Camille Salesse à Auschwitz
Fiche de Camille Salesse au camp de Flossenbürg

Matricule « 46.091 » à Auschwitz  Rescapé

Camille Salesse : né en 1912 à Condat-en-Feignes (Cantal) ; domicilié à Colombes (Seine) ; monteur en pylônes, puis peintre ; communiste ; arrêté le 18 juillet 1941, condamné à 3 mois de prison (Santé, Fresnes, Villeneuve St Georges ; arrêté le 28 février 1942 ; ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Flossenbürg, Leitmeritz ; Rescapé ; décédé le 23 février 1971.

Camille Salesse est né le 27 juin 1912 à Condat-en-Feignes (Cantal) où son père est menuisier. Il habite au 82, avenue d’Argenteuil à Colombes (ancien département de la Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Papon, née en 1876, 36 ans et de Jean-Baptiste Salesse, né en 1874, 38 ans, menuisier.
Il a deux frères et une sœur, dont il est le cadet : Noël, né en 1897, Hélène, née en 1902 et Antony, né en 1908 (C.f. recensement de 1911 à Condat, quartier du Moulin, n° 250).
Au recensement de 1921, la famille habite toujours à Condat. Hélène qui porte le nom de Godefroy vient d’avoir une fille, Fernande, née en 1921 et vit avec ses parents et ses deux frères. En 1926, la famille a quitté le quartier du Moulin.
Camille Salesse se marie le 28 mai 1932 en mairie d’Argenteuil avec Marcelle, Marguerite, Marie Le Bouquin et a deux fils de ce premier mariage.
Il est monteur en pylônes, puis cafetier au moment de son arrestation. A son retour des camps il deviendra artisan-peintre en bâtiment.

Vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants. Un premier  détachement  allemand  occupe  la mairie de Nanterre et l’état-major  s’y  installe. La nuit du  14 au 15 juin, de nombreuses troupes allemandes arrivent à Nanterre et Colombes. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Militant du Parti communiste connu des Renseignements généraux, sa première arrestation, le 18 juillet 1941, à Colombes est motivée « pour détention d’armes« . Jugé par un Tribunal allemand à Paris, il est condamné le 11 août 1941 à 3 mois de prison. Il est emprisonné successivement au Dépôt, puis à la Santé le 14 août 1941 et à Villeneuve St-Georges le 21 août, Il est ensuite interné à Fresnes à partir du 20 octobre.
Après l’expiration de sa peine, le 20 octobre 1941, du fait de ses emprisonnements antérieurs, il est libéré le 31 « sur intervention de M. Van Porten, ingénieur de la Société France-Radio« .
Mais Camille Salesse est désormais sur les listes de suspects surveillés par la police. Aussi, lorsque les Allemands ordonnent des représailles à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire est blessé à Malakoff), Camille Salesse fait partie des 387 militants arrêtés le 28 avril 1942. Ce jour-là une rafle est
effectuée par l’occupant dans tout le département de la Seine. Cette rafle vise des militants du Parti communiste clandestin ou considérés comme tels. Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942). Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et le 28 juin, arrêtent 387 militants (avec le concours de la police parisienne), dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (le 26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine. Les autres sont connus ou suspectés par les services de Police. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat allemand de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats allemands dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire allemand est blessé à Malakoff). Lire le témoignage de Claude Souef : La rafle des communistes du 28 avril 1942 à Paris.

Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (le Frontstalag 122). Camille Salesse est remis aux autorités d’occupation à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122), en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Camille Salesse est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.<

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 46091 ».
Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

En application d’une directive de la Gestapo datée du 21 juin 1943 accordant aux détenus des KL en provenance d’Europe occidentale la possibilité de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis renfermant des vivres, Camille Salesse, comme les autres détenus politiques français d’Auschwitz (140 « 45000 » environ), reçoit en juillet 1943 l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille – rédigées en allemand et soumises à la censure – et de recevoir des colis contenant des aliments. Ce droit leur est signifié le 4 juillet 1943.

Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants. Lire l’article du site « les 45000 au block 11.  Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite du nouveau commandant du camp, Arthur Liebehenschel, et après quatre mois d’un régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, les « 45000 sont, pour la plupart, renvoyés dans leurs Kommandos et Blocks d’origine.

Dès 1944, devant l’avancée des armées soviétiques,  les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de « 45.000 » ont lieu en février 1944 et ne concernent que 6 d’entre eux.  89 autres « 45.000 » sont transférés au cours de l’été 1944, dans trois camps situés plus à l’Ouest – Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen – en trois groupes, composés initialement de trente « 45000 » sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz.  Une trentaine de « 45.000 » restent à Auschwitz jusqu’en janvier 1945.  Il y eut également quelques cas particuliers.

Lire dans le site En 1944-1945 : Les 45000 pris dans le chaos des évacuations (janvier-mai 1945) et Itinéraires des survivants du convoi à partir d’Auschwitz (1944-1945)

Liste des Français à Flossenbürg. Ils ont leur matricule d’Auschwitz. En rouge leur matricule de Flossenbürg. Les deux derniers ne sont pas des « 45.000 ».

Le 28 août 1944, Camille Salesse est transféré à Flossenbürg en Haute-Bavière (il y reçoit le matricule « 19.898 ») avec 30 autres « 45.000 ». C’est un camp de « nouvelle génération » où les déportés extraient le granit destiné aux plans colossaux de constructions nazies, qui à partir de 1943 travaille pour l’avionneur Messerschmitt. Il est ensuite transféré à Leitmeritz, un camp extérieur dépendant de Flossenbürg en janvier 1945, avec Georges Hanse et Etienne Pessot.
Camille Salesse est libéré le 8 mai 1945, et regagne la France, via Longuyon, le 22 mai 1945.
À son retour, il témoigne auprès de la FNDIRP pour établir les dates de décès de ses camarades morts à Auschwitz.
Il devient artisan-peintre en bâtiment et travaille notamment pour la Ville de Paris (sur la Tour Eiffel et au Parc Monceau).
Il habite en 1953 au 41 rue Nollet, puis en 1955 au 45 rue Truffaut (17ème).
Il est homologué « Déporté politique » en 1954.
Il a une fille avec sa compagne Monique Bidaut, Mireille, qui naît le 16 décembre 1958. Il lui écrit : « Tu es ma plus belle revanche sur les nazis« . Sa mère décède à Argenteuil en juin 1962.
Il se remarie le 17 mars 1970 à Paris 17è avec Monique, Georgette Bidaut.

Camille Salesse meurt d’un cancer, le 23 février 1971 à Paris 17ème. Il avait 59 ans.

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel). Val de Fontenay 1993.
  • Carnets de Roger Abada.
  • Témoignage de René Aondetto.
  • Etat civil de la mairie de Condat.
  • Mail de Mireille Salesse-Castor (2010).
  • Archives de la Creuse, recensements de 1911 et 1921.

Notice biographique (complétée en 2016, 2019 et 2021), réalisée initialement pour l’exposition sur les «45000» de Gennevilliers 2005, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner les références (auteur et coordonnées du blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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