Louis Lacroix

Matricule « 45.712 » à Auschwitz 

Louis Lacroix : né en 1921 à Bayeux (Calvados) ; domicilié à Bayeux (Calvados) ; ouvrier peintre ; arrêté le 1er mai 1942 comme otage communiste ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé à Auschwitz-Birkenau le 5 mars 1943. 

Louis Lacroix est né le 1 septembre 1921 à Bayeux (Calvados). Il habite au 13, cité Bellevue à Bayeux, au moment de son arrestation. Il est le fils de Marie Yvonne Sallent, née le 16 septembre 1885 à Arromanches, domestique et d’Eugène Lacroix, né le 20 août 1888 au Turquay, cordonnier, son époux. Il a un frère jumeau, André Lacroix, qui sera également déporté à Auschwitz, un frère aîné, Maurice, né le 13 mars 1920, et deux cadettes, Yvette, née le 18 août 1923, et Germaine, née le 19 octobre 1925, tous à Bayeux. Leurs parents se sont marié le 5 novembre 1912 à Arromanches.

La famille habite d’abord au 2, rue de la Maîtrise à Bayeux, puis rue Crémel. Leur père qui a été mobilisé dans les chemins de fer pendant la guerre 1914-1918, obtient un logement Cité Bellevue, cité où habitent de nombreux cheminots et leurs familles.
Louis Lacroix est célibataire, ouvrier peintre.
En 1936, la famille habite au 13, cité Bellevue. Leur père est employé chez Fauvrel, son frère est apprenti quincailler chez M. Solaire, et Louis est apprenti peintre chez M. Marcadet. Au n° 13 de la même cité habite Georges Bigot, cheminot, qui sera arrêté en même temps qu’eux et déporté dans le même convoi.
Louis Lacroix serait un militant communiste, comme son frère, selon la liste d’arrestations de la Préfecture en 1942.

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 18 juin 1940, les troupes allemandes arrivant de Falaise occupent la ville de Caen, et toute la Basse Normandie le 19 juin. En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.  Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.

En 1941 et 1942, les frères Lacroix sont à plusieurs reprises confrontés à la gendarmerie.  En mai 1941, ils sont condamnés à une peine d’amende pour bagarre avec les époux Fossey, rue Nesmond, eux-aussi condamnés (Ouest-Eclair, mai 1941).
Louis Lacroix signe un contrat de travail le 5 juin 1941 à Caen pour Hannover, en Allelagne, comme peintre, mais n’y donne pas suite. En 1948, le  maire de Bayeux répond au Directeur départemental des ACVG à propos d’un autre contrat : « a contracté le 21 novembre 1941 un engagement de six mois pour travailler en qualité de peintre en Allemagne, mais n’a jamais donné suite à cet engagement » (il s’agit d’un contrat de travail signé le 21 novembre 1941 à Caen pour Hamburg-Steinwerder (6 mois comme peintre chez Blohm & Voss).
En février 1942, Louis Lacroix est sous le coup d’une procédure pénale pour infraction à la législation sur les prix (Ouest-France 9 février 1942). L’adresse mentionnée est le 18, cité Bellevue, mais il peut s’agir d’une erreur de frappe du typographe. Il écope avec Louis B. d’un mois de prison avec sursis pour avoir « soustrait » un canard en avril 1942 à un cultivateur.

André et Louis. André est brun et a une dent cassée, Louis est plus grand et blond (Yvonne Lacroix, leur mère)

Ils « travaillaient pour la Résistance » selon Yvonne Lerouge, résistante de Bayeux, déportée au camp de Ravensbrück.
Louis Lacroix est arrêté le 1er mai 1942, à Bayeux, par la police française. Son frère est arrêté le même jour. 
Leur arrestation a lieu en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Airan-Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants. 24 otages sont fusillés le 30 avril.
Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos du sabotage de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard).
Après deux jours 2 jours passés à la gendarmerie de Bayeux, il est emmené le 3 mai en camion pour Caen à la demande de la Feldkommandantur 723, avec ses camarades de Bayeux arrêtés en même temps que lui, au «Petit lycée» de Caen occupé par la police allemande, où sont regroupés les otages du Calvados. On leur annonce qu’ils seront fusillés. Par la suite, un sous-officier allemand apprend aux détenus qu’ils ne seront pas fusillés mais déportés. Après interrogatoire, ils sont transportés le 4 mai 1942 en cars et camions à la gare de marchandises de Caen. Le train démarre vers 22 h 30 pour le camp allemand de Royallieu à Compiègne le Frontstalag 122 (témoignage André Montagne).
Les frères Lacroix y sont internés le lendemain soir en vue de leur déportation comme otage.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Louis Lacroix est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45.712 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
On trouve son nom sur le registre de l’infirmerie le 19 septembre 1942.

Lettre du Comité de Libération de Bayeux  à André Montagne (18 juillet 1945).

Louis Lacroix meurt à Auschwitz le 5 mars 1943, d’après les registres du camp. Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué. Il a été déclaré « Mort pour la France ».
Louis Lacroix est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 328009.
Son nom et celui de ses camarades déportés à Auschwitz est inscrit sur le monument aux morts de la commune.

Monument aux morts de Bayeux Points rouges : les « 45000 »

Une plaque commémorative collective a été apposée le 26 août 1987 à la demande de David Badache et d’André Montagne, deux des huit rescapés calvadosiens du convoi. Le nom de Louis Lacroix est inscrit sur la stèle à la mémoire des caennais et calvadosiens arrêtés en mai 1942. Située esplanade Louvel, elle a été apposée à l’initiative de l’association « Mémoire Vive », de la municipalité de Caen et de l’atelier patrimoine du collège d’Evrecy. Elle est honorée chaque année.

Sources

  • Lettres de sa mère à André Montagne : « il était plus grand que son frère, blond ».
  • Lettre de son père, Eugène Lacroix, à André Montagne.
  • Fiche FNDIRP, remplie par Mme Lacroix (n° 21437).
  • Lettre du Comité de Libération de Bayeux (juillet 45).
  • Attestation d’André Montagne (21/2 /49).
  • Bayeux et le Bessin 1940-44, Préface de Georges Quellien
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen
  • Recherches généalogiques (état civil, recensement 1936, registre matricule militaire du père) effectuées par Pierre Cardon.

Notice biographique rédigée en janvier 2001, complétée en 2017 et 2020, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive ». Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com  

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