Aaron Goldstein : né à Sousse (Tunisie) en 1892 ; domicilié à Caen (Calvados) ; employé de banque, marchand forain ; arrêté le 1er mai 1942 comme otage Juif ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé à Birkenau le 10 août 1942.
Aaron (ou Aron) Goldstein est né en Tunisie à Sousse, le 15 octobre 1892.
Il habite au 101, rue Saint Pierre à Caen (Calvados) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Adèle Scheragé et de Josué Goldstein.
Employé à la Banque d’Egypte au Caire, où il fait la connaissance d’Esther Goldenberg, la future mère de ses enfants.
Il est marié avec Esther Goldenberg, originaire de Jérusalem. Ils sont entrés en France en 1923 munis d’un laisser-passer égyptien (DGS).
« Esther et Aaron Goldstein sont arrivés en France après la première guerre mondiale, en venant d’Egypte. Leurs trois enfants sont nés à Paris. Léon en 1924, Adèle en 1925, Victoria en 1928. La famille déménage ensuite à Caen où le père est marchand en bonneterie. Les parents divorcent en 1937 et la mère Esther se remarie en 1939. Le père obtient la garde des deux aînés, la dernière Victoria reste avec sa mère et son nouveau mari. Aaron Goldstein, le père des enfants est arrêté à Caen le 1er mai 1942 et déporté à Auschwitz où il décédera » (in Mémorial de la Shoah (note 1).
Le couple habite à Paris où naissent leurs trois enfants. La famille déménage à Rennes, puis à Caen.
En 1937, alors qu’ils sont en procédure de divorce, Esther Goldstein, est employée chez M. Abraham Ganelinas.
La presse locale relate à plusieurs reprises une succession de conflits conjugaux : plaintes réciproques, actions en justice et condamnations, appels, relatés par la presse locale – non sans relents d’antisémitisme – par Ouest-Eclair en 1936, et Ouest-Eclair, 21 juillet 1937.
Le divorce est prononcé le 22 décembre 1937. Esther Goldenberg épouse Abraham Ganelinas le 18 avril 1939.
En 1939, Aaron Goldstein, est domicilié provisoirement au 42, rue des Carmes à Caen (Ouest-Eclair du 16 avril 1939).
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 18 juin 1940, les troupes allemandes arrivant de Falaise occupent la ville de Caen, et toute la Basse Normandie le 19 juin. Les troupes allemandes défilent à Caen. Toute la Basse Normandie est occupée le 19 juin. La Feldkommandantur 723 s’installe à l’hôtel Malherbe, place Foch.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.
Le 3 octobre 1940, les Juifs de nationalité française perdent – par le décret du gouvernement de Vichy – leur statut de citoyens à part entière (obtenu le 21 septembre 1791). En effet à la suite de la première ordonnance allemande prescrivant le recensement des Juifs en zone occupée, un fichier des Juifs est établi dans chaque préfecture et un premier « Statut des Juifs » est édicté le 3 octobre 1940 par gouvernement de Vichy. Il est beaucoup plus draconien que l’ordonnance allemande (pour les Allemands, le Juif est défini par son appartenance à une religion, pour Vichy par son appartenance à une race). Les Juifs de nationalité française perdent, par ce décret du gouvernement de Vichy, leur statut de citoyens à part entière : à partir du 3 octobre 1940, la police française fait appliquer les ordonnances allemandes concernant l’obligation pour les Juifs de zone occupée d’avoir une carte d’identité portant la mention « Juif » : ils doivent se faire recenser dans les commissariats proches de leur domicile. Dans certains départements les préfets ont transmis à la commission nationale de révision des naturalisations des listes d’étrangers naturalisés (et parmi eux de nombreux Juifs). Cela n’a pas été le cas dans le Calvados pour les Juifs déportés le 6 juillet 1942. Seul Jacques Grynberg est dénaturalisé en mai 1944, mais directement au plan national, la commission n’ayant pas connu son parcours depuis le Bas-Rhin à Paris puis à Caen.
Aaron Goldstein se remarie le 28 mars 1941 à Caen avec Frida Segall. Commerçante à la halle, elle est née le 5 février 1900 à Constantinople (Istanbul, Turquie).
Les époux habitent au 101, rue Saint-Pierre à Caen.
Aaron Goldstein est arrêté comme otage juif le 1ermai 1942 par la police française et des gendarmes allemands. Son nom figure en effet sur la liste de 120 otages «communistes et Juifs » établie par les autorités allemandes.
Son arrestation a lieu en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Airan-Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants. 24 otages sont fusillés le 30 avril à la caserne du 43è régiment d’artillerie de Caen occupé par la Werhmarcht.
28 communistes sont fusillés en deux groupes les 9 et 12 mai, au Mont Valérien et à Caen. Le 9 mai trois détenus de la maison centrale et des hommes condamnés le 1er mai pour « propagande gaulliste » sont passés par les armes à la caserne du 43è RI.
Le 14 mai, 11 nouveaux communistes sont fusillés à Caen.
Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos des deux sabotages de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard).
Il est emmené de nuit à la Maison centrale de la Maladrerie de Caen (dite également prison de Beaulieu), entassé avec d’autres Juifs de Caen et des militants communistes caennais
arrêtés le même jour, au sous-sol dans des cellules exiguës.
A la demande des autorités allemandes, Aron Golstein et ses camarades sont conduits en autocars le 3 mai au «Petit lycée» de Caen occupé par la police allemande, où sont regroupés les otages du Calvados. On leur annonce qu’ils seront fusillés. Par la suite, un sous-officier allemand apprend aux détenus qu’ils ne seront pas fusillés mais déportés. Après interrogatoire, ils sont transportés le 4 mai 1942 en cars et camions à la gare de marchandises de Caen. Le train démarre vers 22 h 30 pour le camp allemand de Royallieu à Compiègne le Frontstalag 122 (témoignage André Montagne).
Aron Golstein y est interné le lendemain soir en vue de sa déportation comme otage.
Lire l’article : Les déportés juifs du convoi du 6 juillet 1942
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, le Frontstalag 122, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Aaron Goldstein est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro « 46278 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
De plus, la photo du déporté portant ce numéro matricule prise à Auschwitz lors de la séance d’immatriculation le 8 juillet 1942, n’a pas été retrouvée, aucune comparaison avec sa photo d’avant-guerre n’est possible.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aron Goldstein meurt à Auschwitz le 20 août 1942 d’après les registres du camp.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Il est inscrit sur le « Mur des Noms » au Mémorial de la Shoah.
La demande d’homologation comme « Déporté politique » présentée par sa famille a été rejetée.
Son épouse Frida est déportée à Auschwitz dans le convoi n° 62 qui part de Drancy le 20 novembre 1943.
- Note 1 : « Les deux enfants Léon et Adèle qui vivaient avec leur père réussissent à franchir la ligne de démarcation et à rejoindre leur mère, le mari de celle-ci ainsi que la jeune sœur Victoria. La famille reste à Pau encore quelques temps, mais beaucoup de gens savent qu’ils sont juifs. Ils décident donc de quitter la ville. Une connaissance des parents leur donnera le nom et l’adresse d’un membre de la résistance à Romans-sur-Isère. Ils partent tous à Romans, où leur contact les amène chez des fermiers qui pourraient éventuellement héberger les deux filles. En octobre 1942 les deux filles sont accueillies dans une ferme à Châteauneuf-sur-Isère dans la Drôme, à plusieurs kilomètres de Romans.
La ferme appartenait à monsieur Amédée François et son épouse Suzanne François, et elle avait une position plutôt isolée. Monsieur François a trouvé aussi d’autres fermiers qui ont caché la mère et lebeau-père des enfants. Léon leur fils aîné, est parti au Vercors pour rejoindre la Résistance. Les deux filles sont restées à la ferme jusqu’en septembre 1944. Elles aidaient les François pour les différents travaux, mais elles étaient considérées comme des membres de la famille et Roger le fils des François qui avait 7 ans en 1942 était comme un petit frère pour elle. Elles étaient présentées au voisinage comme des petites cousines de Paris qui habitaient à la ferme parce qu’à Paris, elles avaient à peine de quoi manger. Quand des allemands s’approchaient de la ferme, elles se cachaient dans la grange sous le foin. Après la Libération, les deux sœurs ont retrouvés les leurs à Romans. La ville de Caen ayant été détruite pendant la libération, la famille Goldstein s’est installée à Paris ». In « Mémorial de la Shoah » en ligne.
- Note 1 : On notera une confusion sur le site du Mémorial entre deux Goldstein Aaron… Dans les listes allemandes de Caen, il n’y a qu’un seul Goldstein Aaron, et un seul dans le convoi du 6 juillet 1942. Il est bien né à Sousse en Tunisie.
Note 2 : Dans un commentaire posté en mars 2023 sur le site, M. Vaultier que je remercie pour ses recherches, pense qu’il s’agit d’une photo de Frida avec son précédent époux « Je pense que la photo de couple est celle de Joseph Bensasson avec son épouse Frida Segall (Joseph et Frida ont eu deux enfants Esther -1925 à Paris 12ème et Esthel Tamar -1927 à Paris 12ème) avant qu’elle ne divorce et qu’elle se remarie avec Aaron Goldstein le 28 mars 1941 à Caen. C’est d’ailleurs dans cet acte de mariage que Aaron est indiqué né le 15 octobre 1892 à Sousse en Tunisie ce qui semble être contesté par sa descendance qui donne comme date et lieu de naissance le 15 octobre 1893 au Caire. (Site du Mémorial de la Shoah). En 1936 un Aaron patron marchand forain est sur le recensement de Caen au 42 rue des Carmes avec pour date et lieu de naissance : 1890 au Caire. Dans l’Ouest Eclair (Edition de Caen ) du 18 novembre 1936, Aaron Goldstein qui est en procès avec Abromas Ganelinas est mentionné demeurant au 42 rue des Carmes à Caen. Abromas Ganelinas épousera le 18 avril 1939 à Caen Esther Goldenberg, l’ ex-épouse de Aaron Goldstein ».
Sources
- Avis de décès (ACVG, avril 1992).
- LA 10562 / LA 15765 (arrestations Calvados / ministère de l’Intérieur).
- Archives du Centre de documentation Juive Contemporaine
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen. (Déc. 1992).
- Recherches généalogiques (actes de mariage 1939 et 1941, articles de presse, Mémorial de la Shoah) effectuées par Pierre Cardon.
Notice biographique rédigée en janvier 2001 (complétée en 2016, 2017, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive ». Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com
Merci pour ce travail de mémoire.
Je pense que la photo de couple est celle de Joseph Bensasson avec son épouse Frida Segall (Joseph et Frida ont eu deux enfants Esther -1925 à Paris 12ème et Esthel Tamar -1927 à Paris 12ème) avant qu’elle ne divorce et qu’elle se remarie avec Aaron Goldstein le 28 mars 1941 à Caen. C’est d’ailleurs dans cet acte de mariage que Aaron est indiqué né le 15 octobre 1892 à Sousse en Tunisie ce qui semble être contesté par sa descendance qui donne comme date et lieu de naissance le 15 octobre 1893 au Caire. (Site du Mémorial de la Shoah)
En 1936 un Aaron patron marchand forain est sur le recensement de Caen au 42 rue des Carmes avec pour date et lieu de naissance : 1890 au Caire.
Dans l’Ouest Eclair (Edition de Caen ) du 18 novembre 1936, Aaron Goldstein qui est en procès avec Abromas Ganelinas est mentionné demeurant au 42 rue des Carmes à Caen. Abromas Ganelinas épousera le 18 avril 1939 à Caen Esther Goldenberg, l’ex-épouse de Aaron Goldstein.
Merci pour votre post. Je m’étais basé sur la photo publiée par le Mémorial de la Shoah, et je ne m’étais pas assez questionné sur le peu de ressemblance entre les deux hommes.
J’ai donc simplement modifié la légende en laissant uniquement le nom de Frida et en incluant une note qui reprend intégralement ce que vous écrivez.
Bien cordialement. Pierre Cardon, animateur du site pour mon épouse Claudine Cardon-Hamet.