Arthur Lepetit est homologué à titre posthume au grade de Sergent dans la Résistance Intérieur Française.

Matricule « 45 782 » à Auschwitz

Arthur Lepetit : né en 1907 au Mont (Creuse) ; domicilié à Colombes (Seine) ; maçon ; arrêté le 11 février 1941, condamné à un an de prison (Santé, Fresnes, Poissy) ; interné aux camps de Voves et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 10 mai 1943. 

Arthur Lepetit est né le 2 mars 1907 au Mont, commune d’Aubusson (Creuse).
Il habite au 110, rue Jules Ferry à Colombes (ancien département de la Seine / Hauts-de/Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Eugénie Pauly et de Emile, Maurice Lepetit son époux.
Il est le cadet d’une fratrie de six enfants : Maria, née en 1900, Sidonie, née en 1901, Maurice, né en 1903, Cécile, née en 1905, et Charles, né en 1906, tous au Mont d’Aubusson.

Le Populaire du Centre du 12 juin 1927

Arthur Lepetit épouse Marthe, Thérèse Testard, au début juin 1927 à Aubusson. Il est maçon et elle est servante, née le 21 août 1910 à Chouy dans l’Aisne, où elle est domiciliée au moment du mariage.
Le couple a deux fils : Serge, Arthur, né le 16 octobre 1927 à Paris 14è, et Roland André, né le 27 avril 1932 à Colombes.

Ils viennent travailler en région parisienne. Arthur Lepetit est maçon à l’entreprise Chaize d’Asnières.
Militant communiste « de base », écrit sa veuve qui précise ses activités : « service d’ordre, garde à la maison de l’Huma« , il  est diffuseur CDH (Comité de défense de l’Humanité), et membre d’une amicale de Locataires affiliée à l’Union Confédérale des Locataires.

Vendredi 14 juin 1940 les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants. Un premier  détachement  allemand  occupe  la mairie de Nanterre et l’état-major  s’y  installe. La nuit du  14 au 15 juin, de nombreuses troupes allemandes arrivent à Nanterre et Colombes.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Attestation du PCF certifiant son activité dans la Résistance

Arthur Lepetit continue son action militante au début de l’Occupation allemande : il cache des ronéos chez un paysan, tire et diffuse des tracts, colle des affiches.

Selon son épouse, il est arrêté le 11 février 1941 à 11 heures du soir, chez lui. Il est roué de coups par la police pour lui faire avouer ses activités clandestines (son nom aurait été donné sous les coups par un de ses cinq camarades, arrêté la veille, « avec un pot de colle » dit son épouse.
La mention de cette dénonciation est confirmée sur la fiche au DAVCC de Gabriel Royer, arrêté la veille).

Le 13 février 1941, Arthur Lepetit,  inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939 (reconstitution de ligue dissoute), est conduit au Dépôt de la préfecture de Police (Conciergerie) et mis à la disposition de la Justice.
Le 4 juin, la 12è chambre du Tribunal correctionnel de la Seine le condamne à un dix-huit mois de prison, 100 francs d’amende et cinq ans d’interdiction de droits civiques et politiques.
Le même tribunal condamnera le lendemain Alphonse Guyot, considéré comme le chef des militants clandestins de Colombes à 3 ans de prison. Il sera condamné à mort à huis clos à la demande de Vichy et guillotiné le 24 septembre 1941 dans la cour de la Santé.

Cherbourg-Eclair du 23 septembre 1941, Montage photo © Pierre Cardon

Le 17 juin 1941, Arthur Lepetit est transféré à la Maison d’arrêt de Fresnes (n° 8668).
Il fait appel de sa condamnation : le 20 septembre 1941 le tribunal d’État, ramène la sentence à un an, en appel.
Le 9 octobre 1941, Arthur Lepetit est transféré à la Maison centrale de Poissy.
À l’expiration de sa peine, il n’est pas libéré : le 13 février 1942, il est transféré au Dépôt de la Préfecture de police de Paris avec vingt-trois autres militants communistes détenus à Poissy avec lui.
Le 25 mars 1942, le préfet de police de Paris ordonne son internement administratif et  le 16 avril, il fait partie d’un groupe de détenus enregistrés au “centre de séjour surveillé” de Voves (Eure-et-Loir), où il reçoit le numéro matricule n° 85.
Lire dans le site : Le camp de Voves
Le 16 avril 1942, à 5 h 50, il fait partie d’un groupe de 60 militants « détenus par les Renseignements généraux » qui est transféré de la permanence du dépôt au camp de Voves (Eure-et-Loir), convoyé par les gendarmes de la 61è brigade. Ce camp (Frontstalag n° 202 en 1940 et 1941) était devenu le 5 janvier 1942 le « Centre de séjour surveillé » n° 15. Arthur Lepetit y a le numéro de dossier 402.817.

Dans deux courriers en date des 6 et 9 mai 1942, le chef de la Verwaltungsgruppe de la Feldkommandantur d’Orléans envoie au Préfet de Chartres deux listes d’internés communistes du camp de Voves à transférer au camp d’internement de Compiègne à la demande du Militärbefehlshabers Frankreich, le MBF, commandement militaire en France.

Transfert de Voves pour Compiègne

Arthur Lepetit  figure sur la première liste de 81 noms qui vont être transférés le 10 mai 1942 à Compiègne.
Le directeur du camp a fait supprimer toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ». La prise en charge par les gendarmes allemands s’est effectuée le 10 mai 1942 à 10 h 30 à la gare de Voves. Il poursuit : « Cette ponction a produit chez les internés présents un gros effet moral, ces derniers ne cachent pas que tôt ou tard ce sera leur tour. Toutefois il est à remarquer qu’ils conservent une énergie et une conviction extraordinaire en ce sens que demain la victoire sera pour eux ». Il indique que « ceux qui restèrent se mirent à chanter la «Marseillaise» et la reprirent à trois reprises ». Le directeur du camp a fait supprimer auparavant toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ».
Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, arrivés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) les 10 et 22 juin 1942, 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Arthur Lepetit est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 782 ».

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Arthur Lepetit meurt à Auschwitz le 10 mai 1943 d’après les registres du camp.
Cause « officielle » de sa mort : tuberculose.
Lire dans le site : Des causes de décès fictives.
Son épouse apprend sa mort « par un camarade rescapé de Buchenwald« . « Il serait mort d’une piqure de phénol dans le cœur ».
Ses camarades de déportation rescapés du convoi, Fernand Devaux et Camille Salesse ont témoigné en avril 1946 de sa mort au camp d’Auschwitz à la date du 12 avril 1943.
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué.
Il a été déclaré « Mort pour la France ».
Il est homologué au grade de sergent de la Résistance Intérieure Française le 9 octobre 1949, notification 2176.

Sources

  • Lettre de Marthe Lepetit, âgée de 81 an en 1991

    Lettre de Marthe Lepetit (6 mars 1991).

  • Courriel de sa petite fille, Claudine Lepetit en 2005.
  • Lettre de Robert Guérineau, ancien résistant qui a effectué des recherches dans les registres d’état civil de la mairie de Colombes.
  • Etat civil de la mairie de Colombes.
  • Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par sa veuve le 22 février 1991 accompagné d’attestations (photos ci-dessus).
  • Biographie d’Alphonse Guyot in Le Maitron
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes de conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.

Notice biographique (complétée en 2016, 2019 et 2021), réalisée initialement pour l’exposition sur les «45000» de Gennevilliers 2005, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner les références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *