Matricule « 45 279 » à Auschwitz
Pierre Boudeaud : né en Vendée en 1899 ; domicilié à Epernay ; cheminot ; marié, 3 enfants; arrêté les 20 juillet et 10 août 1941 pour "activités communistes" ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il décède le 4 août 1942.
François, Constant, Pierre (prénom d’usage) Boudeaud est né le 17 décembre 1899 au domicile de ses parents aux (Les) Landes Génusson (Vendée).
Il habite au 22, rue des Berceaux à Epernay (Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Clémence Boudaud, 37 ans, ménagère et de Pierre Boudeaud, 43 ans, domestique son époux.
Au moment du conseil de révision, Pierre Boudeaud habite aux Landes Génusson, où il travaille comme domestique agricole. Son registre matricule militaire indique qu’il mesure 1m 57, a les cheveux châtain, les yeux bleus, le front bombé et le nez long, le visage ovale. Il a un niveau d’instruction n°2 pour l’armée (i.e. sait lire et écrire).
Conscrit de la classe 1919, Pierre Boudeaud est mobilisé par anticipation le 18 avril 1918, comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre, et il est incorporé le jour même au 65è régiment d’infanterie. Il est proposé pour un changement d’arme par la commission de réforme de Nantes le 27 avril 1918 pour « pieds plats, conformation impropre à l’infanterie ».
Il est affecté au 28è régiment d’artillerie de campagne le 16 mai 1918. Puis il est dirigé sur le 52è d’artillerie à Troyes. En mai
1919 il passe au 85è régiment d’artillerie lourde en occupation dans les pays rhénans. Le 11 mai 1919, il passe au 11è régiment d’artillerie à pied. En 1920 il est déclaré soutien indispensable de famille par le conseil cantonal (son père est décédé). Le 19 mai 1920, il est affecté au 106è régiment d’artillerie lourde. Il fera 10 jours supplémentaires en attendant sa date de libération qui intervient le 2 avril 1921 (certificat de bonne conduite accordé) il se se retire à Nantes au 65 rue Sadi-Carnot.
Le 11 novembre 1921, il est embauché aux Chemins de fer de l’Est.
Après avoir effectué une période 15 jours en mai 1921, convoqué en tant que réserviste aux 81è et 90è régiments d’artillerie lourde, il est « affecté spécial » le 6 juin 1922 pour la réserve de l’armée active comme manœuvre aux chemins de fer de l’Est.
Le 22 avril 1922, Pierre Boudeaud épouse Raymonde Lesage à la mairie d’Epernay. Elle est caviste, née le 1er avril 1902 à la Villa d’Aÿ (Marne). Le couple a trois enfants : Suzanne, née le 9 février 1923, Claudine, née le 17 octobre 1929, et Serge, né le 9 août 1931.
En juillet 1927 il est classé « affecté spécial » comme aide chaudronnier aux ateliers d’Epernay où il travaille. Puis dans la subdivision de Chalons-sur-Marne où il habite, rue des Sièges.
Militant communiste, il est agent d’exploitation à la SNCF. Conscrit de la classe 1919, père de 3 enfants (ramené de ce fait à la classe 1913), il est peut-être brièvement mobilisé lors de la déclaration de guerre en 1939 (son registre matricule militaire ne le précise pas).
En 1940, les combats se rapprochant, l’évacuation de Reims est décrétée par les autorités militaires françaises le 19 mai 1940.L’évacuation de Reims est décrétée par les autorités militaires françaises le 19 mai devant l’avancée allemande. Le 11 juin 1940 des éléments de la 45è division d’infanterie allemande entrent à Reims. Le 14 juin, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Dès septembre 1940, le Préfet de la Marne René Bousquet fait établir par commune, des listes de “communistes notoires” et effectue des enquêtes dans les entreprises. Ainsi, en décembre 1940, 200 militants sont identifiés et photographiés dans une trentaine de communes du département. Au lendemain de l’invasion de l’Union soviétique, il donne des instructions très précises pour la surveillance des « menées communistes ». En septembre 1941, avec l’institution de la « politique des otages », les autorités allemandes se font remettre les notices individuelles des communistes arrêtés et incarcérés par la police française.
Lire l’article du site : Le rôle de René Bousquet dans la déportation des « 45.000 » de la Marne
Le 5 août 1941, Pierre Boudeaud est suspendu de ses fonctions à la SNCF, « en prévention de révocation ».
Le 20 juillet 1941, Pierre Boudeaud est arrêté par des agents du commissariat de police d’Épernay. Le 11 août, le tribunal correctionnel de la ville le condamne à un an d’emprisonnement avec sursis et cent francs d’amende pour « activité communiste ». Il est relâché.
Pierre Boudeaud est arrêté le 10 août 1941, à Epernay (Marne) et remis aux autorités allemandes à leur demande : celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontsalag 122) avant le 18 août 41, en vue de sa déportation comme otage (il y reçoit le matricule « 1543 »).
Depuis le camp de Compiègne, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à leur déportation, voir les deux articles du blog : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et«une déportation d’otages.
Depuis le camp de Compiègne, Pierre Boudeaud est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est immatriculé à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 279 ».
Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Pierre Boudeaud meurt à Auschwitz le 4 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Il est homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
Son nom (François Boudeaud) est honoré sur la stèle des agents SNCF tués par fait de guerre (anciennement Cour des Ateliers SNCF – quai de Marne, transférée sur le site des TER, boulevard Joffre en 2011) et il est également gravé sur le monument aux morts et de la Déportation de Reims.
- Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Recensement par André Aubert des déportés marnais non rentrés.
- Archives en ligne de la Marne. Mariages.
- Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC ex BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
- Correspondance avec Madame Jocelyne Husson, professeur agrégée d’Histoire au Lycée Clémenceau de Reims (19 juin 1990), auteure de recherches sur la Déportation, dont son ouvrage « La déportation des Juifs de la Marne » (PUF).
- Les Livres des morts d’Auschwitz.
- Archives en ligne de Vendée, état civil et registre matricule militaire.
- Dessin© Jérôme Beunier, in « Reims souviens-toi« . Plaquette réalisée dans le cadre d’un PAE par 27 élèves des classes de
troisièmes B et C (année scolaire 1984-1985) du Collège Saint-Rémi de Reims.
Notice biographique (complétée en 2015, 2018, 2021 et 2024) réalisée à l’occasion de la conférence donnée au CRDP de Reims sous l’égide de l’AFMD de la Marne en décembre 2002, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner les références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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