Les paragraphes en italique sont tirés de la notice biographique consultable dans Le Maitron éd. informatique.
René Guiboiseau : né en 1899 à Paris Paris 14è ; domicilié à Gennevilliers (Seine) ; livreur produits chimiques, employé municipal ; conseiller municipal communiste ; arrêté le 5 octobre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt, maison d'arrêt de Rambouillet, Camps de Gaillon, Voves et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 18 septembre 1942.
René Guiboiseau est né le 28 juillet 1899 à Paris Paris 14è. Au moment de son arrestation, il est domicilié 13, rue Henri Le Gall à Gennevilliers (situé dans l’ancien département de la Seine et aujourd’hui dans les Hauts de Seine).
Il est le fils de Jeanne, Françoise Ledain, 20 ans, ouvrière, née le 10 février 1878 et d’Eugène, Ernest, René Guiboiseau, 20 ans, né le 10 janvier 1879, employé d’octroi son époux. Ses parents se sont mariés le 29 janvier 1899 à Paris 4è. Il eut un frère Gabriel et une sœur, Andrée, décédés en bas âge en 1903 et 1904.
« René Guiboiseau, suivit l’école primaire à Paris 2è et à Montreuil-sous-Bois, et fut titulaire du certificat d’études. Il commença à travailler à 14 ans 1/2. Ouvrier dans les mines du Nord puis livreur en produits chimiques à Saint-Ouen (Société générale des huiles et pétroles).
Le 3 septembre 1917 il contracta un engagement de cinq ans dans l’Infanterie, fut affecté au 80ème Régiment d’Infanterie, puis au 53ème Régiment d’infanterie le 8 mars 1918, puis au 327ème RI le 16 juin 1918, et enfin au 43ème RI le 23 janvier 1920. Le 14 avril 1922, la commission de réforme de Lille (Nord), proposa sa réforme temporaire avec une pension de 10%, le 9 février 1923 sa réforme était renouvelée. Le 4 septembre 1924, la 5ème Commission de réforme de la Seine le classait dans le service armé. Nouveau changement de situation, le 19 mai 1926 la commission de réforme de Lille le classait dans un service auxiliaire avec une pension de 35%, sans affectation ».
En avril 1922, René Guiboiseau habite à Lille, 40, place de l’Esplanade. Ses parents habitent toujours à Montreuil, au 89, rue Kléber.
En 1929, il vient habiter Chaville, au 21, rue des Ecoles, puis la même année, il déménage au 16, rue du Caire à Paris 2è.
Il épouse Isabelle Foucault dans les années 1930. Le couple adoptera trois enfants (« pour les sauver de l’Assistance publique » écrira en 1939 René Guiboiseau).
« Il avait épousé Isabelle Foucault, membre du Parti communiste puis sympathisante, qui travailla dans les pétroles puis à la coopération la Famille nouvelle. Ils eurent un enfant, né avant son départ à Moscou, le couple en adopta trois autres en 1935. Il fut membre de la commission exécutive de la Fédération CGTU des produits chimiques. Sympathisant des Jeunesses socialistes, il adhéra au parti en avril 1932 sous l’influence d’Edouard Finck (des produits chimiques) et de Waldeck L’Huillier, et fut secrétaire de cellule et membre du comité du sous-rayon de Gennevilliers. Début 1933, il milita à Saint-Ouen « avec le fameux Latour, et ensuite avec le renégat Barbé ». Les JC lui firent suivre une école de rayon à Saint-Ouen et une école de région à Saint-Denis » (Le Maitron).
Il travaille comme livreur en produits chimiques, puis comme employé aux Pompes funèbres municipales, selon le service des archives de Gennevillers. La liste de transfert au camp de Voves à Compiègne indique toutefois qu’il était boucher.
Le couple habite au 70, avenue Louis Roche à Gennevilliers.
Militant communiste, René Guiboiseau est élu aux élections municipales d’octobre 1934 sur la liste de Jean Grandel (en 15è position sur 26) de la liste dirigée par Jean Grandel. Il ne se présenta pas aux élections générales de mai 1935. « en fait le 9 avril 1934, il arriva à Moscou, avec un passeport à son vrai nom, pour suivre les cours de l’École léniniste internationale. Il résida et étudia à l’ELI, sous le nom d’Ernest Dubois, jusqu’à la première moitié de mai 1935« . (Le Maitron).
« A son retour, il fut membre du comité régional Paris-Ouest, responsable de la cellule de Villeneuve-la-Garenne, puis de la section de Gennevilliers, car il avait été embauché comme porteur de pompes funèbres à la mairie de Gennevilliers. A la question « Combien de membres avez-vous recruté pour le Parti. », il répond : « une centaine environ et plus depuis que je suis revenu d’URSS» (autobiographie de 1937). Dans un autre questionnaire, ce
chiffre se réduit à une dizaine, ce qui est déjà conséquent. En 1937, il habitait à Clichy-la-Garenne, rue Fernand Buisson« .
« Le couple Guiboiseau et leurs enfants habitèrent 13, rue Henri-Vuillemin, face à l’aciérie Aubert-et-Duval. Il participa à la vie politique de Gennevilliers, écrivit deux articles dans La Voix Populaire où il appelait au nom du Comité d’aide international à l’Espagne à aider « ceux qui ont faim », puis à secourir les blessés en Espagne républicaine.
Pour cause d’approbation du pacte germano-soviétique, la délégation spéciale qui se substitua au conseil municipal et au maire Jean Grandel licencia le 5 octobre 1939 trente-sept salariés, majoritairement ouvriers (paveurs, terrassiers, peintres etc.). René Guiboiseau fut soumis à de très fortes pressions de la part de membres de la délégation spéciale. Le 15 mai le président de la délégation spéciale le convoqua, il voulait notamment connaître son opinion concernant le Pacte germano-soviétique. Il prépara un texte manuscrit daté du 14 mai 1940 qu’il remit au président et à deux membres de la délégation spéciale. Dans ce document, il présentait sa famille, soulignait qu’il avait adopté trois enfants en 1935 « afin de les sauver de l’Assistance publique ». Il assumait son appartenance passée au Parti communiste. « Vous ne devez pas l’ignorer puisque j’ai été élu une fois comme conseiller municipal à Gennevilliers ». À la question « le pacte germano-soviétique êtes-vous pour ou contre ? ». Il rappela une discussion récente : « je ne vous disais ni oui, ni non. Vous m’avez dit que mon abstention était un aveu, et que si je restais dans cette attitude je ne pourrais me considérer comme un homme ayant déjà fait son devoir […] il fallait que je me prononce oui ou non ». Il rappelait : « J’ai affirmé que j’étais français et qu’avant tout il fallait défendre le sol de la France. Il poursuivait « Vous m’avez demandé qu’elle a été ma position depuis la guerre. Dès le premier jour de la guerre j’ai déclaré dans une discussion avec mon chef de service […] et devant tout le personnel du cimetière présent à cette date, que j’étais Français, que je restais Français. Étant engagé dans l’autre guerre pour défendre la France, que je saurais encore faire mon devoir s’il le fallait. […] Je vous ai assuré solennellement que j’étais contre le pacte germano-soviétique puisque d’après vos explications, c’était un pacte qui a provoqué la guerre actuelle, que depuis la guerre, je n’avais accompli aucun travail, ni acte politique ».
Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe. La nuit du 14 au 15 juin, de nombreuses troupes allemandes arrivent à Nanterre et Colombes.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
René Guiboiseau est arrêté à Gennevilliers le 5 octobre 1940 par la police française dans la grande rafle organisée, avec l’accord de l’occupant, par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la Seine (élus, cadres du Parti et de la CGT).
« À Gennevilliers, ils étaient onze à être appréhendés : Pierre Cornil, Léon Goegel, Henri Lefevre, Maurice Morisot, Olivier Offret, Pierre Graindorge, Eugène Jarny, René Guiboiseau, Théophile Tenaille, Charles Alban et Maurice Guy. Les quatre derniers siégèrent au conseil municipal » (Le Maitron).
Il est placé en internement administratif au camp d’Aincourt, Lire dans le site : Le camp d’Aincourt
puis il est enfermé à Rambouillet (le 24 juin 41). Il est ensuite interné à la Maison centrale de Gaillon (le 27 septembre 41), Lire dans le site : la-Maison-centrale-de-Gaillon
puis au camp de Voves (le 5 mai 42).
Lire dans le site : Le camp de Voves
Dans sa dernière lettre de Voves adressée à son épouse, datée du 16 juin 42, il écrit : « Envoies-moi un colis dans une grande valise, si nous étions déportés, je pourrai te retourner mes affaires… Ici, on s’attend à tout. Je pèse actuellement 54 kg. Mais, vois-tu on, on se forge dans le malheur et c’est avec fermeté que nous regardons passer les jours et les nuits. Hier matin les allemands sont venus chercher quatre-vingt copains dont Castel, pour une destination inconnue. Nous savons ce que cela veut dire. Où sont-ils maintenant ? » (notes de Mme Cadoret maire adjointe de Gennevilliers en 1945).
René Guiboiseau retrouvera ses camarades au camp allemand de Compiègne, le Frontstalag 122, où il est transféré le 3 août 1942.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, René Guiboiseau est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro « 45 635 »
figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz . Seule la reconnaissance par sa famille ou des amis du visage du déporté représenté au début de cette notice biographique peut permettre de l’identifier.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
René Guiboiseau meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942 d’après les registres du camps.
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué ainsi que la mention « Mort pour la France ».
Son nom est inscrit sur la plaque commémorative dédiée aux Conseillers municipaux morts pour la France (hall de la Mairie de Gennevilliers).
Le 6 juillet 1946, la « Voix populaire » de Gennevilliers rend hommage aux 11 communistes déportés quatre ans plus tôt dans « le convoi maudit » vers Auschwitz.
Une cellule du PCF du personnel municipal de Gennevilliers porta longtemps son nom.
Sources
- Archives municipales de Gennevilliers (Liste de déportés, noms de rues, courte biographie).
- Plaque dédiée « A la mémoire des Conseillers municipaux morts pour la France » (Photo Claude Fath).
- Le Maitron, Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier, tome 17, page 55.
- Fichier national du Bureau des archives des conflits contemporains (BACC), Ministère de la Défense, Caen.
- Fourmas Stéphane, Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir), janvier 1942-mai 1944, mémoire de maîtrise, Paris-I (Panthéon-Sorbonne), 1999.
- Le Maitron, dictionnaire du Mouvement ouvrier et du mouvement social. Accessible en ligne depuis fin 2018. Notice Claude Pennetier et Daniel Grason.
- Death Books from Auschwitz / Sterbebücher von Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943 le décès des détenus immatriculés).
Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016, 2019 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger , vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com