Fernand Tilliet en uniforme de brigadiste, combattant pour l’Espagne républicaine  © Laurent Tilliet

Matricule « 46.148 » à Auschwitz

Fernand Tilliet : né en 1907 à Villevaudé (Seine-et-Marne) ; domicilié à Vanves (Seine) ; peintre-décorateur ; communiste ; arrêté le 24 décembre 1941 ; interné à la caserne des Tourrelles et au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 15 décembre 1942.

Fernand, André Tilliet est né au domicile de ses parents le 18 août 1907 à Villevaudé (Seine-et-Marne).
Il habite 14, rue Vieille Forge à Vanves (ancien département de la Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Isabelle Doublet, 20 ans, sans profession et de Joseph, François Tilliet, 24 ans, manouvrier, son époux (état civil de Villevaudé en ligne). Il est un enfant de l’Assistance Publique, de santé fragile, selon son épouse.
Il est peintre-décorateur. Le 3 novembre 1934 Fernand Tilliet épouse Renée, Lucie Durand à Vanves (Seine / Hauts-de-Seine) (état civil de Villevaudé en ligne). Elle est née à Neuvy en 1908 dans les Deux-Sèvres.
Le couple a un fils, Jean, qui naît en 1936. La famille habite à cette date à Vanves, au 80, rue de Paris. Fernand Tillet travaille comme peintre chez Petit. Militant communiste, Fernand Tilliet diffuse l’Humanité.

Brigadistes et insigne des BI

« Il s’engagea dans les Brigades internationales, arriva en Espagne le 17 novembre 1936, fut incorporé comme soldat dans l’artillerie. Il participa aux combats, fut rapatrié en février 1937 selon sa femme, en novembre
1937, selon une note des Renseignements généraux
» (Le Maitron).  Lire dans le site : Liste
des « 45000 » ayant combattu pour l’Espagne Républicaine (1936-1938)

Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier  détachement  allemand  occupe  la mairie de Nanterre et l’état-major  s’y  installe. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Fernand Tilliet est arrêté le 24 décembre 1941 à Vanves à la suite d’une distribution de tracts selon le témoignage de son épouse. Il s’agit en réalité d’une rafle d’envergure opérée par la police française sur la base des renseignements fournis par la 3esection des Renseignements généraux ,à la demande du Conseiller Karl Boemelburg, chef de l’ensemble des forces de police allemande en France, qui considère les anciens Brigadistes comme très dangereux.

Note de service des RG / 23 décembre 1941

Transcription de la note des RG. « 23 décembre 1941. Perquisitions chez les membres des Brigades internationales. Mercredi 24 décembre à 6 heures. 2 inspecteurs par perquisition à 6 heures dans les postes
des commissariats
 de quartier ou au siège des commissariats de banlieue. Arrestation et conduite dans les postes centraux ou la direction des renseignements généraux les fera prendre. Si au cours des perquisitions se révèlent des infractions pénales, les relever par procès verbaux et leur donner la suite normale. Pour les cas douteux, téléphoner à M. Baillet, commissaire divisionnaire aux renseignements généraux. Inviter les personnes arrêtées de se munir d’une couverture, de leur couvert et de leur carte d’alimentation. Si un commissaire de police a plusieurs perquisitions, il envoie à l’avance les inspecteurs mis à sa disposition ».

Fernand Tilliet est conduit comme la plupart de ses camarades anciens Brigadistes à la caserne des Tourelles (1). Parmi les 20 Brigadistes de la région parisienne déportés à Auschwitz dont nous connaissons pour le moment les dates d’arrestation, 7 autres de ses camarades sont arrêtés dans la même période (du 23 au 25 décembre). Il s’agit de Jean Cazorla d’Aubervilliers, Elie Delville de Paris 19ème,
Maurice Fontès de Choisy-le-Roy,  Fernand Godefroy d’Epinay, Raymond Legrand de Paris 3ème, Louis Pierre Piazzalunga de Bondy, André Steff de Vanves et Fernand Tilliet de Vanves.

Son épouse Renée écrivit une lettre le 31 janvier 1941 au préfet de police, dans laquelle elle expliquait : « en 1936 mon mari étant au chômage (facile à vérifier) [il] est parti en Espagne sur un coup de tête et [il] est d’ailleurs revenu au bout de trois mois, depuis il n’a adhéré à aucun parti politique quel qu’il soit ». Elle indiquait que la perquisition n’avait rien donné. Elle faisait part de ses difficultés, étant seule avec un enfant, elle subsistait en faisant des ménages. Sur cette lettre, trois mots ont été écrits en abrégés « libér. Impossible actl », soit : libération impossible actuellement.
Le 17 avril 1942, sa femme envoyait une seconde lettre au préfet de police. Elle y réaffirmait que son mari était parti trois mois en Espagne sur « un coup de tête ». Elle précisait : « Depuis, exclu du parti ne faisait plus aucune politique ». Andrée Tilliet précisait que son mari était de santé fragile, qu’il était allé en cure à Berck, « enfant de l’assistance publique il avait eu une « enfance malheureuse ». Le 29 avril le cabinet du préfet estima que « sa libération ne semble pas opportune pour le moment », quelques mots étaient ajoutés au crayon « aurait été exclu du P.C. (d’après sa femme) », « en outre état de santé précaire » (Le Maitron).
Depuis le camp de Compiègne administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Fernand Tilliet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 46148 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

L’entrée du camp d’Auschwitz

Fernand Tilliet meurt à Auschwitz le 15 décembre 1942 d’après les listes établies par les historiens polonais. La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès (arrêté du 6 septembre 2000, paru au Journal Officiel du 2 janvier 2001.
Il a été déclaré « Mort pour la France ». Il est homologué comme « Déporté politique ».

Fernand Tilliet est homologué  comme Résistant au titre de la
résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements
de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes
 GR 16 P 571516.
Un hommage solennel lui a été rendu le 8 janvier 2000 par le maire de Vanves, Guy Janvier, ainsi qu’aux trois autres « 45000 » de Vanves,  en présence de madame Edith Cresson, ancien premier ministre.

  • Note 1 : La caserne des Tourelles, « Centre de séjour surveillé » : Ouvert d’abord aux Républicains espagnols, entassés par familles entières, aux combattants des Brigades internationales, interdits dans leurs propres pays. Les rejoignent de nombreux réfugiés d’Europe centrale fuyant la terreur nazie, des indésirables en tous genres, y compris, bien sûr, les « indésirables » français : communistes, gaullistes et autres patriotes (on ratissait large), juifs saisis dans les rafles, «droit commun» aux causes bien datées (marché noir). France Hamelin in Le Patriote Résistant N° 839 – février 2010. Ce Centre de séjour surveillé fonctionne dans l’ancienne caserne d’infanterie coloniale du boulevard Mortier à Paris. En 1942, deux bâtiments seulement étaient utilisés, un pour les hommes et un pour les femmes. Ils étaient entourés de fils de fer barbelés. 

Sources

  • ACVG, février 1992.
  • Archives de la Préfecture de police de Paris.
  • Entretien avec son fils, Jean Tilliet (janvier 2000).
  • Notice biographique du Maitron en ligne, par Daniel Grason.
  • 8 janvier 2000 : Hommage aux « 45000 » de Vanves par Guy Janvier, maire de Vanves
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche relevée par André Montagne en 1992.
  • Photo de Ternand Tilliet en uniforme de brigadiste, envoi de Laurent Tillet, son petit-fils (2020).

Notice biographique rédigée en novembre 2007 (complétée en 2016,  2020 et 2022) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) .  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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