Matricule « 45.956 » à Auschwitz Rescapé


Henri Peiffer : né à Russange (Moselle) en 1910 ; domicilié à Villerupt (Meurthe-et-Moselle) ; communiste ; arrêté le 10 août 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Flossenbürg, Wansleben ; rescapé ; décédé le 30 août 1993
Henri Peiffer est né à Russange (Moselle) le 1er février 1910. Il habite au 2, rue des Acacias à Villerupt (Meurthe-et-Moselle) au moment de son arrestation. Il est le fils de Marie Winckel, 18 ans, et de Nicolas Peiffer, 26 ans son époux. Il a une sœur cadette, Marie Louise, née en 1913.
Il épouse Pépina Pépoli (née en 1912 à Zurich). Le couple aura deux enfants Huguette (née en 1930) et Albert (né en 1931).
Ajusteur d’entretien de profession en 1936, puis concierge aux Aciéries de Micheville, il a été membre du Parti communiste, mais ne militait plus.
Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. La résistance communiste est particulièrement active dans le « Pays-Haut » (in Magrinelli, Op. cité pages 229 à 251). Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).

Au début de l’Occupation, Henri Peiffer est responsable d’une filière pour le franchissement de la frontière franco luxembourgeoise « j’ai trouvé un moyen en descellant dans le mur d’enceinte une plaque de ciment de 80 cm sur un mètre, à ras du sol. Ce procédé fit usage pendant une année » comme en témoigne le diplôme de passeur qui lui fut délivré et qui porte les signatures du général de Gaulle et du général de Larminat.
Il a raconté comment il avait aussi proposé l’évasion à un groupe de prisonniers de guerre français qui travaillaient à la réfection de la voie de chemin de fer Audun-le-Tiche / Thionville, des « prisonniers d’honneur », soldats de la ligne Maginot qui ne s’étaient rendus après l’armistice que sur ordre de leurs officiers supérieurs. » J’avais été à l’école avec certains d’entre eux, on habitait le même quartier. « Si tu veux t’évader, je t’attendrais ce soir à 22 heures. On fracturera une armoire pour te trouver des vêtements civils ». L’un d’eux me dit : « tu es fou Henri, je suis PG d’honneur. Dans 15 jours, nous serons libérés ». Heureusement tous n’étaient pas du même avis et 8 d’entre eux franchirent la frontière en ma compagnie« .
Le 10 août 1941, une escouade de policiers allemands et français arrête Henri Peiffer dans son jardin. D’après lui cette arrestation est motivée par les faits suivants: « le 14 juillet, de nombreux monuments de poilus avaient été fleuris : bleuets, marguerites, coquelicots ; les Allemands ne comprirent pas au début, mais Saukel, le Gauleiter, a compris tout de suite. Un grand nombre d’interrogatoires suivis d’arrestations eurent lieu ».
Des caves de l’Hôtel de ville de Longwy, puis à la prison de Nancy, Henri Peiffer est « embarqué sans nourriture ni boisson » dans un train qui le conduit à Paris-Gare de l’Est : il est remis aux autorités allemandes le 12 août 1941 à leur demande.
Celles-ci l’internent au camp de Royallieu à Compiègne en vue de sa déportation comme otage. Il reçoit le matricule n° 1418.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation
Depuis le camp de Compiègne, Henri Peiffer est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Henri Peiffer est enregistré à l’arrivée du convoi à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45956 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Henri Peiffer reste à Birkenau du 10 juillet 1942 au 18 février 1943 (il est caché par un déporté polonais d’octobre à novembre 1942 à l’Isoler Station).
Ramené à Auschwitz avec une poignée de survivants du convoi du 6 juillet, il doit à sa bonne connaissance de l’allemand de servir de « secrétaire-interprète » au Block 11 (voir le chapitre 8 de « Triangles rouges »).
Durant la quarantaine, il aide ses compagnons à rédiger leurs lettres, autorisées seulement en langue allemande. Il note dans un carnet la présence au Block 11, de « 151 Français, dont un camionneur et plusieurs mineurs qui n’étaient pas des 45.000« .
Après décembre 1944, il est affecté à l’usine DAW Arsenal Breslau et aux Blocks 18 et 18 A.
Henri Peiffer est transféré sous les bombardements à Flossenbürg le 28 août 1944 (matricule 19878). Il y est interné jusqu’au 25 octobre 1944.
Le 25 octobre il est transféré à Buchenwald-Wansleben où il est interné du 28 octobre 1944 au 4 avril 1945 (matricule 93420).
Du 4 au 13 avril 1945 le camp est évacué : il effectue « un incroyable périple, de Wansleben vers Dessau par les chemins de terre, Köthen et Könnern, puis transporté en camion-remorque aux environs de Leipzig près d’un terrain d’aviation ».
Le 13 avril, il est libéré par des éléments de la 9° Division blindée américaine.
Transféré à Hinsdorf (près de Dessau), il y reste jusqu’au début de mai 1945. Il regagne la France le 24 mai 1945.
Sa santé est très affectée, et il souffrira de troubles nombreux sa vie durant.
Secrétaire de 1945 à 1956, puis trésorier et enfin co/président de la section FNDIRP de Villerupt, il est homologué « Déporté résistant » le 22 mai 1957 (jugement du Tribunal administratif de Nancy).
Henri Peiffer a reçu la Croix de combattant volontaire, la Légion d’Honneur, et une médaille de la Résistance luxembourgeoise.

Lorsqu’il remplit le questionnaire de son camarade Germain Pierron, très malade, le 20 mai 1989, Henri Peiffer note que son pauvre camarade parle avec difficulté « il est exténué et je ne peux insister. Sa vue, sa démarche, tout est déficient. Pauvre Germain. Il pèse peut-être 36 ou 37 kg. Il lui reste les os, avec la peau dessus. Je suis traumatisé par son gabarit de « musulman » (c’est ainsi que les déportés appelaient leurs camarades devenus cachexiques), sa maigreur extrème ».
Henri Peiffer écrit également « cela me réfère à mon état de 1942« . Il y joint une photo de son ami Germain prise lors d’une visite médicale, vers 1989, que je n’ai pas reproduit dans sa notice, par respect pour sa mémoire, tant il est abîmé, amaigri (la photo sera néanmoins transmise aux Archives nationales en 2023).
Il meurt le 30 août 1993, à Villerupt, 5 jours après son compagnon de déportation, Germain Pierron, de la même région lorraine.
Sources
- Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par Henri Peiffer en 1988.
- Correspondance abondante d’Henri Peiffer, et récits nombreux, jusqu’à ses dernières années.
- Témoignages de Maurice Rideau, André Montagne,
- Echange de courriers avec Roger Arnould.
- Diplôme de passeur
- Citations
- Homologation Front National-RIF
- Documents envoyés par M. Alain Casoni, maire et conseiller général de Villerupt (avril 1989) : acte de décès et documents concernant les déportés de Villerupt, fournis par M. Henry Pilarczyk, président de la section FNDIRP de Villerupt, octobre 1993.


Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com