Matricule « 45 837 » à Auschwitz
René Maroteaux : né en 1922 à Puteaux (Seine) ; domicilié à Puteaux (Seine) ; fraiseur ; militant CGT, jeune communiste ; arrêté le 11 septembre 1940, incarcéré à la Santé, libéré ; arrêté le 9 novembre interné aux camps d’Aincourt, de Voves et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 16 août 1942.
René Maroteaux est né le 27 janvier 1922 à Puteaux (ancien département de la Seine / Hauts-de-Seine), où il habite dans un HBM au 29, rue Cartault au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Alice Ramaget, née en 1886 à Mouchard (Marne) et de Lucien Maroteaux, né en 1888 à Reims (Marne).
Ses parents se sont mariés à Puteaux le 23 août 1919.
Il a deux sœurs (Lucienne mariée à Gaston Silvert, née en 1912, et Georgette, née en 1926, toutes deux à Puteaux) et un frère, Robert, né en 1914.
En 1931 et 1936, la famille est domiciliée au 29, rue Cartault, appartement n°341.
Son père est ajusteur aux usines Talbot à Suresnes (il est membre du Parti Socialiste avant guerre. Il sera sympathisant communiste après guerre (1), Lucienne est parfumeuse chez Houbigant à Puteaux, Robert est perceur chez Aubruger à Colombes.
René Maroteaux est célibataire. Il travaille comme fraiseur aux usines Talbot à Suresnes.
Adhérent à la CGT, René Maroteaux milite dans son entreprise. Il est membre de la Jeunesse communiste. Dans cet ensemble HBM, habitent également deux militants communistes, Pierre Bourneix et Pierre Orsatti , qui seront déportés à Auschwitz avec lui.
Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Avec Pierre Bourneix et Georges Capliez, il est l’un des « 3 de la rue Cartault », jeunes communistes qui agissent dès juin 1940.
Selon le témoignage d’Auguste Célérier : Maroteaux faisait partie d’un groupe avec lequel j’ai pris contact dès les premiers jours de la Résistance, et ceci dès les premiers jours de l’occupation allemande : tract et manifestation à Nanterre… attaque d’un soldat allemand à Neuilly. Il a été arrêté sur dénonciation.
Selon l’attestation du Lieutenant-colonel Rino Scolari, il distribue des tracts aux Halles de Paris, popularisant l’Appel du Général De Gaulle. Il participe aux manifestations à Nanterre, à Rueil et à la SNECMA. Attaque contre un soldat à Neuilly.
Accusé de sabotage, René Maroteaux est arrêté le 9 septembre 1940, d’après Rino Scolari, ou le 11 septembre (document de la Préfecture de police), puis incarcéré à la Santé jusqu’au 23 octobre 1940 et libéré.
Probablement filé, il est de nouveau arrêté comme Pierre Bourneix le 9 novembre 1940 et interné au camp de « séjour surveillé » d’Aincourt, sur ordre du préfet. Près de Mantes dans le département de la Seine-et-Oise (aujourd’hui dans les Yvelines) ce camp est ouvert spécialement, en octobre 1940, pour y enfermer les communistes arrêtés dans la région parisienne par le gouvernement de Vichy.
Lire dans le site : Le camp d’Aincourt .
Lors de la « révision trimestrielle » de son dossier (elles ont lieu à partir de février 1941, le 6 mars 1941 pour René Maroteaux), le commissaire Andrey, directeur du camp émet un avis négatif sur une éventuelle libération. Les internés administratifs à Aincourt en 1940 n’ont en effet pas été condamnés : la révision trimestrielle de leurs dossiers est censée pouvoir les remettre en liberté, s’ils se sont amendés… Andrey, dont l’anticommunisme est connu, a émis très peu d’avis favorables, même s’il reconnait la plupart du temps « l’attitude correcte » de l’interné. Pour René Maroteaux, Andrey a écrit : « communiste certain, suit les directives du Parti communiste », « n’a jamais été puni », « ne participe pas aux corvées ».
Il est désigné comme « otage fusillable » le 21 avril avec une trentaine d’internés, dont Georges Guinchan, Pierre Bourneix et André Tollet, en représailles du sabotage de deux trains militaires (dem SF-Zug 906 und dem Gegenzug SF 806) dans le Calvados. Lire à ce sujet dans le site Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942).
Le 5 mai 1942, René Maroteaux fait partie d’un groupe de 149 internés en provenance d’Aincourt transférés au “centre de séjour surveillé” de Voves (Eure-et-Loir), où il est inscrit sous le matricule n° 431.
Lire dans le site : Le camp de Voves
Dans un courrier en date du 6 mai 1942, le chef de la Verwaltungsgruppe de la Feldkommandantur d’Orléans envoie au Préfet de Chartres une liste de 81 d’internés communistes du camp de Voves à transférer au camp d’internement de Compiègne à la demande du Militärbefehlshabers Frankreich, le MBF, commandement militaire en France. René Maroteaux figure sur cette liste de 81 noms qui vont être transférés le 10 mai 1942 à Compiègne.
Le directeur du camp a fait supprimer toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ». La prise en charge par les gendarmes allemands s’est effectuée le 10 mai 1942 à 10 h 30 à la gare de Voves. Il poursuit : « Cette ponction a produit chez les internés présents un gros effet moral, ces derniers ne cachent pas que tôt ou tard ce sera leur tour. Toutefois il est à remarquer qu’ils conservent une énergie et une conviction extraordinaire en ce sens que demain la victoire sera pour eux ». Il indique que « ceux qui restèrent se mirent à chanter la «Marseillaise» et la reprirent à trois reprises ». Le directeur du camp a fait supprimer auparavant toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ». Cinquante-six d’entre eux seront déportés à Auschwitz.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, René Maroteaux est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 837 ». Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
René Maroteaux meurt à l’infirmerie d’Auschwitz le 16 août 1942 d’après les registres du camp. Il meurt du Typhus, d’après le témoignage d’Emile Bouchacourt.
Le titre de « déporté politique » lui a été attribué. L’association Nationale des anciens FFI-FTP l’a proposé pour la médaille commémorative, qui est remise le 14 juillet 1949.
En mai 1970, son nom est gravé sur le monument à la mémoire des Martyrs de la Résistance.
Une plaque était prévue sur l’ensemble HBM où il habitait, avec le nom des « 3 de la rue Cartault » : elle n’a pas été apposée selon madame Pairière.
- Note 1 : Lucien Maroteaux, « le père Maroteau » était très estimé dans son quartier. Il a participé en 1967 au parrainage du candidat du Parti communiste, Jean-Pierre Ginter aux éléctions législatives. A son décès en 1968, la cellule Orsatti-Garraud du PCF lui a rendu hommage dans l »Eveil » et une délégation était présente à son enterrement.
Sources
- Plaquette mai 1981, « La Résistance à Puteaux, Juin 1940 à Août 1944« . Témoignages vécus et recueillis par Jean Nennig,
- M. Philippe Buyle, historien (février 1991).
- Mlle Chabot, archiviste (juin 88 et février 1991).
- Témoignage de Mme Marie-Louise Pairiere, veuve de Lucien Pairiere, un des « 45000 » de Puteaux, juillet 72.
- Témoignage de M. A. Célerier, résistant et déporté.
- Témoignage d’Emile Bouchacourt, rescapé « 45000 ».
- Lieutenant-colonel Solari, membre de l’Etat-Major FFI pour la région parisienne.
- Témoignage de Mme Marie-Louise Pairière, veuve de Lucien Pairiere, un des « 45000 » de Puteaux
- Fichier national (archives des ACVG). octobre 1993, Caen.
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
Notice biographique (complétée en 2016, 2019 et 2021), rédigée en 2005 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner les références (auteur et coordonnées du blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com