Matricule « 46 106 » à Auschwitz
Lucien Siouville : né en 1908 à Saint-Lô (Manche) ; domicilié à Bricquebec (Manche) ; chaudronnier à l’Arsenal ; délégué Cgt ; communiste ; arrêté le 28 octobre 1941 ; interné à Compiègne ; déporté à Auschwitz le 6 juillet 1942, où il meurt le 30 octobre 1942.
Lucien Siouville est né le 16 décembre 1908 à Saint-Lô (Manche). Il habite avec sa femme et leur fils à Bricquebec (Manche) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Albertine Mahaut et de Louis Siouville son époux.
Il travaille à l’Arsenal de la Marine à Cherbourg comme chaudronnier. Conscrit de la classe 1928, il est appelé au service militaire (matricule 862, circonscription de Cherbourg).
Le 27 février 1932, à Cherbourg-Octeville, il épouse Renée, Madeleine, Alice Defrance (1), âgée de 25 ans. Elle est née le 23 septembre 1907 à Cherbourg décédée le 17 novembre 1997 à Valognes).
Le couple a un fils, Gilbert, Lucien qui naît le 28 mai 1937 (il est décédé le 4 octobre 1972 à Cherbourg). Renée a deux frères, Jean (1906-2006) et André (2) (1908-1952), qui travaille lui aussi comme chaudronnier à l’Arsenal, secrétaire général du syndicat unitaire de l’Arsenal.
Militant communiste connu, Lucien Siouville est candidat aux élections municipales à Cherbourg.
Syndicaliste CGT, il est élu délégué ouvrier à l’Arsenal.
Pour les élection municipales complémentaires du 22 janvier 1939, il est candidat dans deux villes : il fait partie des 10 candidats présentés par le Parti communiste à Cherbourg et Octeville, où il recueillera 154 voix.
Dans le cadre du décret du 18 novembre 1939 « relatif aux mesures à prendre à l’égard des individus dangereux pour la défense nationale et la sécurité publique« , Lucien Siouville est révoqué de l’Arsenal.
Il est mobilisé en avril 1940 avec le grade de brigadier de réserve au 304ème Régiment d’Artillerie à pied.
Du 7 au 19 juin 1940 la Normandie est envahie par les chars de Rommel. Le 15e corps d’armée, commandé par le général Hotz investit Saint-Lô le 18 juin et Cherbourg le 19. Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.
La moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Fait prisonnier (liste N°13 du 10-09-1940, p. 57), Lucien Siouville s’évade du camp de prisonniers de Fourchambault (Nièvre) et se réfugie au Moulin de Gonneville, près de Bricquebec (à 15 km de Cherbourg), lieu d’hébergement et de réunion de partisans avec sa femme et son enfant.
En effet dès le début de l’Occupation à l’initiative d’André Defrance des groupes de patriotes sont constitués sous l’égide du Parti communiste clandestin. Les autorités allemandes éditent d’ailleurs un avis dès la fin juillet 1940 interdisant sous peine de sévères punitions « de se passer l’un à l’autre des objets de propagande anti-allemande,tracts, journaux… qui doivent immédiatement être remis à la Feldkommandantur 722 ou a l’Ortskommandantur la plus proche…
Lucien Siouville travaille alors comme bûcheron et effectue de petits travaux.
Il reprend rapidement sa place dans la lutte contre l’hitlérisme : il retrouve la liaison avec le Parti communiste clandestin en février 1941, grâce à André Defrance (2) le frère de son épouse, qui organise le secteur et dont il devient l’agent de liaison, puis comme membre du Front national à partir du mois de juillet 1941 (Lucien Siouville assure des liaisons avec les comités du F.N. de l’agglomération cherbourgeoise) (3).
Mais André Defrance est repéré par les Allemands, et Lucien Siouville, à son tour, est identifié.
Leur domicile provisoire ayant été «donné» à la Gestapo qui recherchait activement ses occupants à Equeurdreville et à Cherbourg,
Lucien Siouville est arrêté par « une soixantaine d’Allemands venus de Cherbourg en cars« , dans la nuit du 27 au 28 octobre 1941 (in site Beaucoudray, non référencé). Sa femme le sera deux jours après.
Lucien Siouville est conduit à la prison maritime de Cherbourg (« La Totoche », dans le jargon de l’Arsenal).
Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de sa déportation comme otage.
Depuis le camp de Compiègne, Lucien Siouville est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d‘Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 46.106 ». Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a été pas retrouvée parmi les 522 photos que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale »
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Lucien Siouville meurt à Auschwitz le le 30 octobre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1120).
Lucien Siouville est homologué comme Résistant, au titre des Forces Françaises combattantes (FFC) et comme Déporté Résistant (DIR), comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 550604.
Le titre de «Déporté Résistant» lui a été attribué.
Son nom est honoré sur les monument commémoratifs de Saint-Lô et de Cherbourg-Octeville
- Note 1 : Renée Defrance, épouse de Lucien Siouville a été résistante. Elle est arrêtée deux jours après son mari. Elle est homologuée au titre des Déportés et internés résistants (DIR) Vincennes GR 16 P 164960. Elle a fait des recherches auprès
des Associations locales et des archives municipales et départementales, qui ont permis de dresser une première liste et de recueillir des éléments biographiques pour 17 des 18 « 45.000 » de la Manche. Elle est décédée le 17 novembre 1997 à Valognes
- Note 2 : Le frère cadet de Renée Defrance, André Defrance : né le 18 décembre 1908 à Cherbourg, ouvrier chaudronnier
à l’arsenal de la Marine de Cherbourg ; Secrétaire général du syndicat unitaire de l’arsenal, militant communiste ; Mobilisé en 1939, il reçoit la Croix de guerre. Démobilisé en septembre 1940, il participe à la reconstitution du Parti communiste dans la clandestinité. Passé dans la clandestinité en juin 1941, il met sur pied le Front national dans le département de la Manche sous le pseudonyme d’«André». Puis en juin 1942 il passe dans l’Oise (pseudonyme «Pierre»). En décembre 1942, en Seine-Inférieure (pseudonymes «Roland» et «Claude»). Responsable FTP aux opérations militaires pour le département. Commissaire militaire pour la région basco-landaise sous le pseudonyme de «Caron». Arrêté le 15 janvier 1944 alors qu’il se rendait à Tours, il est remis aux Allemands et interné à Compiègne, d’où il est déporté le 27 avril 1944 vers Auschwitz. Transféré à Buchenwald puis à Flossenburg, il est évacué, avec des malades, le 20 avril 1945, il s’évade le 25. Recueilli par les troupes alliées le 27. André Defrance fut homologué Capitaine FFI. Il meurt le 8 juillet 1952 à Équeurdreville (d’après la notice biographique du Maitron, par Yves Le Floc). Son frère aîné, Jean Defrance est également résistant, homologué FFL (Vincennes GR 16 P 164946). - Note 3 : « a servi sous les ordres d’André Defrance en qualité d’agent de liaison et de répartiteur de matériel de propagande jusqu’à son arrestation ». (DAVCC).
Sources
- « La Résistance dans la Manche » (Marcel Leclerc) Ed. La Dépêche. Pages 40/41.
- Photo © www.wikimanche.fr
- Les recherches de Mme R. Siouville (veuve de Lucien Siouville, rencontrée par Roger Arnould au pèlerinage d’Auschwitz de 1971) effectuées auprès des Associations locales et des archives municipales et départementales ont permis de dresser une première liste et éléments biographiques de 17 des 18 « 45000 » de la Manche.
- – http://beaucoudray.free.fr/1940.htm
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Bureau de la Division (ou Pôle) des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel, juillet 1992).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
Notice biographique rédigée en avril 2001 (complétée en 2018 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005), pour le livre « De Caen à Auschwitz » (Collège Paul Verlaine d’Evrecy, Lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire vive) juin 2001, Ed. Cahiers du temps. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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