André Labuxière : né en mars 1922 à Clichy-la-Garenne (Seine) ; domicilié à Gennevilliers (Seine) ; typographe ; communiste ; arrêté le 1er septembre 1940, condamné à 6 mois de prison avec sursis ; arrêté le 21 juin 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 17 octobre 1942.
André Labuxière est né le 19 mars 1922 à Clichy-la-Garenne (ancien département de la Seine, aujourd’hui Hauts-de-Seine). Il habite, au moment de son arrestation, au 33, rue de la Couture d’Auxerre à Gennevilliers (Seine / Hauts-de-Seine).
Il travaille comme typographe. Il est secrétaire de la section des Jeunesses communistes de Gennevilliers en 1938-1939, elle est adhérente aux « Jeunes filles de France ».
Entré dans l’action clandestine après l’interdiction en septembre 1939 des organisations communistes, André sert d’agent de liaison entre les groupes des Jeunes communistes d’Asnières, Gennevilliers et Bois-Colombes.
Le 6 avril 1940, il épouse Eugénie (dite Nini), Léonie Lucain, née à Paris 8è, le 15 juillet 1921 (1). Le couple n’a pas d’enfants.
Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe. Dans la nuit du 14 au 15 juin, de nombreuses troupes allemandes arrivent à Nanterre et Colombes.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Typographe, « il confectionnait des papillons au contenu anti-pétainiste, qu’ils collaient avec Nini notamment sur des poteaux électriques ».
Extrait de l’hommage rendu le 18 février 2015 par Patrice Leclerc, Maire de Gennevilliers, aux obsèques de « Nini ». « Au début de l’été 1940, ils furent réunis par Maurice Simondin, résistant décoré de la Croix de guerre, dans un parc de l’avenue du Vieux-Chemin de Saint-Denis ; c’est Louis Calmel déjà clandestin qui présidait cette réunion. Ils ont décidé de distribuer des tracts édités par le Parti communiste. Ils étaient alors une quinzaine à les distribuer à la volée sur les marchés. Ils étaient à vélo et au passage, ils lançaient les tracts en l’air. Le premier dimanche de septembre 1940, ils ont décidé d’aller distribuer à Garches, c’était un clin d’œil à la Fête de l’Humanité qui s’y tenait avant-guerre. Ils ont été filés par la police et cernés par elle. Ils s’étaient
délestés du paquet de tracts, en le posant sur un muret, mais ceux qui ont été trouvés dans les poches de plusieurs d’entre eux, les ont trahi. Il y eut six arrestations, dont celle d’André Labuxière« .
Le premier septembre 1940, il est arrêté à Versailles (dans le département de la Seine-et-Oise et aujourd’hui dans celui des Yvelines) où il participe à une distribution de tracts. Emmené à la prison Saint-Pierre à Versailles, il est condamné à 6 mois de prison avec sursis.
Il est libéré, mais il est désormais sur les listes des suspects communistes.
« Le 30 décembre 1940, son épouse est arrêtée une seconde fois dans les rues de Gennevilliers », en compagnie d’autres camarades alors qu’ils
allaient peindre des slogans sur les pavés. Avec tous les militants de plus de 18 ans, elle sera incarcérée à la Prison pour femme de la Roquette et à la
Santé pour les hommes ; les hommes, eux, seront dirigés sur Fresnes. A La Roquette, elle y retrouvera des gennevilloises Adèle Ribon, Lalie Nicolas et
Camille Cartier » (Patrice Leclerc).
André Labuxière est de nouveau arrêté le 26 juin 1941à son domicile par les Allemands. Nini sera libérée le 1er juillet 1941. Elle ne reverra plus son mari (1).
La liste des Renseignements généraux répertoriant les communistes internés administrativement le 26 juin 1941, mentionne pour André Labuxière : «Meneur particulièrement actif».
Cette arrestation a lieu dans le cadre d’une grande rafle concernant les milieux syndicaux et communistes. En effet, le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (ici l’Hôtel Matignon), ils sont envoyés en vue de leur déportation comme otages, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), le Frontstalag 122 administré par la Wehrmacht.
Le 8 décembre 1941, en réponse aux demandes du Haut commandement
militaire dans le but de former un convoi de 500 personnes vers l’Est, les Felkommandanturen établissent des listes d’otages « déportables » vers l’Est et les transmettent au Frontstalag 122 à Compègne. Les jeunes communistes, «seront dirigés par la police de Sécurité vers un camp de concentration, situé à l’intérieur de l’Allemagne».
Le nom d’André Labuxière est le premier d’une liste de 131 noms de jeunes communistes déjà internés à Compiègne, nés entre 1912 et 1922.
51 d’entre eux seront déportés à Auschwitz.
A Compiègne, il reçoit le matricule « 258 ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, André Labuxière est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
A Auschwitz, il reçoit le matricule « 45 708 ». Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
A Auschwitz, il est affecté au Block 18 A, et au kommando de travail DAW. (menuiserie). Un de ses camarades témoigne de son affaiblissement rapide. « Nous avons fait l’impossible pour le sauver, mais son état d’affaiblissement et d’amaigrissement était tel que, malgré tous nos efforts, nous n’avons pu l’arracher à la mort ».
Une liste du convoi, établie par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz, mentionne sa mort au 17 octobre 1942. La date de décès officielle fixée par l’état civil français est celle du 8 février 1943.
Le 6 juillet 1946, la « Voix populaire » de Gennevilliers rend hommage aux 11 communistes déportés quatre ans plus tôt dans « le convoi maudit » vers Auschwitz.
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué ainsi que la mention « Mort pour la France ».
Une rue de Gennevilliers honore son souvenir (La rue André Labuxière est située aux Agnettes entre les rues Châteaubriant et Julien Mocquard).
Sa veuve a reçu, le 23 mai 1946, l’insigne spécial (créé par la Loi du 30 avril 1946) rappelant son sacrifice.
- Note 1 : La libération une fois effective, « Nini » tente de revoir tous ceux qui ont été
arrêtés avec elle. Mais très vite Nini se rend compte que la situation est
devenue difficile dans la zone d’occupation, elle décide alors de partir chez
un oncle qui se trouve en zone libre à Châteauroux. Elle rentrera en 1944 et
n’apprendra la mort de son mari qu’une fois les déportés revenus. C’est un
déporté qui était avec son mari qui lui apprendra la terrible nouvelle. Elle
deviendra une militante de la FNDIRP, développant de multiples activités de
mémoire et de vigilance. Elle épousera le 21 juillet 1951 – en seconde noces – Raymond Langlois, dit « Nono », qui sera Conseiller municipal de 1953 à 1977 auprès de Waldeck Lhuillier. Nini est décédée en février 2015.
Sources
- Archives de Gennevilliers (Liste de déportés, noms de rues, biographies).
- Photo d’André Labuxière, envoi de Nini Langlois
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC) Ministère de la Défense, Caen.
- Liste des Jeunes communistes déplorables : CDJC IV-198
- Liste – incomplète – par matricules des déportés du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen).
- Archives de la Préfecture de police de Paris. Renseignements généraux, Liste des militants communistes internés le 26 juin 1941.
Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016, 2019 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com