Matricule « 45.496 » à Auschwitz

Alfred Dufaÿs : né en 1900 à Wassy (Haute-Marne) ; domicilié à Joinville (Haute-Marne) au moment de son arrestation ; mouleur en fonderie ; arrêté comme otage communiste fin juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 16 août 1942
Alfred Dufaÿs est né le 29 janvier 1900 au domicile de ses parents, 88, rue Mauljeanà Wassy (Haute-Marne).
Il habite au 1, Cour Barbonnot à Joinville (Haute-Marne), au moment de son arrestation.
Il est le fils de Louise, Josèphe Marie Duverne, 23 ans, couturière, née en 1876 à Villeneuve Saint-Germain (Aisne) et d’Auguste, Joseph, Charles Dufaÿs, 27 ans, mouleur à Vaux-sur-Blaise, son époux.
Alfred Dufaÿs a deux sœurs et deux frères : Madeleine (1902), Lucienne (1910), Roger (1898) et Marceau (1906), nés à Wassy.
Le recensement cantonal militaire indique qu’Alfred Dufaÿs est « bon pour le service« . Il habite Joinville où il est mouleur, pèse 57 kg, mesure 1 m 62, a le visage ovale, les cheveux châtain et les yeux marron, le nez long. Il est inscrit « à sa demande » sur le tableau de recensement. Il est « vélocipédiste », une des « spécialités » recensées. Il effectue son service militaire au 20ème escadron du Train des équipages militaires automobiles. Le 4 mars 1922, Alfred Dufays est libéré de ses obligations militaires et placé dans la réserve de l’armée active, « certificat de bonne conduite accordé ».

Le 4 décembre 1920, à Joinville, il a épousé Louise, Losdïska, Josèphe Fosset (née le 31 décembre 1899 à Epinal, Vosges, décédée le premier février 1986 à Joinville). Ils auront quatre filles Germaine (9 juillet 1921), Fernande (1er septembre 1922), Marcelle (22 février 1930), et Ginette (20 mai 1934).
Il est mouleur en fonderie aux Forges Georges de Saint-Dizier.
Il est syndiqué à la CGT. Vers 1935, Alfred Dufays travaille à la fonderie Ferry-Capitain de Bussy (il y est à ce titre classé « affecté spécial » pour la réserve militaire) où travaillent également Bernard Hacquin, Louis Bedet, Georges Collin, et Edmond Gentil.
En 1936, Alfred Dufaÿs, son épouse Louise et leurs quatre filles habitent aux « Fonderies » à Joinville au n° 1074. Au n° 1075 habite sa mère Louise Dufaÿs, son frère Marceau et ses neveux Jacques Delval (1929), Marcel Delval (1930) et Daniel Delval (1935). Le 1, cour Barbonnot où les Dufaÿs habiteront en 1941 est alors occupé par la famille Tramaux.

Selon sa famille il aurait été arrêté une première fois en 1939 (sa fiche au fichier national DAVCC indique comme motif de sa déportation « communiste », ce dont sa famille n’a pas eu connaissance. Peut-être était-il membre du PC avant guerre, ce qui expliquerait sa première arrestation. En tout état de cause, il est ami avec Bernard Hacquin, qui travaille à la fonderie Ferry-Capitain de Bussy, et qui sera également déporté à Auschwitz, comme Louis Bedet, Georges Collin, et Edmond Gentil, tous syndicalistes et/ou communistes de la même entreprise.
Le 10 mai 1940, la Luftwaffe bombarde le terrain d’aviation de Saint-Dizier et la ville de Joinville. Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Saint-Dizier. Le 15 tout le département est occupé. Le 22 juin, l’armistice est signé : la Haute-Marne est coupée en deux : l’est devient « zone interdite », destinée au « repeuplement allemand », l’ouest se transforme en territoire de stationnement des troupes de la Wehrmacht. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».
Le 28 août 1941 René Bousquet, Préfet de la Marne nommé par Pétain en 1940, est nommé Préfet régional de la région de Châlons-sur-Marne (Marne, Haute-Marne et Aube). Il donne des instructions très précises pour la surveillance des « menées communistes ». En septembre 1941, avec l’institution de la « politique des otages », les autorités allemandes se font remettre les notices individuelles des communistes arrêtés et incarcérés par la police française. On lira sur le net les articles consacrés à Bouquet par Jean-Pierre et Jocelyne Husson : « René Bousquet et la politique vichyste d’exclusion et de répression ».Le 10 septembre 1941, avec
l’institution de la « politique des otages », les autorités allemandes se font remettre les notices individuelles des communistes arrêtés
et incarcérés par la police française.
Alfred Dufaÿs a été arrêté à la fin juin 1941 (ou le 1er juillet) à la gare de Joinville au moment où il reprend son travail. Sans doute dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom « d’Aktion Theodorich », les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui devient à cette date un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”, le Frontstalag 122. Alfred Dufaÿs d’abord conduit à la prison de Chaumont (52) le 1er juillet, est interné à Compiègne le 11 juillet 1941.
Entre le 24 avril et la fin juin 1942, il est désigné par l’administration militaire allemande en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Alfred Dufaÿs est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Alfred Dufaÿs est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45496 ».

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Alfred Dufaÿs meurt à Auschwitz le 16 août 1942 selon les registres du camp (Sterbebücher von Auschwitz (registre des morts).
Dans les années d’après-guerre, n’ayant pas eu accès aux archives de l’administration SS, l’état civil français a fixé la date de sa mort au 31 décembre 1942 sur la base des témoignages (plus ou moins précis) de deux de ses compagnons de déportation.
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué.
La mention « Mort en déportation à Auschwitz après juillet 1942 » a été ajoutée à son acte d’état civil, selon l’arrêté du 14 février 1989 relatif à l’apposition de la mention « Mort en déportation » sur les actes de décès.
Son nom est honoré sur le monument, près de la gare de Joinville. Monument destiné aux enfants du canton de Joinville Morts pour la Patrie et sur le monument aux morts.
Sources
- Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC), Caen, archives du ministère dela Défense.
- Death Books from Auschwitz (Registres des décès d’Auschwitz), ouvrage publié par le Musée d’Etat (polonais) d’Auschwitz-Birkenau en 1995.
- Club Mémoires 52, correspondance avec Jean-Marie Chirol, 19 juillet 1999 (photo d’Alfred Dufaÿs et de Bernard Hacquin).
- Correspondance avec Chantal Ravier, professeur d’histoire et géographie, mariée au petit-fils d’Albert Dufaÿs, qui a enquêté auprès de sa belle-mère (mars 2007).
- Etat civil en ligne de Wassy.
- Registres matricules, père et fils Dufaÿs.
- Recensement de Joinville, 1931, 1936.
Notice biographique rédigée en novembre 2010, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com