Félix Assié : né en 1909 à Rohan (Morbihan) ; domicilié à Bayeux (Calvados) ;  agent des lignes PTT ; communiste ; arrêté le 1er mai 1942 comme otage communiste ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé à Auschwitz-Birkenau le 20 octobre 1942. 

Félix, Yves, Marie, Joseph Assié est né le 11 août 1909 à Rohan (Morbihan).  Il habite au 63, rue Saint-Patrice à Bayeux (Calvados) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Audrain, née à Rohan, et de Marius Assié, né à Vannes. Il a 2 sœurs et un frère aînés (Louise, née en 1899, Gabriel né en 1900 et Marie, née en 1902).
Il est célibataire.
Conscrit de la classe 1929, il signe un engagement d’au moins trois ans, car en 1932, il sollicite un « emploi réservé » en tant que « candidat militaire ».
Il est ensuite employé aux PTT, comme agent des lignes.
Il a été membre des Jeunesses socialistes avant son service militaire, puis il adhère au Parti communiste. Il emménage au 63, rue Saint-Patrice après 1936. Sa mère décède en juillet 1937. 

Elections cantonales de 1937. L’Humanité 11 septembre

Aux élections cantonales partielles de 1937, il est présenté par le Parti communiste dans le canton de Trévières, un canton rural (in l’Humanité du 11 septembre 1937).

A la déclaration de guerre de 1939, son statut « d’affecté spécial PTT » est supprimé, comme l’a été celui de la majorité des Affectés spéciaux syndicalistes et/ou communistes. Il est donc mobilisé comme 2è classe, à la 3è brigade hippomobile.
Il est fait prisonnier et incarcéré au Stalag XII A (matricule 23277).

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 18 juin 1940, les troupes allemandes occupent la ville de Caen, et toute laBasse Normandie le 19 juin. En août 8 divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Son père décède au 1er janvier 1942. Félix Assié est rapatrié d’Allemagne en zone libre le 17 mars 1942.
Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires » ou considérés comme tels, comme Félix Assié, qui a été candidat aux cantonales pour le Parti communiste en 1937.

Arrestations dans la nuit du 1er au 2 mai sur demande de la Kreiskommandanturen. Montage © Pierre Cardon

Félix Assié est arrêté dans la nuit du premier au 2 mai 1942 à Bayeux, par la police française, comme otage, avec 17 autres habitants de Bayeux, selon le comité de Libération de Bayeux.

Cette rafle est effectuée en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants. 24 otages sont fusillés le 30 avril.
Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos du sabotage de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard).

Le « Petit lycée » de Caen

Après deux jours 2 jours passés à la gendarmerie de Bayeux, il est emmené en camion pour Caen le 3 mai, à la demande de la Feldkommandantur 723,  avec ses camarades de Bayeux arrêtés en même temps que lui, au «Petit lycée» de Caen occupé par la police allemande, où sont regroupés les otages du Calvados. On leur annonce qu’ils seront fusillés. Par la suite, un sous-officier allemand apprend aux détenus qu’ils ne seront pas fusillés mais déportés (témoignage d’André Montagne). Après interrogatoire, ils sont transportés le 4 mai 1942 en cars et camions à la gare de marchandises de Caen. Le train démarre vers 22 h 30 pour le camp allemand de Royallieu à Compiègne le Frontstalag 122 (témoignage d’André Montagne).  Félix Assié y est interné le lendemain soir en vue de sa déportation comme otage.

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages »

Depuis le camp de Compiègne, Félix Assié est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

En l’absence de témoignage authentifiant le visage du déporté portant le numéro « 45 180 », on ignore si c’est ce numéro matricule qui lui est attribué le 8 juillet 1942. Ce numéro figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Monument aux morts de Bayeux. Points rouges en face des noms des « 45.000 »

Félix Assié meurt à Auschwitz le 20 octobre 1942 (in Death Books from AuschwitzSterbebücher von Auschwitz / livre des morts)

Une lettre a été envoyée par De Brinon au Préfet du Calvados (27 mai 1943) spécifiant que Félix Assié « n’a jamais été communiste, a appartenu avant guerre à la Jeunesse socialiste SFIO« .  Mais Félix Assié a été candidat aux cantonales pour le Parti communiste en 1937, et cela les services de la Préfecture le savaient….
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué.

Lettre du Comité de Libération de Bayeux à André Montagne, rescapé

Le comité de libération de Bayeux s’est adressé à André Montagne,  rescapé du convoi,  afin qu’il puisse leur communiquer des renseignements concernant les déportés bayeusains du convoi (Bigot, Cadet, Morin, Duchemin, Lacroix, Lecarpentier, Assier).

Son nom et celui de ses camarades de Bayeux déportés à Auschwitz est inscrit sur le monument aux morts de la commune.

A Caen, une plaque commémorative collective a été apposée le 26 août 1987 à la demande
de David Badache et d’André Montagne, deux des huit rescapés calvadosiens du convoi. Le nom de Félix Assié est inscrit sur la stèle à la mémoire des caennais et calvadosiens arrêtés en mai 1942. Située esplanade Louvel, elle a été apposée à l’initiative de l’association « Mémoire Vive », de la municipalité de Caen et de l’atelier patrimoine du collège d’Evrecy.
Elle est honorée chaque année.  Son nom est également honoré sur le monument aux morts des PTT.

Sources

  • Lettre du Comité de Libération de Bayeux à André Montagne (18 juillet 1945).
  • Listes préfecture et Renseignements fournis par M. Jean Quellien, historien
  • Fichier national de la Division des archives des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique rédigée en janvier 2001, complétée en 2017 et  2020, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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