Matricule « 45 958 » à Auschwitz Rescapé
Clément Pellerin : né en 1907 à Saint-Agnant-les-Marais (Charente-Maritime) ; domicilié à Suresnes (Seine) ; mécanicien auto ; communiste ; arrêté le 26 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Mauthausen, Gusen ; rescapé.
Clément Pellerin est né à la ferme de la plaine de Vaucouleurs le 2 janvier 1907 à Saint-Agnant-les-Marais (Charente-Maritime).
Au moment de son arrestation, Clément Pellerin habite au 1, rue Grotius, dans un des HBM construits par la municipalité (Henri Sellier, maire SFIO) à Suresnes (ancien département de la Seine / Hauts-de-Seine).
Il est le fils de Clémence Pasquier (33 ans / 1874-1950) et de Hyacinthe, Auguste Pellerin (35 ans / 1872- 1956). Ses parents, qui se sont mariés le 10 septembre 1898, sont cultivateurs et auront 12 enfants, dont Clément, qui est le sixième. Abel (1896-1913), Paul (1899),Augustine, Olympe (1900-1999), Julien (1902) Gaston, Octave (1904), Georgette, Clémentine (1905-1977), Emile, Clément (1908-1990), Irma, Alphonsine (1909-1911), André, Odette (1912-1989), Roger, Raymond (1916), Lucien (1918-1995).
Clément Pellerin est ajusteur de métier, et travaille comme mécanicien sur autos.
Le 5 juin 1930, à Paris 17è, Clément Pellerin épouse Henriette, Alphonsine Bothier, née Depardieu, le 23 novembre 1905 à Orléans (Loiret), femme de chambre (elle est décédée le 6 octobre 2004 à Aix-en-Provence). Elle habite au 6, rue Édouard-Detaille dans le même arrondissement.
Ils vont habiter rue des Nouvelles à Suresnes à partir de cette date. Le couple a une fille.
Clément Pellerin est militant du Parti communiste.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. L’armée allemande occupe toute la banlieue parisienne les jours suivants. L’Etat major de Wehrmacht s’installe à Nanterre le 14 juin.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…)
Clément Pellerin devient, avec l’Occupation, responsable du « Front National pour la libération et l’indépendance de la France » (1) à l’échelon local. Il diffuse des tracts appelant à saboter la production de guerre (attestation de Robert Langevin, de Saint-Cloud, qui sera déporté le 17 août 1944 à Buchenwald, homologué Déporté résistant).
Dans la nuit du 25 au 26 juin 1941, des policiers français du commissariat de Puteaux l’arrêtent à son domicile. Robert Langevin écrit qu’il a été tabassé, mais qu’il ne l’a pas dénoncé, ni lui, ni Quentel, écrit-il. Selon lui, Gaston Dubrule est arrêté « dans la même affaire ».
La liste des Renseignements généraux répertoriant les communistes internés administrativement le 26 juin 1941, mentionne pour Clément Pellerin : « Meneur particulièrement actif ».
Après un passage à l’Hôtel Matignon, il est enfermé au Fort de Romainville. Cette arrestation a lieu dans le cadre d’une grande rafle concernant les milieux syndicaux et communistes.
En effet, le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (ici l’Hôtel Matignon), ils sont envoyés en vue de leur déportation comme otages, à partir du 27 juin 1941 (le 28 pour Clément Pellerin), au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), le Frontstalag 122 administré par la Wehrmacht. Il est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Clément Pellerin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 958 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Clément Pellerin est affecté au Block 22 A.
En application d’une directive datée du 21 juin 1943 accordant aux détenus français des KL la possibilité de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis renfermant des vivres, il reçoit le 4 juillet 1943, comme les autres détenus politiques français d’Auschwitz, l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille – rédigées en allemand et soumises à la censure – et de recevoir des colis contenant des aliments (lire dans le site : Le droit d’écrire pour les détenus politiques français
Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants.
Lire l’article du site « les 45 000 au block 11.
Le 12 décembre, les Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos.
Devant l'approche des armées soviétiques les SS préparent l’évacuation du camp d’Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que 6 d’entre eux. 89 autres "45.000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz. Une trentaine de "45.000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945. Lire dans le site : Les 45000 pris dans le chaos des évacuations (janvier-mai 1945) et Itinéraires des survivants du convoi à partir d'Auschwitz (1944-1945)
Clément Pellerin est transféré au camp de Mauthausen le 21 janvier 1945 (il y reçoit le matricule 120.165) avec vingt autres « 45.000 », puis aux campx de Gusen. Quatre « 45 000 » sont affectés à Gusen-I et/ou Gusen-II où ils seront libérés le 5 mai 1945 : Emile Bouchacourt et Clément Pellerin (Gusen-II puis Gusen-I).
Il est libéré par les troupes américaines le 5 mai, et regagne la France (Hôtel Lutétia) le 19 mai 1945.Très éprouvé, il est hospitalisé à Cochin jusqu’au 24 mars 1946.
Il est d’abord homologué « Déporté Politique ».
Clément Pellerin est homologué (GR 16 P 463934) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) et des Déportés et Internés Résistants (DIR) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
Après un premier refus, il est homologué « Déporté Résistant » le 30 mai 1956 (N° 10012 9385), photo ci-contre.
Il s’était établi à La Ciotat (Bouches-du-Rhône). Clément Pellerin meurt à l’Hôpital de Marseille, le 19 décembre 1972 (source INSEE). Il n’a que 65 ans.
- Note 1 : Cette organisation de résistance est créée en mai 1941 sous le nom de « Front national pour la liberté et l’indépendance de la France » par le Parti communiste clandestin afin de rassembler en plus de ses militants déjà engagés dans la Résistance, d’autres résistants non communistes. Dans la zone Sud, il porte le nom de « Front National pour la Libération de la France ». Ce mouvement était le plus souvent désigné sous son nom abrégé de « Front National », qui n’a rien à voir, bien évidemment, avec le parti politique d’extrême droite des Le Pen.
Sources
- Témoignage d’Emile Bouchacourt, de Suresnes, rescapé du même convoi, son meilleur camarade à Auschwitz.
- Certificat d’appartenance au Front National, à la RIF (FNDIRP, M. R. Langevin, déporté de St Cloud)
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (octobre 1993) et Val-de-Fontenay, (novembre 1993).
- Archives de la Préfecture de Police, Le Pré Saint Gervais, 25 rue Baudin, 93310. Renseignements généraux et Liste des militants communistes internés le 26 juin 1941.
- INSEE date de décès.
Notice biographique rédigée en novembre 2005 (mise à jour en 2016 et 2019) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et deTriangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel àdeportes.politiques.auschwitz@gmail.com