Eugène Bonnardin : né en à Beaune (Côte d’Or) en 1904 ; domicilié à Dijon (Côte d’Or) ; tourneur-ajusteur chez Lipton ; arrêté le 11 janvier 1942, puis le 19 janvier ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 18 septembre 1942.

Eugène Bonnardin est né le 11 juin 1904 au 18, route de Dijon à Beaune (Côte d’Or).
Il habite au 18 rue Févret, à Dijon (Côte d’Or) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Adèle Monchaussé, 25 ans, sans profession, née le 29 juin 1878 à Corcelles-les-Arts(Côte d’Or) et de Jules Bonnardin, 29 ans, tonnelier, né le 23 décembre 1874 à Vaucouleurs (Meuse). Il a une sœur, Marguerite, née à Beaune en 1899. Leurs parents se sont mariés le 15 juin 1899 à Beaune (Côte d’Or).
En 1906, la famille habite à Bar-le-Duc (Meuse), au 4, rue des 80 degrés.
En juillet 1920, il habite avec ses parents, sa sœur et le mari de celle-ci au 29, rue Grande-Étape à Châlons-sur-Marne (Marne), un petit immeuble de deux étages.
En mai 1922, ils habitent au 4, rue de Domrémy à Vaucouleurs (Meuse).
Conscrit de la classe 1924, Eugène Bonnardin effectue son service militaire dans les Chasseurs à pied.
Son père décède le 22 mai 1925.
En 1929, il habite au 62, rue Charles-Dumont à Dijon.
Le 8 juin 1929, il se marie à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), avec Andrée, Raymonde Perrault. Couturière, elle est née le 4 juillet 1906 à Châtillon-sur-Seine et habite au domicile de ses parents dans le quartier des Chevrins, au 231, cité-jardins à Gennevilliers (Seine/Hauts-de-Seine).
En 1931, le couple habite seul au 54, rue Charles-Dumont à Dijon. Eugène Bonnardin est alors employé comme tourneur-ajusteur à l’atelier de construction A. Vernet (poinçonneuses, cisailles). Le 24 mars 1931 son épouse, âgée de 22 ans, décède à l’Hôpital général de Dijon.
Devenu veuf, il épouse en secondes noces en 1933, à Dijon, Jeanne Marie Taret. Sténo-dactylo, elle est née le 10 juillet 1900 à Saint-Fons (Rhône). Elle a eu d’un premier mariage une fille, Jeanne Digonnet, née en 1921 et Christiane Bourlet (Christiane Rose), née en 1926 à Lyon, qu’il adopte.
Selon Gabriel Lejard, il n’appartenait à aucun parti politique (« Un bon gars. Mais il n’était de rien. Ni syndicat, ni Parti. Pas plus communiste que le Pape« ).
Il est embauché vers 1928 ou 1933 par les Établissements Lipton (entreprise spécialisée dans les pièces de moteurs, la rectification de cylindres et de vilebrequins et le matériel d’injection diesel), boulevard des Bourroches à Dijon. Travaillant dans une entreprise sensible (usines dont les activités concernent la défense nationale), cet emploi le fait alors « passer » automatiquement dans la réserve de l’armée active comme « affecté spécial » (il sera mobilisé à son poste de travail en cas de conflit).
En 1936, il habite au 18, rue Fervet à Dijon, appartement n° 65, avec son épouse et sa fille adoptive.
Tourneur-ajusteur, il n’est pas syndiqué, mais participe aux grèves de 1936 et 1938.
Le décret de mobilisation générale du 2 septembre 1939 le « rappelle à l’activité ». Il est mobilisé au 608ème Pionnier jusqu’au 1er novembre 1939. Il fait valoir son « affectation spéciale » en tant que réserviste et rejoint son poste de travail à l’usine Lipton. 

Sueddeutsche Zeitung Photo 1940

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 17 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Dijon et s’y installent. Interdictions, réquisitions, couvre-feu, l’armée allemande contrôle la ville. Dijon est durement touchée par la politique antisémite et les arrestations orchestrées par les troupes allemandes et l’administration de Vichy. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».

Sous l’Occupation, compte tenu de sa spécificité, l’usine Lipton est requise par la Wehmarcht. Eugène Bonnardin est alors chef d’équipe au réalésage des pistons.

Eugène Bonnardin est arrêté le 11 janvier 1942 comme otage après l’attentat de la rue de la Pépinière du 10 janvier 1942 (une bombe, lancée par des jeunes résistants communistes contre le Soldatenheim (foyer du soldat), explose sans occasionner de pertes allemandes). Selon l’enquête, la bombe, artisanale, avait été fabriquée dans une usine de la ville. 25 ouvriers, dont Julien Faradon, Henri Poillot et Jean Renard sont arrêtés en même temps que lui, pour la même affaire, le même jour. Son domicile est perquisitionné sans résultat. Libéré le 18 janvier à 4 heures, Eugène Bonnardin reprend son travail le lendemain, bien que malade.

Il est arrêté à nouveau le jour même, 19 janvier vers 11 heures par la police allemande. De nouveau écroué, il est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le 6 février 1942 en vue de sa déportation comme otage. A Compiègne il reçoit le matricule n° « 2445 ». Il est assigné au bâtiment A2. Son épouse fait des démarches pour obtenir sa libération (1). Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Eugène Bonnardin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro « 45272 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) et signalé comme incertain correspond à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules, qui n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il est donc hasardeux de maintenir ce numéro en l’absence de nouvelles preuves.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Eugène Bonnardin meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 117).  Il convient de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste «sélection» interne des «inaptes au travail», opérée dans les blocks d’infirmerie.

La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès avec cette même date (arrêté du 25 août 1987 et paru au Journal Officiel du 30 septembre 1987). 

Eugène Bonnardin est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme
appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 70941.
Sa fille adoptive Christiane, épouse Rousseau, domiciliée à Issy-les-Moulineaux (92), puis à Souppes-sur-Loing (77), adhère à l’Association nationale des familles de fusillés et massacrés.

  • Note 1Le 26 octobre 1942 son épouse s’adresse au secrétaire général de la Préfecture de Dijon, Henri Larrieu, pour demander la libération de son mari ou qu’on lui accorde un statut d’ouvrier libre en Allemagne. Henri Larrieu l’informe en retour qu’il intervient auprès du chef du service de l’Interprétariat, Münck afin de faire accorder à son époux le régime des ouvriers libres. En novembre et janvier 1943 des demandes analogues sont faites par le Préfet de Côte d’Or, demandes qui restent sans réponse des autorités allemandes.

Sources

  • Témoignage de Gabriel Lejard (écrits et entretien enregistré en juillet 1988).
  • Archives municipales de Dijon (1991).
  • Contact avec sa fille adoptive, Mme Christiane Rousseau.
  • (1) Jean-Michel Picard, mise en ligne du livre de son père Henri Picard, Ceux de la Résistance, Bourgogne, Nivernais, Morvan, éditions Chassaing, Nevers 1947, chapitre “Je regarde la mort en face”, http://maquismorvan.blogspirit.com/.
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère de la Défense). « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948 », établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz (n°31 628 et n°43).
  • © Site Internet «Légifrance.gouv.fr».
  • Archives en ligne de côte d’or, état civil.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique rédigée en février 1998, complété en 2015, 2016 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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