René Rigaud : né en 1914 à Paris (14è) ; domicilié à Clichy-la-Garenne (Seine) ; agent hospitalier ; communiste ; arrêté en septembre 1939, condamné à 15 mois de prison ; arrêté à nouveau le 25 octobre 1940 (Santé, Fresnes, Poissy) ; interné aux camps de Voves et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 22 septembre 1942.

René Rigaud est né le 27 janvier 1914 à Paris (14è).
Il est domicilié au 39, rue du Bac d’Asnières à Cichy-la-Garenne (Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Renée, Marie Cochet, 29 ans, couturière et de Jean Rigaud, 28 ans, livreur, son époux.
Ses parents habitent au 4, rue Réaumur à Paris 3è. Il est pendant une période domicilié au 3, rue Charles Robin à Paris 10è.
Il vient par la suite habiter dans le quartier du Bac d’Asnières à Clichy.
Il est célibataire et travaille comme hospitalier, (infirmier, peut-être au nouvel Hôpital Beaujon ouvert en mars 1935 à  Clichy-la-Garenne ou à l’hôpital du Perpétuel secours à Levallois, nettement plus proche de son domicile).
Le 13 septembre 1939, plusieurs journaux (Paris et province) font état de l’arrestation et de la condamnation la veille à de lourdes peines de prison de militants communistes « distributeurs de tracts faisant l’apologie du Pacte Germano-soviétique ». Ces peines de prison pour distributions de tracts vont précéder l’interdiction du Parti communiste le 26 septembre.

Le Temps, 7 septembre 1939

Parmi les 11 condamnés par la 12ème chambre correctionnelle de Paris figure « René Rigaud, infirmier » (Le Temps). D’autres éditions (Le Matin, l’Action Française) mentionnent « René Rigaud, infirmier en disponibilité« . Celui-ci est condamné à 15 mois de prison et 1000 F d’amende.

Des condamnations beaucoup moins lourdes sont prononcées aux mêmes dates dans le Nord (19 inculpés dont un député et trois maires). S’il s’agit bien du même militant, la question se pose alors de savoir s’il a été écroué (et s’il s’est évadé lors du transfert des prisons parisiennes à l’arrivée des Allemands) ou s’il a été envoyé dans un bataillon disciplinaire.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

René Rigaud est arrêté le 24 octobre 1940 à Clichy pour « propagande communiste » (Infractions aux décrets  des 24-8-39, 27-8-39 et 28-7-39). Il est écroué le 25 octobre 1940 à la Santé, puis transféré à la maison d’arrêt de Fresnes le 16 décembre, puis à celle de Poissy.  Transféré au Dépôt de la Préfecture, il fait partie d’un groupe de 60 militants « détenus par les Renseignements généraux » qui est transféré  le 16 avril 1942, à 5 h 35, de la permanence du dépôt au camp de Voves (Eure-et-Loir), convoyé par les gendarmes de la 61èmebrigade. Ce camp (le Frontstalag n° 202 en 1940 et 1941) était devenu le 5 janvier 1942 le Centre de séjour surveillé n° 15.
René Rigaud a le n° de dossier « 72.426 ».
Lire dans le site : Le camp de Voves

Registre du camp de Voves, 16 avril 1942 (montage © Pierre Cardon)

Dans deux courriers en date des 6 et 9 mai 1942, le chef de la Verwaltungsgruppe de la Feldkommandantur d’Orléans envoie au Préfet de Chartres deux listes d’internés communistes du camp de Voves à transférer au camp d’internement de Compiègne à la demande du commandement militaire en France.
René Rigaud figure sur la première liste. Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Le directeur du camp a fait supprimer toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ». La prise en charge par les gendarmes allemands s’est effectuée le 10 mai 1942 à 10 h 30 à la gare de Voves. Il poursuit : « Cette ponction a produit chez les internés présents un gros effet moral, ces derniers ne cachent pas que tôt ou tard ce sera leur tour. Toutefois il est à remarquer qu’ils conservent une énergie et une conviction extraordinaire en ce sens que demain la victoire sera pour eux ». Il indique que « ceux qui restèrent se mirent à chanter la «Marseillaise» et la reprirent à trois reprises ». Le directeur du camp a fait supprimer auparavant toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ».
René Rigaud est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le 10 mai avec 80 autres détenus, en vue de sa déportation comme otage. A Compiègne, il reçoit le matricule « 5756 ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, René Rigaud est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d‘Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

René Rigaud est immatriculé à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro «46 058 ?» inscrit dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Le numéro matricule de ce déporté dont nous possédons la photo prise à l’immatriculation le 8 juillet, quoique plausible (ordre alphabétique et visage du déporté qui correspond à l’âge de René Rigaud), ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Seule la reconnaissance, par un membre de sa famille ou ami de la photo d’immatriculation publiée au début de cette notice biographique pourrait désormais en
fournir la preuve
.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

René Rigaud meurt à Auschwitz le 22 septembre 1942 selon les registres du camp.

Sources

  • Division des Archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC) Archives de Caen du ministère de la Défense).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Recensement de Clichy en 1936

Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016,  2019 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers.  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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