arrêtent 387 militants (avec le concours de la police parisienne), dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (le 26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine. Les autres sont connus ou suspectés par les services de Police. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat allemand de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats allemands dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire allemand est blessé à Malakoff). Lire le témoignage de Claude Souef : La rafle des communistes du 28 avril 1942 à Paris.
Les autorités allemandes l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) en vue de sa déportation comme otage.
Il est enregistré à Compiègne sous le matricule « 4124 » au bâtiment C1.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Louis Allaire est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Louis Allaire est immatriculé à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45164 »Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Louis Allaire meurt à Auschwitz le 13 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Sterbebücher von Auschwitz Tome 2 page 22 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat
d’Auschwitz-Birkenau
).
Sa mère qui en mars 1947 habitait toujours Plounérin dans les Côtes du Nord (Côtes d’Armor) après la Libération, ignorait où était emprisonné son fils en juin 1942.
Son nom est inscrit, comme celui de son père, sur le monument aux morts de Plounérin.

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’AuschwitzBirkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • Mémorial Genweb, Plounérin
  • Recensements 1931 et 1936 de Plounérin
  • Archives de la Préfecture de police de Paris, fichier Brigades spéciales.

Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016,  2019, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers.  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour le compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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