Louis Brenner © DAVCC
Le 8 juillet 1942 à Auschwitz

Matricule « 45.300 » à Auschwitz

Louis Brenner : né en 1896 à Saint-Cadou-en-Sizun (Finistère) ; domicilié à Lambezellec-Brest (Finistère) ; peintre en bâtiment ; libertaire ; arrêté le 3 juillet 1941 ;  interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 19 septembre 1942

Louis Joseph Brenner est né le 21 juin 1896 au bourg de Saint-Cadou-en-Sizun (Finistère) commune de Sizun. Il habite au 88, rue Anatole France à Lambezellec-Brest (Finistère) au moment de son arrestation. Il est le fils de Marie, Hélène Plantec, ménagère, âgée de  22 ans et de Jean-Marie Brenner, son époux, âgé alors de 26 ans, carrier, puis ouvrier à l’Arsenal de Brest (en 1921).
Il a une jeunesse turbulente et après une première condamnation avec sursis pour « outrages, coups et blessures » en 1913, il est condamné en août de la même année à deux ans de prison et 10 ans d’interdiction de séjour par le tribunal correctionnel de Rennes, peine qu’il purge à la Maison d’arrêt de Fontevrault.
« Bagarreur, il fréquentait une bande de jeunes ouvriers et apprentis, qui avaient tous la détestation de l’armée. Il fut condamné avec sursis en 1913 pour coups et blessures. En juillet 1913, il fut à nouveau condamné à deux ans de prison et dix ans d’interdiction de séjour par le tribunal correctionnel. Les tensions sociales et la lutte contre la guerre étaient alors à leur maximum. Le 26 mai 1913, des perquisitions eurent lieu au siège de la CGT et chez les dirigeants syndicalistes, à la recherche de documents antimilitaristes.
Avec plusieurs camarades brestois, apprentis et ouvriers du bâtiment, Louis Brenner s’en était pris à un soldat colonial. Le soldat avait été mis à terre et dépouillé de la somme de 20 F. Le lendemain, quatre soldats de la coloniale étaient agressés par une dizaine de jeunes gens, place de la Liberté, et deux baïonnettes volées. Un ouvrier de l’arsenal molesté, reconnut Brenner. Ses camarades écopèrent de peines plus légères, 10 et 6 mois de prison » Le Maitron, notice par Jean-Yves Guengant.
Selon sa fiche matricule militaire Lucien Brenner mesure 1m 72, a les cheveux châtain foncés et les yeux châtains, le front fuyant et le nez légèrement cave.  Il a travaillé à Sizun comme maçon. Au moment du conseil de révision, il est peintre en bâtiment. Il a un niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1916, sa peine de prison effectuée, Lucien Brenner est mobilisé par anticipation en 1915 comme tous les jeunes hommes de sa classe. Mais, ayant subi des condamnations pénales, il est mobilisé le 27 août 1915 dans les « Bat’s d’Af’ » au 3ème Bataillon d’Afrique, section spéciale.  Il participe à la campagne du Maroc (il a reçu la médaille de la Victoire et la Médaille commémorative), mais est à nouveau condamné à un an de prison militaire par le 1er conseil de guerre de Casablanca en mars 1918 pour vol militaire « gratifié » (sic). Incarcéré jusqu’en août 1919, il est démobilisé le 27 septembre 1919, certificat de « bonne conduite » refusé, et « se retire » à Brest au 22, rue Massillon au domicile de ses parents.

Le 31 mars 1921 
à Brest, Louis Brenner épouse Marie Le Lous, âgée de 18 ans, employée de commerce. Elle est née à Morlaix, le 31 mai 1922 et habite également dans le quartier Saint-Martin, chez ses parents, au 26, rue Massillon. Le couple a deux enfants, Louis, né le 28 décembre 1921 et Marcelle, née en 1924 à Caen (Calvados).
En juillet 1924, ils habitent à Caen, au 31, rue Ecuyère. Sa condamnation militaire est amnistiée en 1925 et sa condamnation de droit commun en octobre 1929.
En juin 1935, il est revenu en Bretagne et habite au 88, rue Anatole France à Lambezellec (commune limitrophe de Brest).
« Il soutenait le journal Le Flambeau, journal anarchiste et anticlérical en 1932 et 1933, journal dont le gérant était Jean Tréguer, par souscription régulière. En novembre 1933, il participa à la souscription lancée pour sauver le journal. Il était trésorier du patronage laïque du Pilier-Rouge en 1934, aux côtés de Jean Soubigou, un membre du groupe anarchiste et le responsable du Comité juridique de la CGT finistérienne, à partir de 1930« . Le Maitron.
Le 17 avril 1939 il est victime d’une fracture du crâne, qui entraîne une perte totale de l’œil droit et une paralysie faciale droite. Il est alors « réformé temporaire n°2 ». Il est rattaché à la classe 1912 comme père de famille de deux enfants. Il est « maintenu réformé temporaire »  par la  commission de réforme de Brest du 25 avril 1940 au moment du rappel de sa classe.
« À cette époque il aida son ami Jean Tréguer à se soustraire aux autorités maritimes en lui prêtant une maison qu’il possédait à Trézien (Plouarzel)« . Le Maitron

Les panneaux de l’armée d’occupation

Le 19 juin, la 5ème Panzerdivision, partie le 13 juin de Saint Valéry-sur-Somme, entre en Bretagne et occupe Brest dans la soirée. Le 20 juin, les troupes allemandes effectuent un grand défilé militaire dans les rues de Brest pour fêter leur victoire, comme elles l’ont fait à Paris , occupée le 14 juin 1940. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».

Louis Brenner travaille comme peintre au moment de son arrestation.

Louis Brenner est arrêté à Brest, le 3 juillet 1941, puis placé au camp d’internement français de Choisel à Châteaubriant pendant un mois et demi.  « en raison de ses idées politiques libertaires et transféré » au camp de Choisel, à Chateaubriant (Loire-Inférieure, aujourd’hui Loire-Atlantique). Un mois plus tard, le 21 septembre, il fut de nouveau arrêtéIl figurait sur une liste de personnes à arrêter pour ses « idées extrémistes« . Le Maitron.
Comme sa fiche au DAVCC indique bien un internement à Compiègne le 28 septembre 1941, Louis Brenner serait donc arrêté une seconde fois le 19 septembre 1941 par les autorités allemandes comme « militant connu des formations politiques extrémistes » (DAVCC).

Celles-ci l’internent le 21 septembre 1941 au camp allemand de Compiègne (le Frontstalag 122).
Toutefois cette deuxième arrestation, qui suppose une libération en amont ne correspond pas aux écrits du Préfet, recueillis par M. Gueguen, historien (Concarneau 6/11/1993).
En effet, en avril 1942, le Préfet du Finistère répond au Centre de lutte contre le communisme à Rennes, suite à une demande d’enquête concernant « des réunions communistes qui se tiendraient fréquemment au restaurant « Aigle d’Or » rue Jean Jaurès à Brest, et dont l’un des membres serait le « peintre Brenner« , habitant Lambazelec, rue Anatole France. Le Préfet répond que cette affaire (suite à une dénonciation) n’a aucun fondement, Brenner étant déjà interné (à Compiègne) depuis le 8 juillet 1941.
Il est vraisemblable que le Préfet ait confondu l’internement à Compiègne avec celui de Choisel. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Depuis le camp de Compiègne, Louis Brenner est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45300» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.  Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Louis Brenner meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, tome 2, page 131). Il convient de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste «sélection» interne des «inaptes au travail», opérée dans les blocks d’infirmerie.
Le titre de «Déporté politique» lui a été attribué le 11 mars 1948.
La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès, arrêté du 16 décembre 2009. 

  • Note 1 : Cette arrestation le 21 septembre se situe dans la période où les Allemands opèrent plus de 1000 arrestations de militants communistes dans la zone occupée avec l’aide de la police française parmi lesquels se trouvent des centaines de futurs « 45000. Ces arrestations d’abord préventives débutent sous le nom «d’Aktion Théoderich» dans la nuit du 21 au 22 juin 1941 en raison de l’attaque allemande contre l’Union soviétique et se poursuivent les jours suivants. Elles se prolongent pendant un mois encore avec la répression des distributions de tracts opérées par les militants communistes. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ces militants sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, à des dates diverses, au camp de Royallieu à Compiègne (Oise), le Frontstalag 122 administré par la Wehrmacht.
  • Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres
    de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Archives municipales de Brest-Lambezellec, juin 1992.
  • Archives municipales de Sizun.
  • Photo dans dossier des ACVG (DAVCC 2020).
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • Registres matricules militaires du Finistère.
  • Le Maitron : https://maitron.fr/spip.php?article222811
    notice par Jean-Yves Guengant, version mise en ligne le 11 février 2020,

Notice biographique rédigée en septembre 2004 et modifiée en 2012, 2016, 2020 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Mille otages pour Auschwitz », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Autrement, Paris 2005). *Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com. 

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