Matricule « 45 160 » à Auschwitz

Charles Alban à Auschwitz
Charles Alban, archives municipales

 

Charles Alban : né en 1902 à Paris 20è ; domicilié à Gennevilliers (Seine) ; raboteur ; conseiller municipal communiste ; arrêté le 5 décembre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 9 août 1942.

Charles Alban est né le 3 novembre 1902 à Paris 20è. Il est domicilié, au moment de son arrestation, à Gennevilliers (ancien département de la Seine et aujourd’hui dans celui des Hauts de Seine) au 74, rue Paul Vaillant Couturier.
Il est le fils d’Anna Hurel, 27 ans, brunisseuse et de Camille, René Alban, 27 ans, serrurier.. « Titulaire du certificat d’études, Charles Alban, enfant de Belleville-Ménilmontant, disait avoir été « enfant assisté » dans une lettre du 23 janvier 1941″ (Le Maitron).
Il travaille chez Hispano-Suiza à Bois-Colombes, comme mortaiseur raboteur sur métaux.

Charles Alban épouse Andrée Rouquette le 29 septembre 1928 à Paris (18è).  Caoutchoutière, âgée de 18 ans, elle est née à Paris 5è le 5 octobre 1909 – décédée le 3 décembre 1934) et habite à Gennevilliers au 7, rue de Bois-Colombes. Au moment de son mariage, Charles Alban est domicilié au 32, rue Véron à Paris 18è, il a 25 ans et travaille comme manœuvre spécialisé.
Ils ont un fils, qui naît en 1930, à Paris 18è.
En 1928, Charles Alban est inscrit sur les listes électorales du 18è, profession indiquée : mortaiseur. En 1929, le couple déménage à Gennevilliers au 2, avenue Chandon. Profession indiquée : métallurgiste.
Charles Alban est l’un des animateurs des grèves d’Argenteuil en novembre 1930. « Selon le préfet (dans une lettre au ministre de l’Intérieur), 3 000 métallurgistes sur un total de 6 253 étaient alors syndiqués à la CGT ». L’année suivante, il travaillait à Billancourt. Son premier fils naît à Paris 18è en 1930, mais la présence à Gennevilliers de Charles Alban est attestée au 70, de la rue Caboeufs (qui devint rue Paul Vaillant Couturier) dès 1930 (Le Maitron).
C’est à cette adresse que décède son épouse le 3 décembre 1934.
Communiste depuis 1934, adhérent de la CGT, il est élu conseiller municipal à Gennevilliers le 14 octobre 1934, sur la liste de Jean Grandel, et réélu le 5 mai 1935. « Le 14 octobre 1934, Charles Alban se présenta aux élections municipales complémentaires de Gennevilliers en tant que « métallurgiste, membre du Parti communiste et syndiqué ». Il fut élu sur la liste conduite par Jean Grandel, 11è sur 26. Réélu le 5 mai 1935, 20è sur 27, sur la liste du maire sortant ». Le Maitron.

Devenu veuf en décembre 1934, Charles Alban se remarie le 25 novembre 1939 à Gennevilliers avec Madeleine Louise, Mathurine Lamoulen, manœuvre. Elle a 35 ans, née à Nantes (Loire Inférieure) le 1er septembre 1904.

Conscrit de la classe 1922, père de 4 enfants, il est néanmoins mobilisé à la déclaration de guerre.
Il est déchu de son mandat électoral le 9 février 1940 par le gouvernement de Pétain, parce que communiste, il a refusé de renier la ligne politique de son Parti.

Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants.
Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe. La nuit du 14 au 15 juin, de nombreuses troupes allemandes arrivent à Nanterre et Colombes.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Charles Alban entre dans le combat clandestin dès sa démobilisation, en août 1940. Il est arrêté à Gennevilliers le 5 octobre 1940, par la police française dans la grande rafle organisée, avec l’accord de l’occupant, par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la Seine (élus, cadres du parti et de la CGT).

Il est interné avec ses camarades, au camp de « séjour surveillé » d’Aincourt, près de Mantes dans la Seine-et-Oise, aujourd’hui dans le Val d’Oise), ouvert spécialement, en octobre 1940 pour y enfermer les communistes arrêtés.
Lire dans le site : Le camp d’Aincourt .
Il est transféré – à la demande des autorités allemandes – au camp de détention allemande de Royallieu à Compiègne (Oise), le Frontstalag 122). Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942)  et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Charles Alban est déporté à Auschwitz le 6 juillet 1942.
A six heures du matin, avec ses camarades, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi.
Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Charles Alban est immatriculé à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45.160 ». 

Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Charles Alban meurt le 9 août 1942, d’après les registres du camp transmis à l’état civil de la ville d’Auschwitz.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

Pour l’état civil il est officiellement mort le  1er    septembre 1942 car dans les années d’après-guerre, l’état civil français n’ayant pas eu accès aux archives de l’administration SS détenues par les Soviétiques, a fixé la date de sa mort sur la base des témoignages (plus ou moins précis) de deux de ses compagnons de déportation.

Nomination en tant que membre de la délégation spéciale, BO Paris 22 octobre 1944

« Son décès étant ignoré en France à la Libération, son nom fut avancé pour la composition du conseil municipal provisoire de Gennevilliers (arrêté préfectoral du 20 octobre 1944) ». (Le Maitron).
Le titre de «Déporté politique» lui a été attribué ainsi que la mention « Mort pour la France« .

Plaque de rue à Gennevilliers

Une rue de Gennevilliers honore sa mémoire.

Photo Jacques Fath

Son nom figure sur la plaque commémorative en Mairie, à la Maison du Combattant.

Une courte biographie établie par les Archives municipales insiste sur « son dévouement et sa modestie« .

  • Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz.

A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Archives municipales de Gennevilliers (Liste de déportés, noms de rues, biographie).
  • Plaque dédiée « A la mémoire des Conseillers municipaux morts pour la France ».
  • Le Maitron, Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier, tome 17, page 55. Edition électronique, notice de Claude Pennetier, 2017.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Dossier individuel consulté en octobre 1993).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943 le décès des détenus immatriculés).

Notice biographique de Claudine Cardon-Hamet rédigée en septembre 2005 pour l’exposition sur les Résistants et les «45 000» de Gennevilliers 2005, mise à jour en 2012, 2019, 2021 et 2025 avec Pierre Cardon. Claudine Cardon-Hamet, est docteur en Histoire, auteure des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », Editions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », Editions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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