Aristide Mandron : né en 1890 à Châtel-Censoir (Yonne) ; domicilié à Saint-Denis (Seine / Seine-St-Denis) ; ajusteur ; délégué CGT, communiste ; arrêté comme otage le 6 décembre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt, de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 19 septembre 1942.

Aristide Mandron est né le 5 août 1890 au domicile de ses parents à Châtel-Censoir (Yonne). Il habite dans le département de la Seine au 2, rue Emile Zola à Saint-Denis (aujourd’hui en Seine-Saint-Denis-93).
Il est le fils d’Ernestine Tricardy, 26 ans, sans profession et de Paul Mandron, 27 ans, plâtrier puis peintre, son époux. Il a deux frères : Ernest, l’aîné (1889-1940) et Louis, le cadet (1895-1924).
Conscrit de la classe 1910, son registre matricule militaire indique qu’il habite à Châtel-Censoir au moment du Conseil de révision et travaille comme serrurier, puis mécanicien ajusteur. Il sera plus tard ajusteur. Il mesure 1m 72, a les cheveux châtains noirs et les yeux marron foncé, le front moyen, le nez grand et busqué, le cou long, le visage allongé. Il a un niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Le 7 octobre 1911, il est appelé au service militaire et incorporé au 32ème Régiment d’artillerie caserné à Fontainebleau. Le 10 août 1912, il passe au 2ème Régiment d’artillerie de montagne à Nice. Le 3 novembre 1913, il est « envoyé dans la disponibilité » et le 8 passe dans la réserve de l’armée active, « certificat de bonne conduite accordé ».
En février 1914, il habite au 24, rue Catulienne à Saint-Denis (Seine / Seine-Saint-Denis).
Le 22 juin 1914 à Châtel-Censoir (Yonne), Aristide Mandron épouse Amélie Faulle (1894-1975). Il est alors serrurier. Elle a 19 ans, sans profession, elle est née le 6 octobre 1894 à Châtel-Censoir, où elle habite chez ses parents. Le 18 juillet 1914, le jeune couple habite au 16, rue Dezobry à Saint-Denis.
Lorsqu’est décrétée la mobilisation générale du 1er août 1914, il est « rappelé à l’activité » et mobilisé le 3 août jusqu’à la fin de la guerre. Il rejoint
à Fontainebleau le 32ème Régiment d’artillerie de campagne. Le régiment est engagé sur le front (bataille du Châtelet, 2ème phase de la bataille de Charleroi, Bataille de la Marne, « la course à la mer ». Ypres. Repos à Mondidier. Dunkerque).

Établissements Delaunay-Belleville

Le 12 août 1915, Aristide Mandron, en application de la circulaire du 4 juillet 1915 (relance de la production) est détaché du corps d’armée en tant qu’affecté spécial à la Société anonyme des Établissements Delaunay-Belleville, 2 rue de l’Ermitage à Saint-Denis, fabrique d’automobiles.
Le 24 mai 1917, il est brièvement affecté à la Société des moteurs à gaz Otto, rue de la
Convention, à Paris. Le 30 mai, il retourne chez Delaunay-Belleville.
Le 4 juin 1917, il est transféré à la Maison Lorraine-Dietrich d’Argenteuil, qui  fabrique des moteurs d’avions (des V 8 et V12 frappés de la croix de Lorraine). Pendant cette période, il est changé d’arme (le 1er juillet, il passe au 27ème et 32ème Dragons).
Le 9 mai 1918, il est « relevé d’usine » et le 21 mai, il retourne au dépôt du 27ème.
Le 29 mai, il passe au 83ème Régiment d’artillerie lourde et le 10 juin 1918, il est affecté à la 58ème
batterie de celui-ci Le 22 août, il passe au 22ème Régiment d’artillerie de campagne, « aux armées ». Le 19 octobre 1918, il est à nouveau affecté dans un autre régiment, le 272ème Régiment d’artillerie : il est affecté à la 68ème batterie de celui-ci le 2 avril 1919.
Au cours d’une permission de détente, il participe à une battue au sanglier à Châtel-Censoir et tue une bête de 95 kg (Le Bourguignon, journal de l’Yonne, du 6 février 1919).
Le 10 août 1919, Aristide Mandron est « renvoyé en congé illimité » par le 52ème RAC et « se retire » au 16, rue Jules Aubry à Saint-Denis.
Le 11 novembre 1936 le couple déménage au 2, rue Émile-Zola à Saint-Denis, et y restera domicilié jusqu’à l’arrestation d’Aristide Mandron.
Militant communiste, il est également délégué syndical CGT dans son entreprise, l’usine à gaz du Landy.
Aristide Mandron s’inscrit sur les listes électorales de Saint-Denis en 1938, domicilié au 2, rue Emile Zola.
En juillet 1938, lors du rappel des réservistes, il est maintenu en tant que réserviste « à la disposition de la Ville de Paris comme ajusteur-mécanicien ».

Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Pantin et  Saint-Denis : un détachement s’installe à l’école du Bel Air. Le 14 juin, l’armée allemande occupe Drancy et Gagny et entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). A Saint-Denis la Wehmarcht installe un Frontstalag à la caserne des Suisses, qui fonctionne en réseau avec le Frontstalag 111 de Drancy et le camp de Romainville.

Aristide Mandron est arrêté le 6 décembre 1940 à Saint-Denis, par des policiers français lors d’une rafle qui touche des dizaines d’anciens communistes du département de la Seine.

Etat des Tourrelles

Ceux-ci sont rassemblés à la prison de la caserne des Tourelles et emmenés le jour même au camp de « séjour surveillé » d’Aincourt, près de Mantes en Seine-et-Oise (aujourd’hui dans les Yvelines – 78) ouvert spécialement, en octobre 1940, pour y enfermer les communistes arrêtés dans la région parisienne par le gouvernement de Vichy. Il a le n° de dossier 24.976.

Liste des militants communistes internés administrativement le 6 décembre 1940. Montage à partir du début de la liste. © Pierre Cardon

Les Renseignements généraux font parvenir au directeur du camp d’Aincourt une liste comportant les motifs d’internement administratif des militants communistes qui lui ont été amenés au camp le 6 décembre 1940. Pour Aristide Mandron, on peut lire « Ouvrier ajusteur à la société du Gaz de Paris. Meneur communiste très actif« . Lire dans le site : le rôle de La
Brigade Spéciale des Renseignements généraux
dans la répression des activités communistes clandestines.

Il est ensuite transféré au camp d’internement français de Rouillé (Eure-et-Loir) (note 1).

Réponse des RG « Meneur communiste très actif »

Le 14 octobre 1941 le commandant
du Centre d’Internement Administratif de Rouillé s’adresse au Préfet de la Seine pour obtenir des
informations concernant les 149 internés provenant du camp d’Aincourt arrivés à
Rouillé le 6 septembre 1941. La réponse du 1er bureau des Renseignements généraux (circulaire n°13.571.D) lui arrive le 30 octobre (doc C-331.24). Pour Aristide Mandron on lit avec ses dates et lieu de naissance, adresse et date d’arrestation, comme cause de l’arrestation « Meneur communiste très actif ».
Remis aux autorités allemandes à leur demande, celles-ci l’internent au camp de Royallieu à Compiègne, le 21 mai 1942, en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Aristide Mandron est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Le numéro d’immatriculation à Auschwitz d’Aristide Mandron n’est pas connu. Le numéro « 45822 » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) et signalé comme incertain (voir l’avertissement précédant la liste alphabétique) correspond à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Elle avait notamment pour objectif de faciliter l’identification des 524 photos anthropométriques de « 45000 » préservées de la destruction par des résistants du camp et retrouvées après la libération d’Auschwitz. Cependant, cette reconstitution n’a pu aboutir complètement en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il serait donc imprudent d’attribuer ce numéro à Aristide Mandron en l’absence de nouvelles preuves.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

On ignore dans quel camp il est affecté à cette date. Il est néanmoins possible qu’il ait été ramené à Auschwitz 1 compte tenu de sa profession d’ajusteur.

Aristide Mandron meurt le 21 août 1942 d’après les registres du camp. Dans les années d’après-guerre, l’état civil français, n’ayant pas eu accès aux archives d’Auschwitz emportées par les armées soviétiques, fixe sa date de décès au 15 décembre 1942 sur la base des déclarations de deux de ses compagnons de déportation.
Le titre de déporté politique lui a été attribué ainsi que la mention « Mort pour la France ».

Plaque au 2 rue Emile Zola © photomontage Pierre Cardon

Une plaque commémorative est apposée à son domicile et indique sous son nom « 1890-1942. Mort à Auschwitz le 15.12. 1942 ». Son nom est également honoré sur le monument aux morts de Saint-Denis.

Note 1 : Le camp d’internement administratif de
Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre
de séjour surveillé»
, pour recevoir 150 internés politiques venant de la région
parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au
camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses
et du camp des Tourelles.
In site de
l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Sources

  • Liste de détenus transférés du
    camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942 (Archives du Centre de
    documentation juive contemporaine : XLI-42).
  • Archives municipales de
    Saint-Denis (consultées par Fernand Devaux en 1988).
  • Acte de décès de l’état civil
    d’Auschwitz (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains, Caen,
    archives du ministère dela Défense)..
  • Death Books from Auschwitz, Musée
    d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres –
    incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré du 27
    juillet 1941 au 31 décembre 1943 le décès des détenus immatriculés).
  • Témoignage de Fernand Devaux,
    déporté dans ce convoi.
  • Archives départementales de l’Yonne
    en ligne, état civil et registres matricules militaires.

Notice biographique réalisée en mai 2007, (mise à jour en 2016 et 2019) par
Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Triangles
rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions
Autrement, Paris 2005, et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6
juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé).
Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas
de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour
compléter ou corriger cette biographie, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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