Matricule « 45.258 » à Auschwitz

René Blin le 8 juillet 1942
René Blin : né à Caen (Calvados) en 1907, où il habite ; chauffeur de chaudière ; syndicaliste CGT ; arrêté le 2 mai 1942 comme otage communiste ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé à Auschwitz-Birkenau le 29 octobre 1942. 

René Blin est né à Caen, le 23 janvier 1907. Il y habite, au 69, rue du Vaugueux, quartier du port, au moment de son arrestation.
Il est né au domicile de ses parents 46, rue des Chanoines. Il est le fils de Rachel, Angèle Dujardin, 21 ans, née 1886 à Condé-sur-Noireau (Orne), couturière et d’Eugène, Ferdinand, Victor Blin, 27 ans, journalier, né le 9 mars 1879 à Caen. Ses parents se sont mariés en 1909 et il est reconnu par ses parents lors du mariage.
En janvier 1920, la famille est domiciliée au 30, rue de Geôle à Caen. Son père décède le 20 janvier 1920. En 1921, sa mère est journalière. Veuve, elle a pris un pensionnaire, un charretier de 56 ans originaire de Mulhouse. Sa mère décède le 30 octobre 1925.
En 1926, René Blin a déménagé. En 1930, il habite au 7, rue du Vaugueux, dans le même quartier, proche du port. A cette époque, chauffeur, il est condamné à 50 F d’amende, ayant été arrêté à la suite d’une bagarre (l’Ouest-Eclair du 12 juillet 1931).

Le 16 janvier 1931 René Blin épouse à Caen, Fernande, Germaine, Ernestine Mutrel. Elle est née le 1er  avril 1912 à Caen. Elle est journalière et habite au 7, rue de la Pigacière à Caen avec sa mère. René Blin habite alors au 18, rue Saint-Pierre.
Le couple aura deux filles : Ginette, née le 17 mai 1933, et Denise, née le 10 janvier 1935.

L’hôpital Clémenceau, années trente

René Blin travaille comme chauffeur de chaudière à l’usine thermique de l’hôpital Clémenceau (Hospices Civils de Caen), à l’époque rue de la Masse.
Il est délégué du personnel et secrétaire du syndicat CGT des hospitaliers de Caen.
Selon sa fiche au DVACC, il a été membre du Parti communiste, ce que dément le fichier de l’Union départementale des Syndicats ouvriers du Calvados (syndicat légal à Caen, 11/04/1943) : « bon militant syndicaliste, n’a jamais milité au Parti Communiste ».
Il est mobilisé en septembre 39 et envoyé à la frontière belge.

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.
Le 18 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht arrivant de Falaise occupent la ville de Caen, et toute la Basse Normandie le 19 juin. En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.  Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.
Il « avait recueilli à sa démobilisation en 40 un petit-neveu orphelin de guerre«  selon l’Union départementale des Syndicats ouvriers du Calvados (Caen, 11/04/1943).
René Blin est arrêté par la police française, le 2 mai 1942 sur son lieu de travail, par un agent de Police français et un Allemand en armes (témoignage de son collègue de travail Henri Moussard). 

Liste préfecture.  Krankenhauschaff (employé à l’hôpital)

Il figure en effet sur la liste de 120 otages « communistes et Juifs » établie par les autorités allemandes. Son arrestation a lieu en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants. Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos du sabotage de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard).

Le « Petit Lycée » de Caen

Il est emmené à la Maison centrale de la Maladrerie de Caen (dite également prison de Beaulieu), entassé avec d’autres militants arrêtés le même jour, au sous-sol dans des cellules exiguës.  A la demande des autorités allemandes, René Blin et ses codétenus sont conduits en autocars le 3 mai au «Petit lycée» de Caen occupé par la police allemande, où sont regroupés les otages du Calvados.
On leur annonce qu’ils seront fusillés. Par la suite, un sous-officier allemand apprend aux détenus qu’ils ne seront pas fusillés mais déportés.
Après interrogatoire, ils sont transportés le 4 mai 1942 en cars et camions à la gare de marchandises de Caen. Le train démarre vers 22 h 30 pour le camp allemand de Royallieu à Compiègne le Frontstalag 122 (témoignage André Montagne). René Blin y est interné le lendemain soir en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, René Blin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

René Blin est immatriculé à Auschwitz sous le numéro matricule « 45.258 ».
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz a été validé grâce à l’identification de la photo d’immatriculation du 
numéro « 45258 » présumé, figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000).
La photo d’immatriculation de ce matricule (1) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.  

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

René Blin meurt à Birkenau le 29 octobre 1942, d’après les registres du camp.

Plaque à la chaufferie de l’hôpital Clémenceau

Une plaque lui rendant hommage est apposée le 13 octobre 1946 à l’intérieur de la chaufferie de l’hôpital Clémenceau. Charles Lelandais , caennais rescapé du même convoi, prononce son hommage en tant que secrétaire de la section locale de la FNDIRP.
Une plaque commémorative a été apposée le 26 août 1987 à la demande de  David Badache et André Montagne, deux des huit rescapés calvadosiens du convoi.
Le nom de René Blin est inscrit sur la stèle à la mémoire des caennais et calvadosiens arrêtés en mai 1942. Située esplanade Louvel, elle a été apposée à l’initiative de l’association « Mémoire Vive », de la municipalité de Caen et de l’atelier patrimoine du collège d’Evrecy. Elle est honorée chaque année.

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • Recherches généalogiques (état civil de Caen, naissance et mariages, recensements 1921 à 1936, registre matricule militaire de son père, articles de presse) effectuées par Pierre Cardon, qui a fait une partie de ses études à l’hôpital (devenu CHU) Clémenceau.

Notice biographique rédigée en janvier 2001, complétée en 2017 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com  

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