Matricule « 45 479 » à Auschwitz
Alphonse Doucet : né en 1914 à Le Vast (Manche) ; domicilié à Equeurdreville (Manche) ; charpentier à l'Arsenal de Cherbourg ; communiste, responsable régional des JC ; arrêté le 23 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté à Auschwitz le 6 juillet 1942, où il meurt le 2 novembre 1942.
Alphonse, Edmond Doucet est né le 4 novembre 1914 à Le Vast (Manche).
Il habite 14 rue Victor Hugo à Equeurdreville (Manche) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Louise Pauline Challe et de Jean Baptiste Emile Doucet, 29 ans, son mari. Son père, soldat au 225è RI est « tué à l’ennemi » le 1er juin 1917 au combat d’Aubérive.
Matelot-charpentier à Cherbourg, puis à l’entrepôt général de l’aéronautique d’Orly, Alphonse Doucet va revenir à Cherbourg après son mariage.
Le 3 octobre 1936, à Equeurdreville, il épouse Georgette Henry, employée de commerce. Elle est née le 23 avril 1916 à Equeurdreville.
Le couple a trois enfants : Jean, né le 11 février 1937, Fernande, née le 24 avril 1938 et André, né le 15 août 1939 qui meurt le 14 décembre 1940, à l’âge de seize mois.
Alphonse Doucet est un militant communiste connu : il est secrétaire régional des Jeunesses Communistes pour la région Manche en 1939. Il succède dans ces responsabilités à Henri Corbin.
Alphonse Doucet est révoqué de l’Arsenal en 1939, comme tous les communistes connus, dans le cadre du décret du 18 novembre 1939 » relatif aux mesures à prendre à l’égard des individus dangereux pour la défense nationale et la sécurité publique « . Il est mobilisé à la déclaration de guerre.
Du 7 au 19 juin 1940 la Normandie est envahie par les chars de Rommel. Le 15e corps d’armée, commandé par le général Hotz investit Saint-Lô le 18 juin et Cherbourg le 19. Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 21 juin 1940, horloges et montres sont avancées d’une heure. La moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Dès le début de l’Occupation des tracts anti-allemands sont édités à l’initiative d’André Defrance, qui organise des groupes de patriotes sous l’égide du Parti communiste clandestin. Les autorités allemandes éditent un avis dès la fin juillet 1940 interdisant sous peine de sévères punitions « de se passer l’un à l’autre des objets de propagande anti-allemande, tracts, journaux… qui doivent immédiatement être remis à la Feldkommandantur ou a l’Ortskommandantur la plus proche…
La police de Vichy surveille dès le débit de l’Occupation les syndicalistes, anciens élus, candidats ou militants communistes « notoires » et procède à des perquisitions et des arrestations.
« Il reprit en novembre 1940, la direction des Jeunesses communistes, succédant à Albert Barbéri ». (Le Maitron). Selon l’attestation d’André Defrance : « Il prend contact avec lui en septembre 1940, puis au Front National, propagea mots d’ordre, directives et nouvelles qu’il recueillait au cours des réunions clandestines de son groupe, diffusait largement toutes les publications exhortant les Français à s’unir et à se battre que lui remettaient ses chefs directs« .
Alphonse Doucet est arrêté à son domicile à 23 h, le 22 juin 1941, après une perquisition infructueuse, par la police française. « Pour entrave au travail, diffusion de tracts incitant les Français à la Résistance à l’occupant » selon son épouse ». Le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent dans la zone occupée et avec l’aide de la police française plus de mille communistes. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (prison maritime de Cherbourg, prison de St Lô pour ceux de la Manche), ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.
Pour le département de la Manche, Léon Lamort, René Longle (45802) et Charles Passot (45951) de Granville, Alphonse Doucet (45479) et Maurice Fontaine (1), d’Equeurdreville, Edouard Lechevalier (45747) et Hyppolite Mesnil de Cherbourg, Julien Leterrier de Tourlaville, Gaston Launay d’Octeville, sont arrêtés dans le cadre de cette opération. La grande rafle est commencée le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique.
Détenu 15 jours à la Prison maritime de Cherbourg, puis 8 jours à celle de Saint-Lô, le 18 ou 19 juillet 1941, Alphonse Doucet est transféré le 25 juillet 1941 au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122), un camp géré par la Wehrmacht.
Il y reçoit le matricule n° »1333″, à la baraque A4. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Alphonse Doucet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf l’article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 479 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date
Alphonse Doucet meurt à Auschwitz le 2 novembre 1942 d’après les registres du camp.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Il est homologué « Déporté politique » en 1954.
Son nom est honoré sur le monument commémoratif de Saint-Lô « Aux Victimes de la répression nazie » (porte de l’ancienne prison détruite lors du bombardement du 6 juin 1944). Il est également gravé sur la stèle commémorative du cimetière Tôt neuf d’Equeurdreville.
- Note 1 : Maurice Alphonse Prosper Fontaine, né à Cherbourg le 27 février 1906 est ajusteur à l’arsenal de Cherbourg, il habite Équeurdreville, rue de la Paix. Membre du groupe Valmy, il opère des sabotages. Il est arrêté le 22 juin 1941 ; interné à Compiègne et déporté en août 1944 au camp de concentration d’Orianenbourg-Sachsenhausen, où il meurt.
Sources
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Les recherches de Mme Renée Siouville (résistante, veuve de Lucien Siouville (46106), rencontrée par Roger Arnould au pèlerinage d’Auschwitz de 1971) effectuées auprès des Associations locales et des archives municipales et départementales ont permis de dresser une première liste et éléments biographiques de 17 des 18 « 45000 » de la Manche.
- « La Résistance dans la Manche » (Marcel Leclerc) Ed. La Dépêche. Page 39.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, octobre 1993, Caen.
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Tome 25
- Photo d’Alphonse Doucet, collection de son fils, Jean Doucet, parue sur les sites de Mémorial Genweb et de l’Association « Mémoire Vive ».
Notice biographique rédigée en avril 2001, complétée en 2018, 2021 et 2024, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005), pour le livre « De Caen à Auschwitz » (Collège Paul Verlaine d’Evrecy, Lycée Malherbe de Caen et Association Mémoire vive) juin 2001, Ed. Cahiers du temps.
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