Matricule « 45 157 » à Auschwitz    Rescapé

Roger Abada en 1939
Roger Abada : né en 1920 à Nice (Alpes-Maritimes) ; domicilié à Moulins (Allier) ; électricien, enseignant au centre Suzanne Masson après guerre ; communiste ; résistant ; arrêté le 4 juillet 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Nordhausen, Dora, Rescapé. Décédé le l4 septembre 1987.

Roger Abada est né le 22 décembre 1920 à Nice (Alpes-Maritimes).

Roger Abada, peu avant son décès en 1980

Il habite au 8, rue des Couteliers à Moulins (Allier) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Thérèse Heitzler, couturière, née  le 27 octobre 1901 à Nice (décédée en 1973) et d’Adrien Abada, né le 22 septembre 1893 à Nice, employé d’administration.

Ses parents, se sont mariés à Nice le 3 juin 1920, et habitent au 4, rue Defly à Nice). A la rubrique profession du registre matricule militaire de son père, on trouve la mention « ecclésiastique » (sans doute pasteur) en Hollande. Après avoir été fait prisonnier et s’être marié, son père est affecté comme adjoint principal des services civils à  Berlin (1922), puis pour l’Afrique Occidentale Française à Dakar (1923) et au Soudan (1929). Il s’agit vraisemblablement d’affectations civiles comme aumonier aux armées.
De l’âge de deux ans à celui de dix ans, Roger Abada vit « dans les colonies« .
Il a un frère, Pierre (1922-1976) et un demi-frère, Robert Heitzler (1) (1924-1945).

Le Cri des travailleurs de Nice 28 juin 1938 .

Ses parents ont divorcé (son père se remarie en 1936). Sa mère se remarie le 7 décembre 1939 à Moulins avec Victor Denis. « J’ai été formé par mon beau-père » écrit Roger Abada.
Roger Abada travaille d’abord comme électricien, puis en 1940 aux établissements Bardet (industrie des machines à bois) à Moulins (Allier) où sa mère s’était installée vers 1935Il adhère aux Jeunesses communistes en avril 1936 et au Parti communiste en juin 1936.

Article du Cri des travailleurs  1938

Il adhère aux Jeunesses communistes en avril 1936 et au Parti communiste.
Il est également membre de Union des jeunesses Agricoles de France, organisation démocratique et antifasciste de la jeunesse rurale
.
Roger Abada écrit une série d’articles dans le cadre de l’UJAF (24 juillet 1937, janvier et juin 1938) dans le journal du PCF de Nice, « le Cri des travailleurs de Nice » et y fait également un compte rendu du congrès du neuvième congrès national de la Jeunesse communiste, auquel il a été délégué(24 juillet 1937), signé Roger.

Il est élu au Comité fédéral de la Jeunesse communiste des Basses-Alpes (Alpes-Maritimes). A cette époque, le journal donne une adresse : écrire à Roger Abada, Ecole Freinet à Vence.  

Articles pour l’UJAF dans  le Cri du travailleur de Nice 18 juillet 1937

En effet en 1938, le pédagogue Célestin Freinet, alors membre du Parti communiste, a ouvert avec le concours de ses jeunes élèves une « auberge de jeunesse » au sein de son école, dont celle-ci a pu « héberger des amis » sans qu’il ait été élève de l’Ecole.
Cette hypothèse est confirmée par Romain Maurel (ancien Résistant, maire de la commune de Belvédère (Alpes-Maritimes) lors de l’éloge funèbre rendu à Roger Abada : « Dans cette période, sa présence à l’école Freinet à Vence me permit de travailler avec lui aux côtés de Zézé Laurenti et Albert Belledi, tombés dans la Résistance« . « C’était l’équipe qui reconstitua en 1940 le Parti clandestin et tira les premiers tracts dans un vieux cabanon, pour appeler à continuer le combat ».

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.  Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Nice, troupes italiennes

L’Occupation italienne partielle des Alpes Maritimes est survenue avec l’accord d’armistice du 24 juin 1940 (la zone d’occupation italienne est réduite : 800 km2, 28 000 habitants dont les 3/4 à Menton, mais comprend tout de même l’essentiel des fortifications bâties par la France sur sa frontière alpine : la «Ligne Maginot alpine ». C’est le résultat d’un compromis voulu par Hitler et qu’a dû accepter Mussolini, puisque la France n’a pas été vaincue par l’Italie.

Roger Abada constitue avec ses camarades un groupe de résistance qui imprime et diffuse des tracts, exécute des sabotages. Des réfugiés antifascistes espagnols se joignent à ce groupe. « Puis ce fut le départ pour Moulins » poursuit Romain Maurel.
Roger Abada rejoint sa mère à Moulins au 8, rue des Couteliers, où elle s’était installée vers 1935.
A Moulins, il fait partie du Bureau fédéral clandestin de la Jeunesse Communiste de l’Allier.

Le 4 juillet 1941, Roger Abada est arrêté à son domicile par la police allemande. Les Allemands avaient arrêté son demi-frère, René Heitzler à sa place, lorsqu’ils s’étaient présentés une première fois à leur domicile. Ils sont tous deux enfermés à la prison de Moulins, la « Mal Coiffée ».
Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstallag 122), le 23 juillet 1941, en vue de sa déportation comme otage. 

Menu du Noël 1941 à Compiègne

Roger Abada est enregistré sous le matricule n° »1374″ à Compiègne.
Il est affecté au Bâtiment A4.  Son nom figure sur la liste des « jeunes communistes » destinés à être déportés en Allemagne en décembre 1941 ou janvier 1942, en application de l’avis du 14 décembre 1941 signé par Otto von Stülpnagel, commandant des troupes d’occupation allemandes et chef de l’administration militaire en France.

Roger Abada écrit à sa mère le 6 mai 1942. Il n’a pas reçu de lettres depuis le 2 avril. « cette absence de courrier me pèse. Je sais que cela ne vient pas de vous, mais qu’il doit y avoir des retards ici dans la distribution. Mais enfin, je voudrais bien savoir si vous vous portez bien, si tout va bien ». Son demi-frère René a été libéré. « René est à présent parmi vous. Son départ m’a fait plaisir, il le sait. Mais ce n’est qu’après que j’ai senti le vide causé par son absence. Nous nous soutenions un peu l’un l’autre. Il représentait pour moi la famille. De plus je l’aime bien. 

Lettre à sa mère, 6 mai 1942

Tu lui diras qu’après son départ j’ai changé de chambre. Je suis allé avec « Tom Pouce ». Je suis bien. L’atmosphère d’amitié règne« . Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles du site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942)  et «unedéportation d’otages».

Le 5 juin 1942, il prépare une lettre pour sa famille. Il la jettera sur le ballast, comme le feront des dizaines de ses camarades déportés. Cette lettre a été acheminée à bon port, malgré les dangers de représailles que cela représentait pour la personne qui ramassait la missive.
Lire dans le site : Lettres jetées du train.

Lettre du 5 juillet 1942

Il y écrit (extraits) : « Ce que nous pressentions depuis plusieurs jours s’est réalisé. Hier nous avons été triés. Je fais partie d’un convoi qui doit être déporté, sans doute en Allemagne. Nous partirons vraisemblablement demain, nous ne savons pas exactement où. 

Les autres copains de Moulins ne partent pas, peut-être même y en aura-t-il de libérés. Je pense qu’il est inutile de vous dire que j’ai un bon moral, ainsi que tous mes compagnons. Nous espérons bien revenir bientôt et nous partons avec le même moral que nous avions au camp. Il ne faut pas vous inquiéter pour moi. Je suis parmi de nombreux bons camarades et la fraternité et la solidarité ne sont pas des mots pour eux. Il faut donc seulement penser aux petits, au petit Roger, à vous. Faites  ce que vous pouvez pour aller à Belvédère rejoindre les grands parents. Faites des démarches pour que Pilar puisse vous rejoindre. Je serais tranquille de vous savoir là-bas ».

Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Roger Abada est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à Auschwitz, le 8 juillet 1942, sous le numéro matricule « 45 157« .
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a été pas retrouvée parmi les 522 photos que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Une page du carnet de Roger Abada : dès sa libération (camp de Dora), il avait noté les éléments marquants de sa déportation. Sur cette page particulièrement précieuse figurent quelques uns des noms des membres du groupe français de Résistance à Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Il est affecté au Block 22 du camp principal. Il travaille dans divers Kommandos (portage de matériaux de construction, serrurerie, garage des voitures SS).
Atteint par le typhus, il est admis à l’infirmerie entre septembre et décembre 1942.

A sa sortie, il met sur pied, avec l’aide d’Eugène Garnier et de Roger Pélissou, un groupe de solidarité au sein des survivants du convoi.

Roger Abada est alors contacté par Rudolf (Rudy) Friemel, communiste autrichien, un des dirigeants du Comité international de résistance, créé en août 1942 par des résistants autrichiens et allemands.  

Plusieurs articles de ce site relatent le rôle de Roger Abada au sein du groupe français de Résistance puis du Kampfgruppe à Auschwitz. Pour les lire : 

Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, Roger Abada est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des français survivants. Lire l’article  « les 45 000 au block 11 

Les martyrs : page du carnet écrit à Dora

Roger Abada est le responsable du groupe français du camp principal au sein du Comité international de résistance, puis du Kampfkruppe (« groupe de combat ») entre décembre 1942 et septembre 1944, fondé par plusieurs antifascistes allemands et autrichiens (Hermann Langbein, Rudy Friemel…).
Il était en contact avec ce dernier.

Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45.000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz.  Une trentaine de "45.000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945.

Le 7 septembre 1944, il fait partie des trente « 45 000«  transférés à Gross-Rosen (matricule 40 965) où il travaille dans un atelier de l’usine AEG.

Le 10 février 1945, il est évacué vers Nordhausen, sous la neige en wagons découverts.
Il note « 2 wagons de cadavres à l’arrivé ». Le camp est très dur et la nourriture très rare « 3 semaines sans pain ».
Le 3 avril il note que le camp est bombardé à 16 h. Le 4 avril, nouveau bombardement à 9 heures. Il note « fuite des internés après le bombardement. Recherches des SS, fusillades dans les bois« . Il les forcent à creuser leurs propres tombes. Les SS achèvent les malades à la mitraillette. Au cours d’un autre bombardement, le samedi 7 avril, Roger Abada, blessé, se cache dans une cave.

Le mercredi 11 avril 1945, à 12 h, des unités de la IIIe armée américaine libèrent le camp de Dora.
Lire dans le site , « les itinéraires suivis par les survivants ».

Mais son retour est retardé par un début de gangrène : il est soigné à Dora dans un hôpital militaire de campagne. 

Evacuation Gross Rosen, Nordhausen

A l’hôpital de Dora, il consigne dans un petit carnet les principales étapes de leur déportation, établit une liste des survivants, indique le nom de quelques responsables français assassinés aux Blocks 5 et 7 (Varenne Georges, Jahan Yves, Drouillas Emile, Bonnifet Roger), ainsi que les noms des dirigeants autrichiens du Kampfgruppe pendus en 1944 (Rudolf Friemel, Ludwig Vessely, Ernst Burger). Le dimanche 22 avril, il est conduit à l’aéroport de Nordhausen : il regagne la France par avion, départ 14 h 15 le mardi 24 avril, et commence sa convalescence au camp de Mourmelon, puis il arrive à 20 heures au centre d’accueil de Chalons-sur-Marne le mercredi 9 mai. Il regagne Paris le lendemain à 11 h 26.

Le 11 mai 1945 il arrive à Nice à 19 heures.
Le titre de « Déporté Résistant » lui a été attribué.

Membre de la cellule du Belvédère (un village du haut-pays niçois), Roger Abada est élu secrétaire fédéral du PCF des Alpes Maritimes. Dans les années 1950, il rédige un récit de son activité au sein du Comité international de résistance à Auschwitz pour le Musée d’Etat d’Auschwitz-Bikenau. Ce témoignage sera utilisé par les historiens du Musée dans leurs ouvrages sur Auschwitz.

Le 28 janvier 1950 il épouse Virginie Milési à Nice (06).
Son premier mariage ayant été dissous, il épouse Lucette Medigovitch le 30 juin 1961 à Paris (13ème). avec laquelle il vivait depuis sa séparation (elle est née en 1931, décédée en 2021 à Nice).

Il épouse Nicole, Claudine, Angèle Chiaramello le 28 avril 1964. Elle est née le 1er juillet 1942 à Nice. Le couple a deux enfants : Lionel né en 1965 et Valérie, née en 1967.

Il retourne à Auschwitz pour le tournage d’un film télévisé d’une émission de grand reportage, Cinq colonnes à la Une, consacrée à Auschwitz, qui paraît en 1967.

Cinq colonnes à la Une. Montage à partir document @ INA

En 1969, il est présent lors de l’enterrement de son camarade Eugène Garnier et lors de l’inauguration de la plaque à son nom (sur la photo en bleu ci dessous, il pose avec une délégation des françaises « le 31 000 », rescapées du convoi du 24 janvier 1943 à Auschwitz).

Il enseigne à Paris au Centre de rééducation pour travailleurs handicapés physiques (créé par l’USTM CGT), dont la mission dès 1937 est de « redonner la main aux ouvriers professionnels qui l’ont perdue pendant de longs mois de chômage. Permettre à nos camarades chômeurs qui sont manœuvres spécialisés de devenir professionnels et retrouver ainsi le chemin du travail ». Ce centre devient en 1950 le Centre Suzanne Masson, résistante décapitée à la hache à Hambourg en 1943.

Flers 1969, avec des « 31 000 », rescapées des camps,  pour l’enterrement d’Eugène Garnier

En 1979, peu après la projection à la télévision du film « Holocauste », Roger Abada envoie à l’amicale des anciens déportés d’Auschwitz un article intitulé «  réflexions au sujet d’Holocauste » qui paraît dans le n° 185 d’« Après Auschwitz », bulletin mensuel de l’amicale. Sur le même sujet et aux mêmes pages, sont publiés deux autres articles : l’un de Marie-Claude Vaillant-Couturier, l’autre de Ch. Gelbart (Matricule 26621).

Réflexions de Roger Abada au sujet «d’holocauste»

La récente projection d’ «Holocauste» a eu le grand mérite de montrer à des millions de téléspectateurs la monstrueuse entreprise de génocide commise par les nazis à l’encontre des populations d’origine juive en Europe et elle a permis ainsi de rompre le silence qui menaçait de s’étendre sur ces crimes contre l’humanité. On pourrait ajouter à l’extermination des Juifs celle des Tziganes ainsi que la répression sanglante contre les patriotes et les résistants des territoires occupés, mais ce n’était pas le sujet du film.
Je voudrais cependant faire à son propos certaines remarques dans le but d’étendre les réflexions suscitées par sa diffusion. D’abord, ces nazis, qui les avaient aidés à prendre le pouvoir, qui les avait soutenus ? Il est bon de rappeler que, dès 1922, des industriels et des financiers allemands subventionnaient le parti nazi. Parmi les bailleurs de fonds les plus connus, on peut citer : Borsig, fabricant de locomotives, Thyssen, des Aciéries Réunies, les établissements Daimler-Benz. On y trouve également par la suite, sous l’égide de Schacht et de Goering, des milieux financiers allemands mais aussi étrangers (tchécoslovaques, scandinaves, suisses…) ; on y trouve le dirigeant de la Shell, De-terding. Les fonds transitaient par la banque Mendelssohn d’Amsterdam, la Banque Commerciale Italienne et certains milieux financiers américains… 
Car ils avaient misé sur Hitler pour mater le peuple allemand avec un « pouvoir fort », comme plus tard le régime de Pétain misera sur Hitler et sera le premier pourvoyeur des convois de Juifs promis à l’extermination. Parmi les bénéficiaires du régime nazi, on retrouve les mêmes : Krupp et Thyssen pour les aciéries et l’industrie lourde ; I. G. Farben pour l’industrie chimique : Siemens pour l’industrie électrique, Heinkel pour l’aviation, etc. Leurs dirigeants étaient des notables du gouvernement et du parti nazi. Ils ont bénéficié ensuite de la main-d’œuvre bon marché des camps de concentration, utilisant le travail des déportés jusqu’à leur épuisement total. A Monowitz, où se trouvait l’usine Buna de l’I.G. Farben, on a construit le camp de Buna-Monowitz et à Gross-Rosen – où quelques rescapés du convoi des 45.000 furent transférés en octobre 1944 – c’est à l’intérieur même de l’enceinte du camp, à côté du four crématoire que s’était installé un atelier des établissements A. E. G. Ces faits méritent d’être rappelés alors que toutes ces entreprises sont aujourd’hui encore plus puissantes qu’hier, ce qui explique peut-être en partie pourquoi de nombreux criminels de guerre restent impunis en R.F.A. et pourquoi on y fait preuve de tant de mansuétude envers les nostalgiques – anciens ou nouveaux – du nazisme. Ensuite, mais sans avoir la place pour développer, je voudrais simplement indiquer que si  pour les besoins du film, les persécutions y débutent par la Nuit de Cristal (9-10 novembre 1938), la répression de masse avait en réalité commencé après la provocation de l’incendie du Reichstag, le 27 février 1933, qui avait servi de prétexte à l’arrestation de 4.000 antifascistes allemands – parmi lesquels des communistes, des sociaux-démocrates, des libéraux, juifs ou non et à l’abolition des droits fondamentaux de la Constitution. Dès février 1933 les premiers camps de concentration étaient ouverts
et on y trouvait le dirigeant communiste Ernst Thaelmann qui sera assassiné à Buchenwald le 18 août 1944 et le futur prix Nobel Carl Von Ossietzky qui mourra en détention le 4 mai 1938. De 1933 à 1938 plus de cent camps de concentration dans lesquels périront des dizaines de milliers d’antifascistes allemands seront ainsi créés. Enfin, et sans pouvoir là encore développer longuement, je voudrais dire qu’il n’est pas possible de suivre entièrement les propos de Madame Veil dans le débat qui suivit, lorsqu’elle dépeint les déportés comme un troupeau avili et sans humanité. Certes, il n’est pas question de mettre en doute son témoignage personnel et les situations qu’elle a décrites ont existé.
Mais elles ne sont qu’un aspect de la réalité très complexe des camps. Car la solidarité, l’amitié, la fraternité, le soutien moral et le soutien matériel lorsque c’était possible, et aussi la lutte sous des formes multiples, cela existait aussi. C’est un sujet sur lequel il faudra bien revenir, ce qui n’atténuera en rien l’entreprise d’avilissement et d’anéantissement par les S.S. dans les camps.
Roger Abada (45 157). 

 

Roger Abada à Compiègne, le 27 juin 1982 photo FNDIRP, communiquée par @ Roger Arnould

Le dimanche 27 juin 1982, au Mémorial de Compiègne, lors de la cérémonie du quarantième anniversaire  du convoi du 6 juillet 1942, Roger Abada prononce l’hommage à ses camarades disparus.

L’hommage du Patriote de Nice

Jusqu’à sa mort, le 4 septembre 1987, il eut à souffrir des séquelles de sa déportation.
Lors de ses obsèques, deux hommages lui ont été rendus, l’un par Lucien Ducastel au nom des « 45 000 », et l’autres par Romain Maurel (maire du Belvédère / 06).
Outre Lucien Ducastel, René Aondetto, René Besse et Gustave Raballand, rescapés du convoi étaient présents plusieurs responsables du PCF des Alpes Maritimes, une délégation de la FNDIRP du Val-d’Oise, Pierre Albrand, président de la FNDIRP des Alpes Maritimes, maire de Cap d’Ail, Mario Papi, maire de Gattières, René Reghezza, maire de Roquebillières, les responsables du Patriote de Nice étaient également présents. Gaston Plissonnier a adressé un message à sa famille, au nom du Comité central du PCF.

  • Note 1 : Son demi-frère, René Heitzler, né le 21 août 1924 est arrêté peu avant lui en 1941. il est libéré en 1942. Arrêté à nouveau, il est déporté comme résistant dans le convoi du 24 janvier 1943. Il meurt à Gusen, camp annexe de Mauthausen, le 26 janvier 1945.

Sources

    • Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, par Roger Arnould et rempli par Roger Abada.
    • Entretien de Claudine Cardon-Hamet avec Roger Abada le 7 juillet 1987, deux mois avant sa mort.
    • Son carnet de Dora et archives de Lucette Abada (photocopies dans archives de Claudine Cardon-Hamet).
    • Flers 1969, photo in  » Mémoire Vive » n° 30.
    • Cinq colonnes à la Une : www.ina.fr/video/CAF93016205
    • L’hommage du Patriote de Nice.
    • Photo de la cérémonie du 40° anniversaire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942, le 27 juin1982, prise par @ Roger Arnould. Toutes les photos de cette cérémonie seront versée aux Archives nationales.
    • Recherches généalogiques, Pierre Cardon.

Notice biographique réalisée en 2005, complétée en 2017, 2021, 2023 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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