Matricule « 45 184 » à Auschwitz

Georges Auguste, le 8 juillet 1942
Georges Auguste : né en 1896 à Fontenay-le-Pesnel (Calvados) : domicilié à Caen (Calvados) ; cheminot ; communiste ; arrêté le 1er mai 1942 comme otage communiste ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé à Birkenau le 12 mars 1943. 

Georges Auguste est né le 9 août 1896 à Fontenay-le-Pesnel (Calvados).  Il habite 6, rue Beau Soleil à Caen (Calvados) au moment de son arrestation selon la liste allemande (in Archives départementales du Calvados) ou rue Eustache Restout selon son petit-fils (c’est effectivement son adresse en 1936 et encore en 1939, date à laquelle un incendie s’est déclaré à son domicile).
Il est le fils de Marie-Désirée Marie, 40 ans, dentelière, puis « occupée à son ménage », née le 15 mai 1856 à Hottot-les-Bagues (Calvados) et de Jean, Baptiste Auguste, 36 ans, journalier, son époux, né le 1er février 1860 à Vendes (Calvados).
Ses parents habitent Carpiquet (banlieue de Caen). Il a une sœur aînée, Juliette (1893-1957) et un frère cadet, René (1901-1986).
Après avoir été journalier, puis caviste, Georges Auguste est embauché aux Chemins de fer comme « chauffeur de route » (le chauffeur s’occupe de la « conduite du feu » et de la production de vapeur en fonction des besoins), puis comme « mécanicien de route ».
Conscrit de la classe 1916, il est mobilisé par anticipation en 1915 comme tous les jeunes gens de sa classe (dans le village, un parent, Georges, Adrien Auguste est tué en 1915 à la bataille de la Marne).  Il est incorporé au 119è Régiment d’infanterie le 11
avril 1915. Le 18 novembre 1915, il passe au 1er Régiment de Zouaves, puis au 5è Régiment de Tirailleurs le 18 juin 1916. Il est cité à deux reprises à l’ordre du régiment. Le 27 mars 1916 « Ayant perdu sa compagnie, il s’est joint au Bataillon d’Afrique, avec lequel il a chargé à la baïonnette avec un sang-froid remarquable ». 
En avril 1917 à Verdun : « Excellent tirailleur : a fait l’admiration de ses camarades par un sang-froid remarquable et un absolu mépris du danger au cours des opérations des 17-18 et 19 avril 1917 (Verdun côte 304) ». Il est décoré de la Croix de Guerre pour ces actions.
Georges Auguste est démobilisé le 17 septembre 1919 et « se retire » à Caen au 27, rue de Vaucelles.
Au moment de son mariage, Georges Auguste est domicilié à Carpiquet.

Le 5 décembre 1919
à Caen il épouse Germaine, Hélène, 
Ernestine née Lacroix, reconnue comme Germaine Lemarchand.
« Employée d’industrie », elle habite au 92, rue Saint-Jean à Caen. Elle est née le 1er juillet 1900 à Sainte-Marguerite-de-Viette, Calvados (elle est décédée en 1987).
Sur la photo de gauche ci-dessous, il pose avec sa Croix de guerre.

Avec sa future épouse, il pose en uniforme avec sa croix de guerre

Le couple a un garçon, Maurice, qui naît en 1920, mais qui décède à l’âge d’un an.
Ils auront ensuite quatre filles (Yvette, née le 15 mars 1922, Simonne, née 14 octobre 1923, Marcelle, née le 11 mars 1925 et Jeanne née le 8 octobre 1926, toutes les quatre à Caen).
En 1936 Georges Auguste habite 24, rue Eustache Restout à Caen.
Il est alors mécanicien de route, à l’arrondissement 
de traction de Caen.
Il est placé à ce titre dans la Réserve de l’armée active au titre d’Affecté spécial (comme brigadier-ouvrier à la 4è section des chemins de fer de campagne).
Fin août 1939, un feu de cheminée se déclare à son domicile de la rue Eustache Restout, ne causant que des dégâts matériels (in Ouest-Eclair du 2 septembre 1939).

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 18 juin 1940, les troupes allemandes arrivant de Falaise occupent la ville de Caen, et toute la Basse Normandie le 19 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.

Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les syndicalistes, anciens élus ou militants communistes « notoires » et a procédé à des perquisitions et des arrestations (62 domiciles de militants sont  perquisitionnés, dont ceux de 10 cheminots, et 18 arrestations sont effectuées). Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.

Selon les attestation similaires d’Henri Neveu et Michel De Bouard (anciens responsables du Front National pour Caen, le premier pour les cheminots) : « il a appartenu au Front National depuis 1941, fut l’un des organisateurs de groupes du FN au service Traction de la gare de Caen, participa à la diffusion de tracts et journaux clandestins et au sabotage des machines servant aux transports allemands et dont le Dépôt assurait l’entretien, il plaça également des cartes de solidarité au profit des camarades vivant dans l’illégalité »
Georges Auguste est cheminot, mécanicien à la SNCF et militant communiste connu des services de police (c.f. le document allemand reproduit plus bas, en date du 5 avril 1942, référencé en juin 1942 par la Place Beauvau).
Il est arrêté par la police française, sur le quai de la gare, alors qu’il descendait de sa locomotive, le 2 mai 1942.

Son arrestation a lieu en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants.
Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos du sabotage de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard).

Il est emmené de nuit à la Maison centrale de la Maladrerie de Caen, entassé avec d’autres militants arrêtés le même soir, au sous-sol dans des cellules exiguës. A la demande des autorités allemandes (la Feldkommandantur 723), Georges Auguste et ses codétenus sont conduits en autocars le 3 mai au «Petit lycée» de Caen occupé par la police allemande, où sont regroupés les otages du Calvados. On leur annonce qu’ils seront fusillés. Par la suite, un sous-officier allemand apprend aux détenus qu’ils ne seront pas fusillés, mais déportés.  Après interrogatoire, ils sont transportés le 4 mai 1942 en cars et camions à la gare de marchandises de Caen. Le train démarre vers 22 h 30 pour le camp allemand de Royallieu à Compiègne le Frontstalag 122 (témoignage d’André Montagne).
Georges Auguste y est interné le lendemain soir en vue de sa déportation comme otage.
A la suite de l’arrestation de 27 cheminots du Calvados du 1er au 4 mai 1942 (dont 8 par tirage au sort), la Direction de la SNCF a sollicité l’intervention de l’ambassadeur de France qui écrit le 15 mai 1942 au Général commandant les forces militaires allemandes en France, soulignant l’impact de ces mesures sur le personnel cheminot très sollicité et en sous effectifs, et demandant leur révision (en vain). Georges Auguste fait partie de la liste mentionnée, avec sa fonction : mécanicien de route à Caen (arrondissement de traction de Caen). 
Réponse le 16 juin 1942 de la Sipo-SD (Gestapo) à la Generaldelegation der französicher Regierung bein Militäbefeehlsaber in
Frankreich
, Délégation générale du gouvernement français, Centre de commandement militaire en France, Place Beauvau, signée par un SS Sturnbannführer (équivalent de Major Wehmacht).  

Réponse des services allemands

Der grösste Teil der verhafteten Personen ist bereits wieder entlassen. Bei felgenden Personen ist die Kommunistishe Betätigung nachgewiesen, sodacs die Enthaftung zur Zeit noch nicht in Betrachtkommen kann. Im übrigen sind einige Personnen von dem Präfekten verhaftetden. Wie hier bekannt wird, ist davon auch ein Teil bereitts wieder auf freine Fuss gesetzt worden. Der grösste Teil der verhafteten Personen ist bereits wieder entlassen. Bei felgenden Personen ist die Kommunistishe Betätigung nachgewiesen, sodacs die Enthaftung zur Zeit noch nicht in Betrachtkommen kann ».
C’est une fin de non recevoir.
« La plupart des personnes arrêtées ont déjà été libérées. Mais l’activité communiste a été prouvée chez des sujets innocents (du déraillement), de sorte que leur libération n’est pas effective. Quelques personnes arrêtées par la Préfecture ont été mises en attente selon nos informations ».

A Compiègne, il reçoit le matricule n° 5244, bâtiment C 5, chambre 9.

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Georges Auguste est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est dans le même wagon que son camarade Marcel Cimier, auquel il raconte qu’il a conduit, comme mécanicien sur le réseau d’Etat, le train spécial d’Hermann Goehring (commandant en chef de la Luftwaffe) et de Von Brauchitsch (Generalfeldmarschall,
commandant en chef de l’armée de terre allemande de 1938 à 1941). 
Il déduit rapidement que le train se dirige vers l’Allemagne (« on sera bientôt fixés« ). Georges Auguste est le premier du wagon à descendre à Auschwitz.

Comme il tarde à prendre sa valise que lui tend Marcel Cimier, il reçoit « un formidable coup de cravache lui fut asséné sur la tête, mais il ne tomba pas, car malgré sa petite corpulence, il était robuste » (Marcel Cimier in Les incompris p. 15).
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 184 ».

Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Il fait partie des Français qui restent à Birkenau le 13 juillet 1942.

Validation au titre des FFC

Georges Auguste meurt le 12 mars 1943 à Birkenau, d’après les registres du camp. Quelques jours à peine avant le transfert des derniers survivants français de Birkenau au camp principal.
Il a été déclaré « Mort pour la France ».
Il est homologué au titre des Forces Françaises Combattantes (FFC) constituées des agents des réseaux de renseignement, d’action et d’évasion et DIR (Déportés et Internés Résistants).
Le 15 mai 1958 il est homologué « Déporté Résistant ».

Lettre de la SNCF à André Montagne

André Montagne, rescapé caennais a effectué de nombreuses démarches pour l’obtention de pensions à la demande des épouses ou des familles de ses camarades décédés. Ce fut le cas pour Georges Auguste. Ci-contre le deuxième courrier qu’il reçoit de la SNCF le 25 avril 1946. 

Une plaque commémorative a été apposée le 26 août 1987 à la demande de  David Badache et André Montagne, deux des huit rescapés calvadosiens du convoi. Le nom de Georges Auguste est inscrit sur la stèle à la mémoire des caennais et calvadosiens arrêtés en mai 1942. Située esplanade Louvel, elle a été apposée à l’initiative de l’association « Mémoire Vive », de la municipalité de Caen et de l’atelier patrimoine du collège d’Evrecy.
Elle est honorée chaque année. 

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Registre matricule militaire de Georges Auguste (archives du Calvados).
  • Lettres de sa veuve à André Montagne : nov-déc. 1945.
  • Témoignages de rescapés : Charles Lelandais de Caen (45774), Eugène Beaudouin de Mondeville (45207).
  • Plusieurs citations dans les 83 pages dactylographiées du carnet de René Cimier (« les incompris »)
  • Lettres du service du Personnel SNCF à André Montagne : mars-avril 46.
  • Fiche CAL (remise par Jean Quellien en février 1992)
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P). Fiche N° 21351.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • Recherches généalogiques (état civil, recensement, registre matricule militaire) effectuées par Pierre Cardon.
  • Photos communiquées par sa petite nièce par alliance (décembre 2020). Droits réservés.

Notice biographique rédigée en janvier 2001 (modifiée en 2015, 2017, 2020 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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