Paul Dumont à Auschwitz le 8 juillet 1942

Matricule « 45.503 » à Auschwitz


Paul Dumont : né en 1905 à Laon (Aisne) ; domicilié à Issy-les-Moulineaux (Seine) ; plâtrier ; arrêté le 3 mai 1941, condamné à 10 mois de prison, ramenés à 6 mois en appel (Fresnes) ; interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 11 août 1942.

Paul, Alphonse Dumont est né le 24 octobre 1905 à Laon (Aisne). Il habite au 25 rue Diderot à Issy-les-Moulineaux (Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Alphonsine Michel, 23 ans, manouvrière et de Paul, Eugène Dumont, 29 ans, domestique de culture, son époux.
Il exerce le métier de plâtrier.
Après son service militaire, il épouse Félicie, Valentine Bourgeon le 28 avril 1928, à Laon. Fille de cultivateurs, sans profession, elle est née le29 novembre 1907 à Mazirat (Allier). Le couple a un garçon, Jean, Charles, qui naît le 24 août 1928 à Sissonne (Aisne) (il est décédé le 5 octobre 2014 à Vierzon (Cher).

Le Populaire 17 février 1940

En 1932, il s’inscrit sur les listes électorales d’Issy-les-Moulineaux. Plâtrier à Billancourt (Seine), il est alors domicilié au 4, rue Lazare Carnot dans cette ville.
Militant antifasciste, il est élu aux élections municipales du 12 mai 1935 sur la liste de Victor Cresson. « Au second tour socialistes et communistes formèrent une liste « Antifasciste » composée de vingt communistes, huit socialistes et avec 3 853 voix contre 3 714 voix à la liste du PUP et 513 à la liste des « anciens combattants » (Le Maitron).
En 1936, la famille Dumont est domiciliée au 25, rue Diderot à Issy.
Il assiste à la séance du conseil municipal du 12 juillet 1939. A celle du 26 septembre il est indiqué « mobilisé ».
Il est déchu de son mandat électif le 9 février 1940 par le Conseil de Préfecture.

Le 3 juin 1940, l’aérodrome d’Issy-les-Moulineaux, servant de base aux avions de l’Etat Major de l’armée française pour les liaisons, et la cartoucherie Gevelot sont bombardés par la Luftwaffe (nom de code « Opération Paula ».  Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier  détachement  allemand  occupe  la mairie de Nanterre et l’état-major  s’y  installe. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Paul Dumont est arrêté le 3 mai 1941, avec Ernest RossignolIl aurait été pris en flagrant délit par les agents du commissariat de Vanves avec lui sur le boulevard Gambetta à Issy-les-Moulineaux alors qu’ils peignaient sur les murs avec un rouleau imprimeur en caoutchouc (principe de la tampographie), le slogan « Le Gouvernement du peuple fera la France Libre » (archives de la PP). Le 5 mai, il est inculpé d’infraction au décret du 26
septembre 1939 (dissolution du Parti communiste). Il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé à Paris (14ème), quartier Montparnasse.
Le 10 mai, il est jugé avec un co-inculpé par la 12ème chambre du Tribunal correctionnel de la Seine. Paul Dumont est condamné à dix mois
d’emprisonnement. Il fait appel de la sentence. Il est transféré à Fresnes le 24 mai 1941. Le 28 juillet, la 10ème chambre de la Cour d’appel de
Paris réduit sa peine à six mois de prison. À l’expiration de sa peine, le 20 septembre, Paul Dumont n’est pas libéré : le Préfet de police de Paris ordonne son internement administratif. Détenu au Dépôt de la Préfecture de police de Paris, il est transféré le 9 octobre 1941 au sein d’un groupe de soixante communistes de la région parisienne (40 détenus venant comme lui du dépôt de la Préfecture de Police de Paris et  20 venant de la caserne des Tourelles) au camp de Rouillé (1).

Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (le Frontstallag 122). Le nom de Paul Dumont (n° 74 de la liste) y figure.

Le 22 mai 1942 c’est au sein d’un groupe de 168 internés (4) qu’il est transféré à Compiègne en vue de sa déportation comme otage. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Paul Dumont est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau

Paul Dumont est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45503 ».

Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

On ignore dans quel camp il est affecté à cette date.

Stèle à Issy : Camille Delbès, Paul Dumont, Louis Lacour, Ernest Rossignol. Quatre « 45000 » sont honorés. Il y manque Marcel Burel

Paul Dumont meurt à Auschwitz le 11 août 1942 selon les registres du camp.

Une plaque commémorative « A la mémoire de Paul Dumont, mort pour la France, victime de la barbarie nazie » est apposée au 25 rue Diderot. Son nom et celui
de trois autres « 45.000 » est honoré sur le monument aux morts de la commune.

in Historim © A. Bétry
Le 25 rue Diderot

Paul Dumont est homologué (GR 16
P 200277) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme
appartenant à l’un des mouvements de Résistance dont les services justifient
une pension militaire pour ses ayants droit.

Note 1 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.

  • Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Archives municipales de Laon et d’Issy-les-Moulineaux.
  • Liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942. Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42 N°74.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, Tome 26, page 184. On peut lire sa courte notice biographique dans Le Maitron, version électronique, désormais en accès libre, maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/.

Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016,  2019 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers.  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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