Matricule « 45 376 » à Auschwitz
Roger Clément, né en 1913 à Dhuizon (Loir-et-Cher), où il habite au moment de son arrestation ; charron, agriculteur ; communiste ; arrêté le 29 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté à Auschwitz le 6 juillet 1942, où il meurt le 22 août 1942
Roger, Bernard, Clément est né le 8 décembre 1913 à Dhuizon (Loir-et-Cher), où il habite au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Ernestine Balnot, 25 ans, ménagère et de son époux, Arthur Clément, 43 ans, journalier.
Roger Clément est charron (selon l’ADIRP 41 et le DAVCC), ou agriculteur (Landwirt, mention portée sur sa fiche Auschwitz au moment de l’interrogatoire du 8 juillet 1942).
Roger Clément épouse Germaine Paulette Goubeau à Dhuizon, le 28 juin 1937. Agée de 21 ans, elle est née le 8 février 1916 à Dhuizon.
Il a un frère Moïse, né le 24 novembre 1907 à Dhuizon (il est décédé en 2002) et une sœur. Selon celle-ci, Madame Danard, il est membre du Parti communiste. Il figurera d’ailleurs sur la liste de recensement (décembre 1941) des jeunes communistes du camp de Compiègne nés entre 1912 et 1922 « aptes à être déportés à l’Est ».
Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Les 15 et 16 juin 1940, bombardements allemands sur Montrichard, Blois et Vendôme. Le 22 juin, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 1er juillet, elle passe par le département du Loir-et-Cher en suivant le cours du Cher, de Châtres jusqu’à Chissay (à l’exception de Selles-sur-Cher qui demeure en zone occupée). Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Pendant l’Occupation, Roger Clément est arrêté le 22 juin 1941 par la police française (peut-être après une distribution de tracts), dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom « d’Aktion Theoderich », les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.
Dans un courrier en date du 2 juillet 1941 qu’il adresse au Préfet Ingrand, délégué du ministère de l’Intérieur dans les territoires occupés, le Préfet du Loiret accuse réception de la circulaire PN n° 79 en date du 25 juillet 1941 et l’informe que « les autorités allemandes ont arrêté le 22 juin dernier les individus… Courtat Fernand, né en 1894 à Gien, mécanicien domicilié à Montargis (il a été présenté par le Parti communiste au conseil d’arrondissement de Chatillon en 1937 (notice Maitron), Rebeche Paul, né en 1879, retraité (secrétaire de l’Union régionale CGT, présenté à plusieurs reprises par le Parti communiste aux élections cantonales, tête de liste aux municipales à Orléans (Cf fiche du Maitron), NOURRY Gustave et GAGET Henri, François (qui seront tous les deux déportés par la suite à Auschwitz dans le même convoi).
Le Préfet ajoute : « la Feldkommandantur m’a informé qu’elle avait également procédé à l’arrestation du sieur Clément de Dhuision (CLEMENT ROGER, Le Préfet termine par « tous ces communistes ont été incarcérés à la prison d’Orléans ».
Roger Clément figure également sur la liste de recensement (décembre 1941) des jeunes communistes du camp de Compiègne nés entre 1912 et 1922 « aptes à être déportés à l’Est », en application de l’avis du 14 décembre 1941 du commandant militaire en France, Otto von Stülpnagel (archives du CDJC IV 198). Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à leur déportation, lire dans le site «une déportation d’otages». Dans une lettre jetée sur le ballast le 6 juillet 1942, Henri Gaget demande à sa famille de donner des nouvelles aux proches de certains de ses camarades qui sont dans le même wagon que lui, dont Roger Clément : « à sa femme, Paulette Clément à Dhuizon (Loir-et-Cher) ».
Roger Clément est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 ».
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45376 ».
Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Roger Clément meurt à Auschwitz – Birkenau le 22 août 1942 (date inscrite dans les registres du camp et transcrite à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 2, page 180).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Son état civil porte néanmoins toujours la mention «décédé en décembre 1942 à Birkenau. (Pologne). L’arrêté ministériel du 19 octobre 1987 appose la mention «Mort en déportation» sur son acte de décès (Journal Officiel du 17 décembre 1987) mais ne tient pas compte de l’avis de décès reporté sur sa fiche individuelle au DAVCC : «Mort à Auschwitz le 22 août 1942». Il est censé être mort du typhus (Fleckfieber).
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Son nom est honoré sur le monument aux morts de Dhuizon, dans le cimetière communal.
Grâce aux archives de la famille d’Henri Gaget qui nous ont été transmises par Mme Muriel Ugon en janvier 2017, nous avons connaissance de 2 lettres envoyées à la mère de celui-ci par madame Paulette Clément à propos de la déportation de son mari. Le 4 août 1942, elle remercie madame Gaget de lui avoir appris que son mari était déporté vers l’Est, dans le même wagon que son fils Henri (lettre jetée par Henri depuis le train le 6 juillet 1942). Elle n’avait pas eu de nouvelles depuis le 12 juin. « Ce qui me chagrine le plus c’est de ne pas pouvoir lui envoyer de colis. Ils vont être longtemps avant d’avoir des colis, les pauvres (…) vous seriez bien gentille de me donner des nouvelles sitôt que vous en aurez et moi de mon côté j’en ferais de même. Ayez donc courage et confiance ». Le 18 août 1943, elle informe madame Gaget qu’elle a appris par une dame d’Orléans, qu’on pouvait envoyer des messages aux déportés partis de Compiègne par la Croix Rouge, « pas plus de quarante mots ». « Qu’ils vont être heureux les pauvres, s’ils peuvent recevoir ces quelques lignes ». « Je vous dis courage madame, et espérons que nous reverrons bientôt fils et maris ».
Elle lui joint des instructions concrètes à envoyer à M. Bornand, et le texte qu’elle a envoyé à la Croix Rouge, pour exemple. « Cher petit Roger. Je t’espère en bonne santé. Je t’envoie toutes mes pensées. Je suis en bonne santé ainsi que toute la famille. Je t’embrasse bien fort. Paulette »
Sources
- Liste ADIRP de Blois (M. Georges Lacade), 1977.
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consultée en avril 1992).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau indiquant généralement la date de décès au camp.
- © Site Site Internet Mémorial-GenWeb
- © Site www.mortsdanslescamps.com
- Lettre jetée du train, le 6 juillet 1942 par Henri Gaget. Envoi de Mme Muriel Ugon, sa nièce (2016).
- Lettre de Paulette Clément à Mme Gaget ( 2017).
- lettre du Préfet du Loiret au Préfet Ingrand, envoi (janvier 2024) de madame Muriel Ugon, nièce de Henri Gaget
Notice biographique (complétée en 2016, 2017, 2021 et 2024) rédigée en février 2011 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 » », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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