Pierre Duchemin le 8 juillet 1942 à Auschwitz

Matricule « 45 492 » à Auschwitz

Pierre Duchemin : né en 1920 à Paris 14è ; domicilié à Bayeux (Calvados) ; menuisier ; communiste ; arrêté le 1er mai 1942 comme otage communiste ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé à Auschwitz-Birkenau le 20 octobre 1942. 

Pierre, Jules Duchemin est né le 11 avril 1920, au 117, rue de l’Ouest, à Paris 14è .
Il habite au 53, rue Saint-Patrice à Bayeux (Calvados) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Suzanne, Maria, Guyot, 30 ans, sans profession et de Léon, Jules Duchemin, 33 ans, employé de commerce.
Il est célibataire.
Il travaille comme chauffeur (SHD Caen) ou menuisier (selon sa mère).
Il a un frère cadet, Robert, né le 25 mars 1923, comme lui à Paris 14è. Selon le Préfet du Calvados (27/04/1950) « Pierre Duchemin est arrivé à Bayeux en novembre 1939, il effectuait avec son frère Robert des petits transports à l’aide d’une remorque tirée par une bicyclette« .

Soldats allemands à Caen

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 18 juin 1940, les troupes allemandes arrivant de Falaise occupent la ville de Caen, et toute la Basse Normandie le 19 juin. En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.

D’après l’attestation de Michel de Bouard (Président départemental du Front National à la Libération) Pierre Duchemin « appartenait depuis le début de 1942 au groupe du Front National constitué dans la région de Bayeux par Edouard Lefèvre« .

Fiche d’arrestation des deux frères Duchemin, montage © Pierre Cardon

Jeune communiste, il est arrêté le 1er mai 1942, à Bayeux en même temps que son frère Robert (1) qui est « marchand de cycles » en 1942 selon la liste d’arrestation de la Préfecture, par des gendarmes français à la demande de la Kreiskommandanturen.

Cette arrestation a lieu en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants. 24 otages sont fusillés le 30 avril.
Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos du sabotage de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard).

Après deux jours 2 jours passés à la gendarmerie de Bayeux, il est emmené le 3 mai en camion pour Caen à la demande de la Feldkommandantur 723, avec ses camarades de Bayeux arrêtés en même temps que lui, au «Petit lycée» de Caen occupé par la police allemande, où sont regroupés les otages du Calvados. On leur annonce qu’ils seront fusillés. Par la suite, un sous-officier allemand apprend aux détenus qu’ils ne seront pas fusillés mais déportés. Après interrogatoire, ils sont transportés le 4 mai 1942 en cars et camions à la gare de marchandises de Caen. Le train démarre vers 22 h 30 pour le camp allemand de Royallieu à Compiègne le Frontstalag 122 (témoignage André Montagne) . Pierre Duchemin y est interné le lendemain soir en vue de sa déportation comme otage.

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Le 6 juillet 1942, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Pierre Duchemin  est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 492″

Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Pierre Duchemin meurt à Auschwitz le 20 octobre 1942 selon les registres du camp (date inscrite dans les registres du camp et transcrite à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 1, page 242). 

Sa famille a déposé un dossier d’homologation au titre de la Résistance intérieure française, RIF (service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 196089). Cette démarche n’a pas abouti.
La date de décès initialement portée par un jugement du tribunal de Bayeux de 1948 au « 1er juillet 1942 à Auschwitz » a été rectifiée en 1991 en « 20 octobre 1942 ».

Lettre du Comité de Libération de Bayeux à André Montagne (18 juillet 1945).

Le comité de libération de Bayeux s’est adressé à André Montagne,  rescapé du convoi, afin qu’il puisse leur communiquer des renseignements concernant les déportés bayeusains du convoi (Bigot, Cadet, Morin, Duchemin, Lacroix, Lecarpentier, Assier).

Monument aux morts de Bayeux : Points rouges, les « 45.000 »

Son nom et celui de ses camarades déportés à Auschwitz est inscrit sur le monument aux morts de la commune. Une plaque commémorative collective a été apposée le 26 août 1987 à la demande de David Badache et André Montagne, deux des huit rescapés calvadosiens du convoi. Le nom de Pierre Duchemin est inscrit sur la stèle à la mémoire des caennais et calvadosiens arrêtés en mai 1942. Située esplanade Louvel, elle a été apposée à l’initiative de l’association « Mémoire Vive », de la municipalité de Caen et de l’atelier patrimoine du collège d’Evrecy. Elle est honorée chaque année. 

  • Note 1 : Robert Duchemin « est revenu 9 mois après », selon le témoignage de sa mère. Il a donc été libéré à Compiègne, à l’instar de Claude Souef, jeune communiste libéré quelques jours avant le départ du Convoi du 6 juillet 1942 où son aîné Olivier Souef est déporté.
  • Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Fiche FNDIRP n°21392, établie par sa mère.
  • Lettre du Comité de Libération de Bayeux à André Montagne (18 juillet 1945).
  • Renseignements fournis par Jean Quellien, historien. février 1992.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen.

Notice biographique rédigée en janvier 2001, complétée en 2017, 2020 et 2024, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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