Matricule « 45 554 » à Auschwitz
René Fouquet : né en 1893 à Pont-Audemer (Eure) ; domicilié à Equeurdreville (Manche) ; clerc d’huissier, puis forgeron, ajusteur, chef d’équipe à l’Arsenal de Cherbourg ; communiste, membre du comité fédéral ; militant Cgtu ; conseiller municipal de Querqueville ; arrêté le 23 juin 1941 ; écroué à la prison de Cherbourg ; interné à Compiègne ; déporté à Auschwitz le 6 juillet 1942, où il meurt le 20 octobre 1942.
René, Georges, Joseph Fouquet est né le 13 mai 1893 à Pont-Audemer (Eure).
Il habite route des Casernes ou au 13, route Nationale à Equeurdrevillle (Manche) au moment de son arrestation.
Il est chef d’équipe permanent à la Direction des travaux maritimes à l’Arsenal de Querqueville au moment de son arrestation.
Il est le fils de Florentine, Appoline Blaise, 26 ans, ménagère et d’Arsène, Eugène, Marie Fouquet, 27 ans, domestique, son époux, domiciliés route de Rouen à Pont-Audemer.
Selon sa fiche matricule militaire René Fouquet mesure 1m 65, a les cheveux et les yeux marron, le front large et le visage ovale.
Au moment du conseil de révision, il travaille comme clerc d’huissier et habite 13, boulevard Pereire à Paris 17è.
Conscrit de la classe 1913, René Fouquet s’engage volontairement le 19 décembre 1910 dans la Marine, à la mairie du 8è arrondissement de Paris. Parti le même jour pour le 5è dépôt des équipages de la Flotte à Toulon, il arrive au corps le 20 décembre. Matelot de 3è classe le 24 décembre 1910, il est nommé 1è classe maître d’hôtel le 1er avril 1913. La déclaration de guerre le maintient sous les drapeaux. Il est embarqué à bord du contre-torpilleur « Branlebas » du 2 août 1914 au 29 septembre 1915.
Du 30 septembre 1915 au 1er mars 1916 il est affecté à la base de sous-marins de Cherbourg. Du 2 mars 1916 au 1er juillet 1917, il est affecté à la 1è escadre de sous-marins.
Il épouse Blanche, Léa, Victoire, Michel, le 22 juin 1918 à Cherbourg. Le couple a deux enfants.
Du 2 juillet 1917 au 1er janvier 1919 il est affecté à la 1ère escadre de sous-marins de Bretagne. Du 2 janvier au 14 mai 1919, il est muté au 1er centre administratif de Brest. Enfin, il est versé au 1er dépôt des équipages à Cherbourg du 15 mai au 14 juin 1919. Il est envoyé en « congé illimité » (démobilisé) le 15 juin 1919 (RDC, « radié du corps » pour la Marine). Il « se retire » à Cherbourg au 95, rue de la Duche.
Ajusteur (ou forgeron), René Fouquet est par la suite chef d’équipe permanent à la Direction des Travaux Maritimes à l’Arsenal de Cherbourg.
Militant de la Section communiste de Cherbourg, « René Fouquet entra au comité fédéral à l’occasion du congrès de Lison (Calvados) de la Fédération communiste, le 23 décembre 1923. Devenu, avec la bolchevisation, secrétaire de la cellule d’Équeurdreville et animateur, ainsi que Juhel et Periers, de la commission coopérative du rayon de Cherbourg, il se consacra essentiellement à la CGTU. Militant du syndicat unitaire des Métaux, secrétaire de l’Union locale de Cherbourg en 1925, il en devint secrétaire adjoint lorsqu’elle remplaça, le 22 juin 1926, dans le cadre d’une restructuration régionale, l’ancienne Union départementale, trop faible. À la fin de 1928, et quoique son syndicat ait dû être dissous au printemps, il assumait toujours cette responsabilité. (Le Maitron, notice Yann Le Floch).
En mars 1928 il habite à Querqueville (Manche) et en octobre il travaille comme forgeron à l’arsenal de Querqueville.
Il redevient chef d’équipe, comme à Cherbourg, où il a côtoyé Lucien Levaufre, Pierre Picquenot et Lucien Siouville.
En 1934, il est administrateur de la Société de secours mutuels La Mutualiste à Erquedreville (JO du 15/02/1934).
Il participe activement aux débats du Front populaire.
En 1935, il est le seul candidat communiste sur une « liste d’action ouvrière », d’opposition, qui se présente pour la première fois aux municipales de Querqueville, liste composée de 8 militants SFIO, 3 indépendants et 1 SFIC.
René Fouquet est à nouveau candidat du Parti communiste à Querqueville aux élections municipales partielles de septembre 1936 avec 3 autres militants (4 sièges à pourvoir).
Les résultats du premier tour sont encourageants pour le P.C. Au deuxième tour, René Fouquet est le candidat du Parti communiste sur la liste de Front populaire (1 apparenté radical, 1 communiste et deux SFIO unitaires). La liste est élue en entier. René Fouquet est élu conseiller municipal de Querqueville.
Après la victoire du Front populaire le gouvernement institue un sous-secrétariat d’état aux loisirs, dont Léo Lagrange est le moteur. La loi du 11 juin 1936 relance l’éducation post-scolaire et les cours pour adultes.
René Fouquet s’y inscrit et obtient en janvier 1937 la médaille de bronze accordée par le ministère au titre des cours d’adultes. A cette date, il est toujours chef d’équipe à l’Arsenal de Querqueville.
Il est également très investi dans la défense de l’école laïque au niveau local et il est un des responsable de la société des amis de l’école laïque avec Gaston Mauger.
Mais avec la déclaration de guerre et l’interdiction du Parti communiste le 26 septembre 1939, il est révoqué de l’Arsenal, dans le cadre du décret du 18 novembre 1939 » relatif aux mesures à prendre à l’égard des individus dangereux pour la défense nationale et la sécurité publique « .
René Fouquet est « dégagé des obligations militaires le 19 décembre 1938 (père de famille de 2 enfants, passé classe 1909). Il n’est donc par mobilisé à la déclaration de guerre 1939.
Du 7 au 19 juin 1940 la Normandie est envahie par les chars de Rommel.
Le 15è corps d’armée, commandé par le général Hotz investit Saint-Lô le 18 juin et Cherbourg le 19. Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 21 juin 1940, horloges et montres sont avancées d’une heure. La moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Dès le début de l’Occupation des tracts anti-allemands sont édités à l’initiative d’André Defrance, qui organise des groupes de patriotes sous l’égide du Parti communiste clandestin. La police de Vichy qui surveille les anciens élus, candidats ou militants communistes « notoires», procéde à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire cesser la propagande communiste clandestine.
René Fouquet est arrêté le 23 juin 1941 à son domicile en raison de ses convictions politiques et activités syndicales. Le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom « d’Aktion Theoderich », les Allemands arrêtent dans la zone occupée et avec l’aide de la police française plus de mille communistes. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (prison maritime de Cherbourg, prison de Saint-Lô pour ceux de la Manche) ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.
Pour le département de la Manche, avec René Fouquet, Léon Lamort, René Longle (45802) et Charles Passot (45951) de Granville, Alphonse Doucet (45479) et Maurice Fontaine, d’Equeurdreville, Edouard Lechevalier (45747) et Hyppolite Mesnil de Cherbourg, Julien Leterrier de Tourlaville, Gaston Launay d’Octeville, sont arrêtés dans le cadre de cette opération.
La grande rafle est commencée le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique.
Son nom fait partie avec 11 de ses camarades de Caen et de St Lô d’une liste d’otages « à fusiller » (Feldkommandantur de St Lô / XLII-22) .René Fouquet est interné à la Prison maritime de Cherbourg (la « Totoche » dans le jargon maritime), vraisemblablement jusqu’au 3 décembre 1941. Il est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, le « Frontstalag 122) il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, René Fouquet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf l’article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignorait son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942.
Le numéro «45 554 ?» inscrit dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Le numéro matricule de ce déporté dont nous possédions la photo prise à l’immatriculation le 8 juillet, quoique plausible (ordre alphabétique et visage du déporté qui correspond à l’âge de René Fouquet), ne pouvait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules.
Grâce à la reconnaissance, par son petit-fils, M. Marcel Picot, de la photo d’immatriculation que nous avions publiée au début de la notice biographique, nous en avons désormais la preuve.
Cette photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date. Toutefois, compte tenu de ses qualifications professionnelles, il a vraisemblablement été ramené au camp principal.
René Fouquet meurt à Auschwitz le 20 octobre 1942 d’après les registres du camp.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué.
Un refus pour l’homologation au titre de Déporté Résistant a été opposé à sa famille (15 octobre 1946). Lire dans le site : La carte de « Déporté-Résistant« .
Son nom est honoré sur le monument commémoratif de Saint-Lô « Aux Victimes de la répression nazie » (porte de l’ancienne prison détruite lors du bombardement du 6 juin 1944).
Il est également gravé sur le monument aux morts de Querqueville selon sa petite fille, madame Smith-Picot Ghislaine.
Une des grandes rues de la ville, en direction du front de mer, porte son nom.
La photo d’immatriculation que nous n’avions pas pu attribuer à René Fouquet (et nous n’en avions d’ailleurs reproduit que le visage) avait été malencontreusement reprise sans avertissement par les sites Wikimanche et Mémorial Genweb. Demi mal, puisqu’il s’agit bien du bon numéro matricule.
Sources
- Les recherches de Renée Siouville (résistante, veuve de Lucien Siouville (46106), rencontrée par Roger Arnould au pélerinage d’Auschwitz de 1971) effectuées auprès des Associations locales et des archives municipales et départementales ont permis de dresser une première liste et éléments biographiques de 17 des 18 « 45000 » de la Manche.
- « La Résistance dans la Manche » (Marcel Leclerc) Ed. La Dépêche. Page 39.
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen, juillet 1992.
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom.
- Registres matricules militaires.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
- Le Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier / mouvement social, notice Yann Le Floch.
Notice biographique rédigée en avril 2001, complétée en 2016, 2108, 2021 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 et de « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005), pour le livre « De Caen à Auschwitz » (Collège Paul Verlaine d’Evrecy, Lycée Malherbe de Caen et Association Mémoire vive) juin 2001, Ed. Cahiers du temps. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com