Camille Delbès : né en 1892 à Aubin (Aveyron) domicilié à Issy-les-Moulineaux (Seine) ; coiffeur, tailleur, cantonnier ; conseiller municipal communiste ; arrêté le 26 octobre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 31 août 1942.
Camille, Paul Delbès est né le 4 mars 1892 chez ses parents au lieu-dit Fromental à Aubin (Aveyron). Il habite au 68 (DAVCC) ou 109 (acte de décès) avenue de Verdun, à Issy-les-Moulineaux (ancien département de la Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Fraysse, née à Puivezac, 38 ans, sans profession et de Jean Delbès, né à Roussenac, 48 ans, mineur, son époux.
Selon sa fiche matricule militaire Camille Delbès mesure 1m 52, a les cheveux noirs et les yeux châtain foncé, le front et le nez moyen, le visage rond. Au moment du conseil de révision, il travaille comme coiffeur, puis tailleur d’habits, puis comme cantonnier et habite à Roussenac (canton de Monbazens, Aveyron).
Il a un niveau d’instruction « n° 2 » pour l’armée (sait lire et écrire et compter, instruction primaire). Conscrit de la classe 1912, Camille Delbès est classé « service auxiliaire » pour « musculature insuffisante ». Il est appelé au service militaire le 10 octobre 1913 et incorporé à la 16ème section d’infirmiers le même jour. A la déclaration de guerre et à sa demande, il est classé « service armé » le 13 août 1914 (décision de la commission de réforme de Perpignan). Il passe à la 5ème section d’infirmiers le 29 juillet
1915. La commission de réforme de Château-Thierry du 15 janvier 1917 le maintient « service armé, inapte toutes armes, apte brancardier » pour « faiblesse, taille 1m 52 ». Il passe à la 16èmesection d’infirmiers le 1eroctobre 1917 et à la 6èmesection le 2 août 1919.
Le 2 août 1918, il est « blessé légèrement au cou par un éclat d’obus provenant de l’éclatement d’un obus ». Camille Delbès est décoré de la Croix de guerre avec étoile d’argent. Il est mis en congé de démobilisation le 21 août 1919, et « se retire » au
15 rue du Port à Mèze (Hérault), chez Serveille. La commission de réforme militaire de Montpellier en 1921, ne retient pas d’affections suffisantes pour un droit à pension (moins de 10% d’invalidité). Il est titulaire de la retraite du combattant.
Camille Delbès vit maritalement depuis 1931 avec Euphrasie, Bertranne, Marie, Jeanne Le Breton (1) cuisinière ou fille de salle. Elle est née le 4 février 1900 à Melgven (Finistère). Elle avait deux enfants de son mariage avec Laurent Yvon Baptiste Mayet épousé le 17 mai 1924 : Marcel Mayet, né le 20 février 1924 et Marie, Madeleine Mayet, née le 21 mars 1927. Son mariage est dissous par jugement de divorce le 14 janvier 1930.
Camille Delbès travaille aux Ponts et Chaussées du département de la Seine.
Militant communiste, Camille Delbès est élu aux élections municipales du 12 mai 1935 sur la liste antifasciste de Victor Cresson (2). « Au second tour socialistes et communistes formèrent une liste « Antifasciste » composée de vingt communistes, huit socialistes et avec 3 853 voix contre 3 714 voix à la liste du PUP et 513 à la liste des « anciens combattants » (Le Maitron).
Camille Delbès est placé dans la position « sans affectation » militaire au titre des Ponts et Chaussées du département de la Seine en 1938.
Il est déchu de son mandat électif par la délégation de préfecture, le 9 février 1940, comme le maire et les autres élus communistes n’ayant pas désavoué le pacte germano-soviétique.
Le 3 juin 1940, l’aérodrome d’Issy-les-Moulineaux, servant de base aux avions de l’Etat Major de l’armée française pour les liaisons, et la cartoucherie Gevelot sont bombardés par la Luftwaffe (nom de code « Opération Paula ». Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Camille Delbès est arrêté le 26 octobre 1940, et interné ce même jour au camp de « séjour surveillé » d’Aincourt, près de Mantes dans le département de la Seine-et-Oise (aujourd’hui dans le Val d’Oise) ouvert spécialement, en octobre 1940, pour y enfermer les communistes arrêtés dans la région parisienne par le gouvernement de Vichy. Il y a le n° de dossier 215.735. Il y retrouve l’ancien maire Victor Cresson et Fernand Maillet, ancien premier adjoint, évadés du camp de Riom en septembre, mais repris et internés à Aincourt en octobre 1940.
Lire dans le site : Le camp d’Aincourt
Lors de la « révision trimestrielle » de son dossier (elles ont lieu en février 1941, le mardi 25 février pour Camille Delbès), le commissaire Andrey directeur du camp émet un avis négatif sur une éventuelle libération : « reste communiste, son internement n’a modifié en rien ses opinions », écrit-t-il.
Les internés administratifs à Aincourt en 1940 n’ont en effet pas été condamnés : la révision trimestrielle de leurs dossiers est censée pouvoir les remettre en liberté, s’ils se sont «amendés»…
Andrey, dont l’anticommunisme est connu, a émis très peu d’avis favorables, même s’il reconnaît la plupart du temps « l’attitude correcte » de l’interné, ce qui est le cas pour Camille Delbès.
Par une lettre adressée à sa compagne Jeanne le 22 mai 1941, on sait qu’elle n’a pas pu le voir à Noël 1940, les visites ayant été supprimées pour les internés de la Seine. Mais que Camille Delbès est inscrit au tableau des visites de Pentecôte le jeudi 4 juin 1941.
Camille Delbès est remis aux autorités allemandes, à leur demande, en mai 1942. Le 9 mai 1942, Camille Delbès est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) au sein d’un groupe d’une quinzaine d’internés venant d’Aincourt ou de Mantes, en vue de leur déportation comme otages.
Les bruits d’une déportation imminente circulent dans le camp et Camille Delbès prend les dispositions pour épouser Jeanne et reconnaître ses enfants. Camille Delbès épouse Euphrasie Le Breton le 24 juin 1942 alors qu’il est interné à Compiègne (le document ci-contre fourni par Madeleine Mayet concernant sa mère), reconnaissant ses deux enfants qui seront ses seuls héritiers (le document ci-contre nous a été photocopié par Madeleine Mayet est un certificat de propriété du 12 juillet 1942, dressé en 1947 par le maire d’Issy-les-Moulineaux, Fernand Maillet, leur permettant de toucher les sommes qui pourraient être dues à Camille Paul Delbès au titre de sa retraite d’ancien combattant).
On lira la notice biographique d’Euphrasie Delbès dans le Maitron https://maitron.fr/spip.php?article21984 (notice Daniel Grason). Agent de liaison FTP, arrêtée au début avril 1944, elle est déportée à Ravensbrück le 15 août 1944, où elle meurt le 1er mars 1945 (voir note 1).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Camille Delbès est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore son numéro d’immatriculation à Auschwitz. Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Camille Delbès meurt à Auschwitz le 31 août 1942 d’après les registres du camp (« Death books from Auschwit). Son état civil établi dans les années d’après guerre et un arrêté du 28 janvier 1988 publié au JO du 10 mars 1988 portant apposition de la mention « mort en déportation » portent néanmoins une autre date « mort à Auschwitzen 1942 » (jugement déclaratif de décès). La raison en est simple : afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés, l’état civil français n’ayant pas eu accès dans les années d’après-guerre aux archives d’Auschwitz emportées par les armées soviétiques, a fixé celle-ci à une date fictive (le 1er, 15 ou 30 d’un mois estimé) sur la base du témoignage d’un de ses compagnons de déportation. Deux rescapés du convoi, Lucien Penner et René Aondetto ont attesté de sa mort « vers le début 1943 ».
Il a été déclaré « Mort pour la France » en 1947.
Son nom et celui de trois autres « 45 000 » est honoré sur le monument aux morts.
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Note 1 : Jeanne Delbès continue le combat de son mari. Membre des FTPF depuis décembre 1943, elle participe à de nombreuses missions comme agent de liaison. Elle est arrêtée le 4 avril 1944 par la Gestapo (elle assurait la liaison avec l’inter-région). Internée à Romainville, elle est déportée à Ravensbruck en juin 1944, où elle meurt en mars 1945 (liste rapportée à l’Amicale de Ravensbruck par Marie-Claude Vaillant-Couturier). Elle a été déclarée « Mort pour la France » et homologuée au titre de la RIF (Résistance Intérieure Française) avec le grade de sergent.
- Note 2 : Victor Cresson, est arrêté et interné administrativement le 19 décembre 1939. Déchu
de son mandat électif le 9 février 19401, il s’évade lors du repli des prisons de Paris. Il est à nouveau arrêté le 18 novembre 1940. Condamné, il est interné au camp de Châteaubriant le 11 avril 1941. Transféré à Compiègne, il est déporté à Mauthausen par le convoi du 25 octobre 1943. Il y est porté décédé le 12 février 1944 (site de la FMD) et le 15 février 1944 au JO1988p01442-01445. cf sa notice biographique dans le Maitron, dictionnaire du Mouvement ouvrier, version électronique, désormais en accès libre, maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/.
Sources
- Archives départementales de la Seine (DM3)
- Etat-civil mairie d’Aubin
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Dossier individuel consulté en juillet 1992
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom et version électronique, désormais en accès libre, maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/.
- Etat civil en ligne de l’Aveyron.
- Photocopies de documents concernant Camille Delbès et son épouse Jeanne fournis par Madame Madeleine Mayet, fille de Jeanne.
- Registres matricules militaires.
Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016, 2019, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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