Marcel Nonnet, in « De Caen à Auschwitz » p 31
Marcel Nonnet : né en 1910 à Buzançais (Indre) ; domicilié à Bretteville-sur-Dive (Calvados) ; cheminot ; arrêté le 1er mai 1942 comme otage communiste ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé à Birkenau, le 16 janvier 1943. 

Marcel Nonnet est né le 20 avril 1910 à Buzançais (Indre) au 13, rue des Renards. Il habite Bretteville (Calvados) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Jeanne Nonet, 21 ans, née le 3 janvier 1889 à Buzançais, et de Benjamin, Louis Nonnet, ouvrier tapissier, 20 ans.
En 1911, son père fait son service militaire et Marcel Nonnet vit avec sa mère et sa tante Jeanne, chez ses grands parents maternels Nonet au 22-23, rue du Ruisseau Carême à Buzançais. Pendant la guerre 14/18, son père sergent, obtient un emploi réservé comme « garnisseur » aux Chemins de fer.
En 1921 sa mère et lui ont quitté le domicile des grands parents.
Marcel Nonnet travaille comme cheminot à la SNCF (numéro d’agent 403.564). Conscrit de la classe 1930, il fait son service militaire en 1931 au troisième dépôt des équipages de la Flotte à Lorient.

Selon la Préfecture du Calvados, il est marié dans les années 1928-1929, et a deux filles : Claude née en 1929, et Jeanine née en 1932.
En 1932, il habite Argenteuil : il est comptable aux Chemins de fer français et milite à la CGT et au Parti communiste dont il est secrétaire de cellule. Son épouse décède en 1934. A cette même date, son père est administrateur local de laSociété de Secours mutuel, association fraternelle des employés et ouvriers des Chemins de fer, à Tours.
En 1936, Marcel Nonnet est muté à la gare de Mézidon-Canon comme cheminot et réside alors à Bretteville-sur-Dives.

Le 13 février 1937, à Houilles (Seine-et-Oise/Yvelines), il épouse Isabelle, Ursule, Joséphine Dubois.
Avec son camarade Maurice Raux, cheminot qui sera déporté avec lui à Auschwitz, il participe à l’entrainement de l’équipe de football de Percy-en-Auge (témoignage de Marcel Robine, âgé alors de 17 ans).
Le mariage est dissous par jugement du tribunal civil de Lisieux en date du 26 juillet 1939.

Marcel Nonnet se remarie à Percy-en-Auge, le 20 décembre 1939 avec Stéphanie Legrand.
Elle est née le 14 août 1910 à Quiévy (Nord), elle est décédée à Lisieux le 10 novembre 1994.
Marcel Nonnet est père de cinq enfants qui ont entre 3 et 13 ans au moment de son arrestation.

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 18 juin 1940, les
troupes allemandes arrivant de Falaise occupent la ville de Caen, et toute la Basse Normandie le 19 juin.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.

Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.

René Fairant

Marcel Nonnet fait partie d’un groupe de résistants animé par René Fairant (né en 1922, il est fusillé le 14 août 1943). Marcel Nonnet  participe notamment à la distribution de tracts dans les dépôts du service de la traction à Mézidon. Selon des témoignages, dont les souvenirs d’André Montagne à Compiègne, ce serait sur dénonciation d’un gendarme, ou d’un agent de la SNCF qu’il aurait été arrêté (cf Ouest-France du 2 mai 2019).
« Ils avaient été vus distribuant des tracts et des journaux clandestins, ces distributions s’adressant à des collègues n’étaient pas toujours faites avec la prudence requise, surtout dans les dépôts du service de la Traction à Mézidon comme à Caen » (Michel de Bouard, ancien responsable du Front national).
Toutefois, on sait que dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les syndicalistes, anciens élus ou militants communistes « notoires », et que des listes sont établies (il y a eu très peu de délations concernant ce convoi).
Marcel Nonnet est arrêté dans la nuit du premier au 2 mai 1942, par la police française. Il passe la journée du 2 mai à la gendarmerie de Bayeux, et le 3 mai, départ en camion pour Caen.

Marcel Nonnet, in De Caen à Auschwitz

Son arrestation a lieu en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants.
24 otages sont fusillés le 30 avril à la caserne du 43è régiment d’artillerie de Caen.

Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos du sabotage de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard). 

Listes des communistes arrêtés sur désignation de l’autorité allemande (Feldkommandantur 723) et remis à celle-ci le 3 mai 1942 (montage photo à partir du document de la Préfecture de Caen / CDJC).

A la demande des autorités allemandes (la Feldkommandantur 723 , Marcel Nonnet et ses camarades sont conduits en autocars le 3 mai au «Petit lycée» de Caen occupé par la police allemande, où sont regroupés les otages du Calvados. On leur annonce qu’ils seront fusillés. Par la suite, un sous-officier allemand apprend aux détenus qu’ils ne seront pas fusillés mais déportés. Après interrogatoire, ils sont transportés le 4 mai 1942 en cars et camions à la gare de marchandises de Caen.

Le train démarre vers 22 h 30 pour le camp allemand de Royallieu à Compiègne le Frontstalag 122 (témoignage d’André Montagne). Marcel Nonnet y est interné le lendemain soir en vue de sa déportation comme otage. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Lettre jetée depuis le train le 6 juillet 1942

Sa fille, Madame Bauny, témoigne (9 mars 2001) : « Nous recevons deux lettres de Compiègne et deux petits mots lancés sur la voie. L’inquiétude et la tristesse s’accentuent après le départ vers une destination inconnue. Rassurante la protection et l’affection maternelle font renaître l’espoir, malgré l’absence
totale de nouvelles jusqu’à la victoire 
».
Il a écrit au dos de sa lettre un petit mot pour le cheminot qui trouvera sa lettre sur la voie : « ami cheminot. Je te demande d’adresser cette lettre à Madame Nonnet à Bretteville-sur-Orge par Saint-Pierre sur Dives (Calvados). Merci beaucoup. Bien cordialement, un cheminot comme toi ».

Et malgré le danger de représailles, un cheminot a envoyé cette lettre, comme le feront des dizaines d’autres.

Ami cheminot…

Lire dans le site : Lettres jetées du train

Depuis le camp de Compiègne, Marcel Nonnet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Dessin de Franz Reisz, 1946

Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu.  Le numéro « 45 929 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
De plus, la photo du déporté portant ce numéro matricule prise à Auschwitz lors de la séance d’immatriculation le 8 juillet 1942, n’a pas été retrouvée, aucune comparaison avec sa photo d’avant-guerre n’est possible.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuitau Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Sa présence est signalée à l’infirmerie de Birkenau le premier novembre 1942.

Marcel Nonnet meurt à Birkenau le 16 janvier 1943
 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 866).

Marcel Nonnet est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 446969.
André Montagne , un des 8 rescapés caennais et calvadosiens du convoi du 6 juillet 1942 à destination d’Auschwitz a rédigé de nombreux témoignages concernant la mort de ses 72 camarades à l’intention de leurs familles. Il se souvenait de beaucoup d’entre eux.
Voici ce qu’il écrit de Marcel Nonnet : « Très sympathique cheminot de Mézidon que j’ai beaucoup fréquenté à Compiègne. Ses descendants, filles et petits-fils cultivent pieusement sa mémoire. Agé de 32 ans, il est mort à Birkenau le 16 janvier 1943».

Hommage à Bretteville, 2019

En 2019 un hommage solennel lui est rendu à Bretteville-sur-Dives par M. Daniel RougetMaire délégué,  en présence de deux des filles de Marcel Nonnet et leurs familles.

Sources

  • Lettres de sa mère Jeanne Nonnet à André Montagne (janvier 46 – août 46).
  • Témoignage et attestation d’André Montagne qui l’a bien connu à Compiègne (septembre 1946).
  • Lettre de sa veuve et réponses d’André Montagne (3 lettres en janvier 46).
  • Fiche FNDIRP : N°63963.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (octobre 1993).
  • Témoignages concernant Marcel Nonnet et Maurice Raux recueillis par madame Valérie Lecroq pour l’Association « nos communes : terres d’Histoire » à Percy-en-Auge.
  • « De Caen à Auschwitz », page 56, lettres jetées du train, collection de Mme Baumy, fille de Marcel Nonnet.
  • Montage photo à partir des documents préfectoraux de 1942 ©  Pierre Cardon.

Notice biographique rédigée en janvier 2001, complétée en 2017, 2020 et 2024, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive ». Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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