L’ancienne avenue des Bleuets porte désormais son nom à La Garenne

Matricule « 46.021″ à Auschwitz

Paul Prouteau : né en 1900 à Cholet (Maine-et-Loire) ; domicilié  à La Garenne-Colombes (Seine) ; ajusteur outilleur SNCF ; communiste ; arrêté le 9 mars 1940, interné à la prison militaire de la Santé ; transféré au camp de Gurs, libéré en septembre ; arrêté le 27 juin 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 7 octobre 1942.

Paul Prouteau est né le 5 août 1900 à Cholet (Maine-et-Loire).  Il habite au 5, rue du Mans à La Garenne-Colombes (ancien département de la Seine  / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Edma, Emilienne Painaud, 31 ans et de Louis, Charles Prouteau, employé des Chemins de fer, son époux. Ses parents habitent au 31, rue de l’Oisillonnette à Cholet. Il a 8 sœurs et frères (Marie Rose, Nathalie, René, Marie Angélina, Augustine, Marcel, Charles Emile).
Son jumeau, Charles Emile, sera comme lui cheminot. Charles, atteint de pleurésie non guérie, est réformé de 1920 à 1923, puis classé définitivement comme affecté spécial à la SNCF.
Paul Prouteau vient travailler en région parisienne en 1932 et habite Saint-Cloud). Ajusteur-outilleur, Paul Prouteau est embauché comme son frère aux ateliers SNCF de Maromme en Seine-Inférieure. Puis en mars 1932, habitant Saint-Cloud (Seine / Hauts-de-Seine), il est rattaché au bureau
central de Versailles de la SNCF.
Le registre matricule militaire de Paul Prouteau indique qu’il est mécanicien ajusteur, mesure 1m 54, a les cheveux châtain, les yeux noirs, le front haut, le nez gros et le visage ovale. Il a un niveau d’instruction « n°3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1920, Paul Prouteau s’engage volontairement à Cholet « pour la durée de la guerre » le 16 octobre 1917, dans la Marine.
Le 19, il arrive à Lorient, au 3ème dépôt des équipages de la Flotte, où il est  incorporé comme apprenti marin. Il « passe » matelot de deuxième classe en novembre 1917, matelot de 1ereclasse-mécanicien en septembre 1917. Son engagement « contre l’Allemagne » est validé entre 1917 et 1919. Il est ensuite affecté à l’Armée du Levant jusqu’à la fin de son engagement.
Il « passe » dans la réserve de l’armée le 16 octobre 1920.
Paul Prouteau épouse Gabrielle, Marguerite Langlois le 29 mars 1921 à Cholet. Elle a 20 ans, née le 18 décembre 1901 à Cholet. Le couple aura 4 enfants. Paulette (1921-1990), Jacques (1922-2002), Roger (1928- 2007) et André, né en 1940.
Le 1er avril 1922, ils viennent habiter au 3, rue des Bouvets à Puteaux.
Paul Prouteau a été embauché comme ouvrier de 1ère classe-ajusteur au service de la Voie et Bâtiments des chemins de fer de l’Etat à Puteaux, puis à La Garenne. A ce titre il sera classé le 5 octobre 1922 comme « Affecté Spécial » au titre II de la réserve de l’armée.
En 1929, il reçoit un blâme avec réduction de 2/10e de la prime pour avoir causé du scandale en gare d’Alençon en chantant l’Internationale et en insultant le chef de gare (in Généanet). En août 1939 il est condamné à une amende pour « coups et blessures » par la 12ème chambre du tribunal correctionnel de la Seine.

Manifestation des cheminots de La Garenne, 1er mai 1938 (© IHS CGT)

Paul Prouteau, sportif, est président et trésorier-adjoint du Sporting Club de la Garenne-Colombes (dans la mesure où le club est dissous fin 1939, il était certainement affilié à la FSGT. La plupart de ces clubs sont dirigés par des militants ouvriers, qui sont exclus des directions de l’organisation, dans le prolongement du décret du 26 septembre 1939 ).
Ajusteur-outilleur à la SNCF aux ateliers de La garenne-Colombes, Paul Prouteau est rayé de l’Affectation Spéciale le 23 avril 1940 comme la majorité des « affectés spéciaux » connus comme communistes ou syndicalistes.
Au début 
mars 1940, l’administration de la SNCF dénonce Paul Prouteau et un autre militant (Jean Deguitre) à la police comme étant suspects de vol de matériel et d’activités clandestines.
Le 9 mars 1940 , le domicile de Paul Prouteau est perquisitionné et des tracts du Parti communiste y sont trouvés. Inculpés « d’infraction au décret du 26 septembre 1939 et de vol par salarié« , les deux cheminots sont écroués à la Maison d’arrêt de la Santé en attente de leur passage devant un tribunal.

Il est incarcéré au Dépôt, puis à la Santé. Mais la Prison militaire de Paris (les prisons de la Santé et du Cherche-Midi) est évacuée sous escorte armée entre le 10 et le 12 juin 1940, sur ordre de Georges Mandel, ministre de l’Intérieur. Ils sont 1865 au départ de Paris. On lira en note le rapport du capitaine Kersaudy, commandant la
prison militaire de Paris qui résume cette évacuation.
Le repli  a pour but de transférer les détenus « dangereux » de la « prison militaire de Paris » au camp de Gurs (arrondissement d’Oloron) puis à Mauzac.

Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier  détachement  allemand  occupe  la mairie de Nanterre et l’état-major  s’y  installe. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Avec les autres internés, Paul Prouteau est évacué par autobus de la TCRP, le 10 juin1940. A Orléans, les gardiens du convoi apprennent que la maison d’arrêt est bondée ; le convoi repart donc jusqu’au camp des Grouës, proche de la gare des Aubrais, où 825 prisonniers, sont débarqués. Prisonniers et gardiens y resteront quatre jours, du 11 au 15 juin. Le séjour au camp des Grouës est marqué par les raids incessants de l’aviation allemande qui terrorisent détenus et gardiens. C’est pourquoi, le 15 juin, tout le monde repart. Mais cette fois, plus question d’autobus, le transfert se fera à pied et de nuit. Ils rejoignent le lendemain à Jouy-le-Potier des camions qui les conduisent à la base aérienne 127 d’Avord, près de Bourges. Ils y retrouvent un autre groupe d’Ile de France venu du camp
de Cépoy, près de Montargis (Loiret). (…). Gardiens et détenus n’y restent que quelques heures, puis repartent en autobus jusqu’à Bordeaux, Mont-de-Marsan, Orthez et Gurs. Ils arrivent au camp en deux groupes, les 21 et 23 juin. Ils y resteront plusieurs mois, jusqu’au début de l’hiver
 (L’histoire du
camp de Gurs
, in © Amicale du camp de Gurs). Paul Prouteau est libéré du camp de Gurs (Pyrénées-Atlantiques) le 2 septembre 1940.  

Il est de nouveau arrêté le 27 juin 1941, dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la
police française en application du décret-loi du 18 novembre 1939 : « individus dangereux pour la défense nationale et pour la sécurité
publique ».

Extrait de la liste des RG du 27 juin 1941, montage à partir du début de la liste (Pierre Cardon)

La liste des Renseignements généraux répertoriant les communistes internés administrativement le 27 juin 1941, mentionne pour Paul Prouteau : « Meneur communiste très actif ».
D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (ici l’Hôtel Matignon), ces militants sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des « ennemis actifs du Reich ».
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». 

Depuis le camp de Compiègne, Paul Prouteau est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau


Paul Prouteau est enregistré à son  arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 46021 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Sa photo (1) d’immatriculation à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Paul Prouteau meurt à Auschwitz le 7 octobre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 968).
La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès (arrêté du 10 décembre 1997, paru au Journal Officiel du 18 avril 1998.

Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué. Paul Prouteau est homologué (GR 16 P 492332) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
Une rue de la ville porte son nom.

  • Note 1 : 524 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • Etat civil de Cholet.
  • Archives en ligne du Maine et Loire, registres matricules militaires.
  • Archives de la Préfecture de police de Paris. Renseignements généraux, fiche individuelle, liste des militants communistes internés le 26 juin 1941.
  • Photo des cheminots de La Garenne, 1er mai 1938, in Les Cahiers de l’Institut n° 51, IHS CGT Cheminots

Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016,  2019 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers.  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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