in l’Union de Reims 5 février 1946
André Crépin : né en 1906 à Châlons-sur-Marne : il habite Reims au moment de son arrestation ; ouvrier caviste chez Heidsieck ; communiste ; rédacteur en chef du journal "La Champagne ouvrière et paysanne"; arrêté le 27 septembre 1941 ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 19 septembre 1942.

André, Marcel Crépin est né le 7 mai 1906 à Châlons-sur-Marne.
Il est domicilié 40 ou 42, parc de Vesle à Reims (quartier du Parc de Vesle) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Hortense, Eugénie Maintrain, née Reims le 25 avril 1883 et d’Henri, Camille, Crépin, son époux, né à Vésigneul-sur-Marne le 27 août 1877.
Il travaille comme représentant de commerce, puis comme ouvrier caviste.

Le 4 mai 1929 à Aulnay-l’Aitre (Marne), André Crépin,  épouse Léa Engel, née dans cette commune le 18 août 1910. Ils n’y habitent pas en 1931.
Le couple aura sept enfants (2) : Yvonne, née le 5 septembre 1930, Éliane, née le 18 avril 1932, Jeannine, née le 22 juin 1933 épouse Mansouri, Hélène, née le 21 mai 1935, Christiane, né le 13 mai 1936, Daniel, né le 27 juillet 1938, et Roger, né le 4 juin 1940.
Il est employé comme ouvrier caviste chez Heidsieck-Monopole, rue Coquebert à Reims.
Membre du parti Communiste depuis 1936, il est rédacteur en chef du journal « La Champagne ouvrière et paysanne« , bi-mensuel fondé en 1937. Dans ses articles de politique étrangère, il combat la politique de non-intervention de la Grande-Bretagne et de la France dans la Guerre d’Espagne.
Il se prononce pour une politique de fermeté face à la menace fasciste en Europe et combat l’esprit de capitulation qui l’emporte en 1938 avec les accords de Munich.

Adolf Hitler à la cathédrale de Reims, le 26 juin 1940 (© journal L’Union).

En 1940, l’évacuation de Reims est décrétée par les autorités militaires françaises le 19 mai devant l’avancée allemande. Le 11 juin 1940 des éléments de la 45è division d’infanterie allemande entrent à Reims. Le 14 juin, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

René Bousquet et Carl Oberg, Obergruppenführer, chef de la SS et de la Police pour la France

Dès septembre 1940, le Préfet René Bousquet fait établir par commune, des listes de “communistes notoires” et effectue des enquêtes dans les entreprises. Ainsi, en décembre 1940, 200 militants sont identifiés et photographiés dans une trentaine de communes du département. Au lendemain de l’invasion de l’Union soviétique, il donne des instructions très précises pour la surveillance des « menées communistes ». En septembre 1941, avec l’institution de la « politique des otages », les autorités allemandes se font remettre les notices individuelles des communistes arrêtés et incarcérés par la police française.

Lire l’article du site : Le rôle de René Bousquet dans la déportation des « 45.000 » de la Marne

La Champagne ouvrière et paysanne du 15 janvier 1941

Après l’Armistice, André Crépin est chargé par le Comité central du  de la réorganisation dans le département du Parti communiste devenu clandestin, et fait paraître les premiers numéros clandestins de « La Champagne Ouvrière et paysanne« .
Il est aidé dans cette tâche par Marcel Chatton, lui aussi employé caviste chez Heidsieck.
« Il assurait l’impression de tracts et des premiers numéros de la feuille communiste clandestine, «La Champagne ouvrière», dans sa maison isolée du quartier de la Cerisaie à Reims. Dès le printemps 1941, la police française signalait au préfet Bousquet, très engagé dans la répression anti-communiste la diffusion dans les maisons de champagne d’un tract ayant pour titre « Réintégrons nos syndicats », et signé « Les militants restés fidèles à l’esprit de 1936 ». L’enquête menée par des inspecteurs de la 12e Brigade de police judiciaire de Reims fit apparaître que ce tract avait été tapé sur la même machine à écrire que « La Champagne ouvrière » et elle remonta jusqu’à Chatton.
Le 19 septembre 1941, en vertu d’une réquisition du préfet Bousquet, le chef de la Sûreté du commissariat central de Reims, muni d’un mandat d’arrêt, procéda à une perquisition au domicile de Chatton. Au cours de cette perquisition furent découverts un tract intitulé «Brisons l’arme de l’antisémitisme », signé « Le Parti communiste français-SFIC », et une feuille vierge portant en entête la mention imprimée « Comité départemental du Front national de lutte pour l’indépendance de la France – Liste de souscription ». Marcel Chatton fut immédiatement arrêté sur son lieu de travail dans les caves Heidsieck, et inculpé d’activité communiste en vertu du décret-loi du 26 septembre 1939 et de complicité avec un autre caviste de la maison Heidsieck, André Crépin, en fuite
» (in Le Maitron, notice de Jocelyne et Jean-Paul Husson).
Traqué par la police française, André Crépin passe dans l’Aube, et il y devient le responsable du PCF clandestin au niveau départemental, sous la direction de Michel Sicre (1).

André Crépin est arrêté le 27 septembre 1941 à Troyes et détenu à la prison de Reims le 4 octobre 1941.
Il est déféré le 17 décembre 1941 devant le tribunal militaire allemand de la Feldkommandantur 531 de Châlons-sur-Marne avec Marcel Chatton et deux autres prévenus travaillant également chez Heidsieck, Georges Dardenne et Edouard Quentin, arrêtés le 6 novembre 1941 sur dénonciation d’un membre de la Ligue française (parti collaborationniste).
Malgré le témoignage du directeur de l’entreprise qui dit n’avoir jamais vu de tracts communistes chez Heidsieck, Georges Dardenne et Edouard Quentin sont condamnés aux travaux forcés à perpétuité (ils seront fusillés quelques mois après).
Marcel Chatton est condamné à mort.

André Crépin est gracié, sans doute parce qu’il est père de sept enfants. Mais les autorités allemandes l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne, le Frontstalag 122 (où il aurait reçu le matricule « 2422 »), le 13 janvier 1942, en vue de sa déportation comme otage (paragraphe rédigé à partir des notices du Maitron concernant Marcel Chatton, Georges Dardenne,  Edouard Quentin et André Crépin).
Plusieurs membres de son groupe ont été fusillés (Marcel Chatton, le 23 décembre 1941, Georges Dardenne et Edouard Quentin le 13 janvier 1942). Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles du site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et«une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, André Crépin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date

André Crépin meurt à Auschwitz-Birkenau le 19 septembre 1942 selon les registres du camp.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

Son épouse Léa apprend le décès de son mari par un jeune déporté, seul rescapé des rémois du convoi. Il s’agit de Guy Lecrux.
Ci-contre la lettre datée du 7 juin 1945 qu’elle envoie à des amis pour leur apprendre la terrible nouvelle. Cette lettre le nous été transmise par M. Eric Bougrat, qui la tient, via sa mère, de la destinataire, sa grand-mère maternelle, amie de la famille Crépin. Je le remercie vivement pour son envoi.

Lettre de Léa Crépin recto

Le 15 juin 1945, Guy Lecrux atteste qu’André Crépin est 

Lettre de Léa Crépin, verso

« entré à l’infirmerie fin septembre 1942 avec la dysenterie et les jambes enflées. Quelques jours après, l’hôpital fut vidé de ses occupants et ceux-ci conduits à la chambre à gaz (…). Le 3 mars 1943, nous savions par nos camarades allemands travaillant au secrétariat qu’il restait 144 Français vivants au camp et qu’aucun n’était parti en transport. M. Crépin n’était pas parmi les survivants ».

Le 13 mars 1946, André Montagne, rescapé Caennais, qui a été affecté à l’infirmerie, signe une attestation dans laquelle il certifie qu’André Crépin a «été envoyé à la chambre à gaz fin septembre 1942 après un court séjour à l’infirmerie où il avait été admis, malade».

« l’Union » du 5 novembre 1946

Plusieurs hommages ont été rendus à André Crépin, dont celui du journal « l’Union » du 5 novembre 1946, dont son camarade Michel Sicre, élu maire de Reims en 1945, était le directeur. 

« Les Héros de la RésistanceAndré Crépin était né le 7 mai 1906 à Châlons-sur-Marne. De bonne heure, ce fut un militant communiste dont la valeur combative n’était égalée que par la grande modestie qu’il mettait en toutes choses. Avant la guerre, pas à pas, par la force de son travail patient, il était devenu un dirigeant expérimenté. Il était rédacteur en chef de « La Champagne » et s’occupait spécialement des questions de politique étrangère, à l’exemple du grand Gabriel Péri. Il mena une lutte tenace contre I’esprit munichois, les capitulations successives des gouvernements de renoncement et contre la non-intervention en Espagne.
Dès 1940, André Crépin était chargé par le Comité central du PCF de réorganiser le Parti dans la Marne et d’entamer le combat contre l’envahisseur et ses complices de Vichy. Il fit paraître Ies premiers numéros de « La Champagne » clandestine, mais découvert, traqué par la police, il dut partir pour l’Aube où il continua son travail comme secrétaire fédéral sous la direction de Michel Sicre.
Le 27 septembre 1941, iI était arrêté à Troyes, ramené à Reims, où il demeura emprisonné de jusqu’à la fin de janvier 1942. De Reims les boches l’emmenèrent à Compiègne. Puis le 6 juillet, il était déporté en Allemagne. Les hommes de la trempe d’André Crépin étaient destinés à l’extermination ; les nazis leur avaient voué une haine mortelle et ce magnifique Résistant ne devait pas revenir. Sept enfants et
 
leur mère te pleurent. André Crépin est mort pour la France en héros… en martyr».

Une plaque commémorative est apposée par la municipalité de Reims en 1947 à son domicile (aujourd’hui, 24 rue Louis Pichon). Cette plaque se trouve aujourd’hui au Square des victimes de la Gestapo, rue Jeanne d’Arc, à l’emplacement où se trouvait la Gestapo à Reims. Marcel Crepin est homologué dans la Résistance comme FFI-FTPF.

Lettre de sa fille Jeanine à Madeleine Odru

Une des filles du couple Crépin, Madame Jeanine Mansouri, née en 1933, a adressée une lettre à Madeleine Odru, rescapée du convoi des 31.000, à la suite d’un article paru dans le Parisien de Seine-Saint-Denis, en 2001 pour la remercier de cet article.
Elle lui parle de son « papa qui est mort aux fours crématoires d’Auschwitz, en laissant une femme et 7 enfants« .

Plaque à son domicile

Une plaque est apposée à son ancien domicile. Son nom est gravé sur une stèle dans la Salle de réunion de la Bourse du Travail, 13 boulevard de la Paix – « A la mémoire de nos camarades tombés

Bourse du travail de Reims

dans la lutte pour la liberté victimes de la barbarie nazie. » Son nom est également gravé sur le monument aux morts et de la Déportation de Reims

  • Note 1 : Michel Sicre,  machiniste à la TCRP, puis vigneron ; syndicaliste CGT et militant communiste ; responsabledu Front national, résistant FTPF et président du comité départemental de Libération de la Marne ; maire de Reims (1945-1947) (Le Maitron).
  • Note 2 : En décembre 1942, Léa Crépin reçoit le prix Cognac-Jay, décerné aux familles nombreuses.

Sources

  • Communication de Mme Simone Lecrux, veuve de Guy Lecrux, résistante, déportée à Ravensbrück (30 janvier 1981) ;
  • Recensement par André Aubert des déportés marnais non rentrés ;
  • Extrait du journal « l’Union » (Reims) avec photo (5 février 1946).
  • Communication de Mme Jocelyne Husson, professeur d’histoire à Reims (Juin 1990). PENSPO (OP.cit) ;
  • Jean Maitron, Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier, tome 23, page 333 ; et notices dJocelyne et Jean-Paul Husson.
  • Les Livres des morts d’Auschwitz ;
  • Fichier national des déplacés de la Seconde guerre mondiale (archives des ACVG).
  • Lettre de Léa Lecrux à ses amis. Envoi de M. Eric Bougrat.
  • La Champagne ouvrière et paysanne, 15 janvier 1941, in BNF Gallica.
  • Lettre d’une des filles d’André Crépin, madame Jeanine Mansouri à Madeleine Odru.
  • Dessin © Jérôme Beunier, in « Reims souviens-toi« . Plaquette réalisée dans le cadre d’un PAE par 27 élèves des classes de
    troisièmes B et C (année scolaire 1984-1985) du Collège St Rémi de Reims.

Notice biographique (mise à jour en 2016, 2018, 2019, 2021 et 2024) réalisée par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner les références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographie.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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