Lettre du Comité de libération de Bayeux  à André Montagne (18 juillet 45).

 

Georges Bigot : né en 1904 à Flers (Orne) ; domicilié à Bayeux (Calvados) ; ajusteur SNCF ; communiste ; arrêté le 1er mai 1942 comme otage communiste ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé à Auschwitz le 18 septembre  1942. 

Georges Bigot est né le 6 juillet 1904 à Flers (Orne). Il habite 19, Cité Bellevue à Bayeux (Calvados) au moment de son arrestation.
Sa mère est couturière et son père employé des chemins de fer.
Georges Bigot est ouvrier ajusteur, il entre à la SNCF le 6 avril 1925.

Le 27 juin 1925 à Bayeux, il épouse Yvonne, Juliette Vassal
, née le 7 décembre 1901 à Bayeux (elle est décédée en 1994 à Athis Mons).
Le couple a 4 enfants âgés de 2, 8, 11 et 16 ans au moment de son arrestation (Jacqueline, née le 8 février 1926, à Sainte-Marguerite d’Elle, Bernard, né le 27 février 1931 à Bayeux, Nicole, née le 22 mars 1934 à Bayeux et Gérard né le 15/10/1939).
En 1926, il est ajusteur sous la responsabilité du « chef de dépôt » des Chemins de fer à Sainte-Marguerite d’Elle (entre Bayeux et Saint-Lô), ville où naît leur première fille. Ils y habitent au 53-59, rue de la Gare, avec d’autres familles cheminotes.

« Secrétaire du Syndicat des cheminots bayeusains, formé après la réunification des deux sections syndicales (1935). Il est secrétaire de l’Union locale de 1935 à 1937 (au moins). Il fait partie de la délégation de quatre cheminots qui remet au Préfet une protestation contre les décrets-lois de novembre 1938 et demande le respect des conventions collectives des chemins de fer. Le 1er mai 1939, il participa à une réunion organisée par l’Union locale » (Le Maitron, notice de Gabriel Désert).

En 1931, ils ont quitté Sainte-Marguerite d’Elle et résident à Bayeux, où naît leur fils Bernard.
En 1936, la famille habite au 19, Cité Bellevue à Bayeux, proche de la gare, une cité où résident de nombreux cheminots. Au n°13 de la même Cité habitent les jumeaux Lacroix, qui seront déportés en même temps que lui.
Georges Bigot est membre du Parti communiste.

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 18 juin 1940, les troupes allemandes arrivant de Falaise occupent la ville de Caen, et toute la Basse Normandie le 19 juin.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.

Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.
Georges Bigot est semble-t-il engagé dans l’action clandestine : «Il travaillait pour la Résistance» selon Yvonne Lerouge, de Bayeux (déportée « NN » en décembre 1943 à la prison de Breslau, puis au camp de Ravensbrück).

Arrestations dans la nuit du 1er au 2 mai sur demande de la Kreiskommandantur. Montage © Pierre Cardon

Dans la nuit du premier au deux mai 1942, Georges Bigot est arrêté comme otage, à Bayeux, par la gendarmerie française, en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants.  Lire «le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados».

Après deux jours 2 jours passés à la gendarmerie de Bayeux, il est emmené le 3 mai en camion pour Caen à la demande de la Feldkommandantur 723, avec ses camarades de Bayeux arrêtés en même temps que lui, au «Petit lycée» de Caen occupé par la police allemande, où sont regroupés les otages du Calvados. On leur annonce qu’ils seront fusillés. Par la suite, un sous-officier allemand apprend aux détenus qu’ils ne seront pas fusillés mais déportés. Après interrogatoire, ils sont transportés le 4 mai 1942 en cars et camions à la gare de marchandises de Caen. Le train démarre vers 22 h 30 pour le camp allemand de Royallieu à Compiègne le Frontstalag 122 (témoignage André Montagne).  Georges Bigot y est interné le lendemain soir en vue de sa déportation comme otage.
A la suite de l’arrestation de 27 cheminots du Calvados entre le 1er et le 4 mai, dont huit par tirage au sort, la Direction de la SNCF a sollicité l’intervention de l’ambassadeur de France (15 mai) auprès du Général commandant les forces militaires allemandes en France, soulignant l’impact de ces arrestations sur le personnel cheminot très sollicité et en sous effectifs, et demandant la révision de la mesure (en vain, ils sont déjà à Compiègne). Georges Bigot fait partie de la liste mentionnée.

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Georges Bigot est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés auStammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro « 46 220 » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) était signalé comme incertain. Il correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules.
Elle avait notamment pour objectif de faciliter l’identification des 522 photos anthropométriques de « 45 000 » préservées de la destruction par des résistants du camp et retrouvées après la libération d’Auschwitz. Cependant, cette reconstitution n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il serait donc hasardeux de maintenir ce numéro en l’absence de nouvelles preuves.
Le 13 juillet – après les cinq jours passés par l’ensemble des “45 000” à Birkenau – il est ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après l’appel du soir. Avec Etienne Cardin, Marcel Cimier et Roger Pourvendier, il est assigné au Block 17-A.
Il est d’abord affecté comme mécanicien dans un garage de voitures personnelles des SS.

Monument aux morts de Bayeux Points rouges, les « 45.000 »

Ne sachant pas parler allemand, ils en sont rapidement évincés par le Kapo polonais au bénéfice de compatriotes nouvellement arrivés et ils sont envoyés vers des Kommandos plus difficiles (témoignage de Marcel Cimier).

Georges Bigot meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942 d’après les registres du camp.

Georges Bigot est homologué comme Résistant, au titre des Forces Françaises Combattantes (FFC) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service
historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 171259.

Son nom et celui de ses camarades déportés à Auschwitz est inscrit sur le monument aux morts de la commune de Bayeux.
Une plaque commémorative collective a été apposée le 26 août 1987 à la demande de David Badache et André Montagne, deux des huit rescapés calvadosiens du convoi. Le nom de Georges Bigot est inscrit sur la stèle à la mémoire des caennais et calvadosiens arrêtés en mai 1942. Située esplanade Louvel, elle a été apposée à l’initiative de l’association « Mémoire Vive », de la municipalité de Caen et de l’atelier patrimoine du collège d’Evrecy.
Elle est honorée chaque année.

Sources

  • Lettre du Comité de libération de Bayeux à André Montagne (18 juillet 45).
  • Cahier-témoignage dactylographié de Marcel Cimier, « Les incompris ».
  • Archives départementales M.520 – Bayeux 321.
  • Archives « de Brinon »
  • « Les Cheminots du Calvados« , Josianne Roquebert, Mémoire de maîtrise, Caen, (1973).
  • Renseignements fournis par Jean Quellien, historien, fév.1992.
  • Bayeux et le Bessin 1940-44, Préface de Jean Quellien
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen.
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, tome 19, page 164. Et notice en ligne de Gabriel Désert.
  • Recherches généalogiques (état civil, recensements 1926 à Sainte-Marguerite d’Elle, et 1936 à Bayeux) effectuées par Pierre Cardon.

Notice biographie rédigée en janvier 2001, complétée en 2017, 2020 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive », Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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