Matricule « 45 633 » à Auschwitz
Maurice Guerrier ; né en 1898 à Noyers-sur-Cher (Loir-et-Cher) ; domicilié à Courbevoie (Seine) ; ouvrier d’aviation ; communiste ; arrêté le 10 juillet 1941 ; interné à la caserne des Tourelles et au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 19 septembre 1942.
Maurice Guerrier est né le 28 mars 1898 à Noyers-sur-Cher (Loir-et-Cher).
Il habite au 125, boulevard de Verdun à Courbevoie (ancien département de la Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Léonie Marteaux, 28 ans et de Jules Amédée Guerrier, 38 ans, vigneron, son époux.
Maurice Guerrier est cultivateur et habite à Saint-Romain (Loir-et-Cher) au moment de son Conseil de révision.
Il sera par la suite tourneur sur métaux en région parisienne chez Hispano-Suiza.
Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m 65, a les cheveux blonds, les yeux marron clair, le nez rectiligne long et le visage long. Il possède un niveau d’instruction n° 3 (possède une instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1918, Maurice Guerrier est mobilisé par anticipation en 1917, comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre. Appelé sous les drapeaux le 3 mai 1917 il est incorporé au 82è Régiment d’Infanterie où il arrive le même jour. Il est au Front le 20 octobre 1917. Il est victime des gaz de combat allemands le 17 avril 1918 et il est évacué. Il retourne au front le 18 juin 1918.
Il est à nouveau blessé, par balle (talon gauche et thorax) le 18 juillet 1918 lors des combats de la Ferté Milon. Evacué, il rejoint le front le 2 octobre 1918. Il passe au 7è Régiment d’Infanterie le 25 février 1918. Il passe au 2è Régiment de Tirailleurs Algériens le 2 mai 1919. Il est renvoyé dans ses foyers le 14 juin 1920 (certificat de bonne conduite accordé).
Maurice Guerrier est décoré de la Croix de guerre avec étoile de bronze.
Il épouse Marguerite, Antoinette Charret le 10 février 1923 à la mairie de Noyers-sur-Cher (Loir-et-Cher). Elle est née le 6 mars 1903 à Paris 8è . Elle est décédée le 15 mai 1981 à Montmorency, où habite sa fille.
Le couple a deux enfants : Paul, né le 8 novembre 1923 (note 1) et Jocelyne, née le 22 janvier 1933 à Paris 8è .
Selon la petite-fille de Maurice Guerrier, fille de Jocelyne Guerrier, madame Sabrina Coudert-Jacob : « Son épouse Marguerite-Antoinette Guerrier, une femme remarquable et engagée m’a également transmis ce détail sur sa passion de fabriquer des vélos de collection, qu’il partageait avec son propre père Jules Amédée« .
En janvier 1929 le couple habite la région parisienne, au 22, rue de l’Aigle à La Garenne-Colombes (Seine / Hauts-de-Seine).
En septembre 1932 ils déménagent à Courbevoie (Seine / Hauts-de-Seine) au 81, allée du Midi, puis en mars 1936, il habitent 125, boulevard de Verdun dans cette même ville. Maurice Guerrier travaille comme ouvrier d’aviation chez Hispano-Suiza.
Maurice Guerrier est membre du Parti communiste selon la Police.
Lors des obsèques de Paul Vaillant-Couturier, Maurice Guerrier et son épouse adressent leurs condoléances au journal (in l’Humanité du 16 octobre 1937, page 7).
Maurice Guerrier est « affecté spécial » comme réserviste aux ateliers de construction de Bourges le 9 mars 1939.
Le 12 septembre 1939, Maurice Guerrier est « rappelé à l’activité » par le décret de mobilisation générale et il est affecté à l’atelier de construction de Bourges à la 2è
compagnie d’ouvriers de renforcement (COR).
Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe. La nuit du 14 au 15 juin, de nombreuses troupes allemandes arrivent à Nanterre et Colombes.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Selon les recherches effectuées à ma demande par les archives municipales de Courbevoie en 1992, il aurait été marchand au détail, ce qui semble bien correspondre à un licenciement postérieur à sa mobilisation.
Connu comme communiste par les services de police, Maurice Guerrier est arrêté le 10 juillet 1941 à Courbevoie (ancien département de la Seine).
Il est détenu administratif à la caserne des Tourelles (2) « Centre de séjour surveillé » : Ouvert d’abord aux Républicains espagnols, entassés par familles entières, aux combattants des Brigades internationales, interdits dans leurs propres pays. Les rejoignent de nombreux réfugiés d’Europe centrale fuyant la terreur nazie, des indésirables en tous genres, y compris, bien sûr, les « indésirables » français : communistes, gaullistes et autres patriotes (on ratissait large), juifs saisis dans les rafles, «droit commun» aux causes bien datées (marché noir) ». France Hamelin in Le Patriote Résistant N° 839 février 2010.
Le 5 mai 1942, à la demande des autorités d’occupation, il est transféré à la caserne des Tourelles avec 36 autres « internés administratifs » de la police judiciaire, vers le camp allemand de Compiègne (le Frontstalag 122). Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Maurice Guerrier est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi.
Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est immatriculé à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 633 ». Sa photo d’immatriculation (identifiée par son fils) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz (3).
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Maurice Guerrier meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après les registres du camp.
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué. Maurice Guerrier est homologué (GR 16 P 275503) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
Sa mémoire est honorée à Courbevoie par une plaque à son ancien domicile du 125, boulevard de Verdun, dans le quartier Varebois, et sur une plaque en Mairie.
- Note 1 : Paul Guerrier . Selon la petite fille de Maurice Guerrier, madame Sabrina Coudert-Jacob : « Son fils Paul né le 8 Novembre 1923 a également été arrêté car lui aussi était élu syndical chez Hispano-Suiza et engagé dans la Résistance âgé de 17 ans au moment de la dénonciation par leur concierge du 125 Bld de Verdun à Courbevoie. Il a échappé à la déportation à Auschwitz, envoyé à Pithiviers » (mail du 6/02/2024).
- Note 2 : Les Tourelles : ce « Centre de séjour surveillé » fonctionne dans l’ancienne caserne d’infanterie coloniale du boulevard Mortier à Paris. En 1942, deux bâtiments seulement étaient utilisés, un pour les hommes et un pour les femmes. Ils étaient entourés de fil de fer barbelé. Chaque bâtiment disposait de 3 WC à chasse d’eau, largement insuffisants. Des latrines à tinette mobile étaient en outre disposées dans l’étroit espace réservé à la promenade. La nuit, une tinette était placée dans chaque dortoir. C’est peu dire les conditions épouvantables imposées à des internés dont le nombre variera de 400 à 600 personnes. A cela s’ajoutait une sous-alimentation chronique entraînant bon nombre de maladies : entérites gastro-intestinales, affections cardiaques, tuberculose… © In site Internet Association Philatélique de Rouen et Agglomération.
- Note 3 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz–Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Archives municipales de Courbevoie.
- Communication téléphonique avec sa fille en 2005.
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
- Etat civil et Registres matricules militaires du Loir-et-Cher en ligne.
- Caserne des Tourelles in © prisons-cherche-midi-mauzac
- Commentaires de madame Sabrina Coudert-Jacob (février 2024) sur le site.
Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016, 2019, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com
Bonsoir
C’est avec grande émotion que je prends connaissance des nouvelles recherches effectuées sur le convoi des 45000 dont Maurice Guerrier, mon grand-père faisait partie.
Quel travail précis, extraordinaire.
Son épouse Marguerite-Antoinette Guerrier, une femme remarquable et engagée m’a également transmis ce détail sur la passion de fabriquer des vélos de collection qu’il partageait avec son propre père Jules Amédée .
Il avait en effet un niveau 6 eme dirait-on aujourd’hui mais était considéré comme intellectuel, autodidacte.
Comme vous l’avez souligné, il a fréquenté Paul Vaillant Couturier.
Son fils Paul ne le 8 Novembre 1923 a également été arrêté car lui aussi était élu syndical chez Hispano-Suiza et engagé dans la Résistance âgé de 17 ans au moment de la dénonciation par leur concierge du 125 Bld de Verdun à Courbevoie .
Il a échappé à la déportation à Auschwitz, envoyé à Pithiviers.
Je n’ai pas connu ce grand homme, mon grand père, Maurice mais je suis fière de son engagement dans l’Armee et de ses actes de résistant pour combattre l’Allemagne nazie.
Maman, sa fille Jocelyne Couderc-Guerrier, n’a jamais oublié cette enfance sacrifiée. Elle qui se destinait aux études de medecine n’a pas eu la foi en elle -même pour poursuivre ce destin. Elle s’est souvent identifiée à cette petite fille qu’elle était pendant les 3 bombardements subis. Sans ses parents, dans la nuit aux abris…L’humiliation lui avait certainement ôtée cette confiance en elle, malgré son âme de battante . Suite à une erreur médicale, elle nous a quittées le 27 Novembre 2021.
Je vous serais éternellement reconnaissante de cet honneur que vous lui faites comme à tous ceux qui a ses côtés sont morts pour que la France rayonne .
Dans ce devoir de mémoire vive , je suis membre de la FNDIRP comme l’ont été ma grand-mère et ma mère .
Mes filles sont également admiratives de la réalisation de vos œuvres .
Bien sûr, je le rendrais à l’exposition de Malakoff entre le 11 et le 15 Mars.
À toutes fins utiles, je vous joins mon numéro de téléphone et adresse mail:
Sabrina Couderc-Jacob
Tel:0770376688
sacouderc.snpnc@gmail.com
Merci beaucoup pour ces nouvelles informations que mon mari, qui gère le site, vient d’ajouter à la notice de votre grand-père. Très cordialement
Claudine Cardon-Hamet. Je vous envoie un mail également.